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Charte de la transition: la junte capitule

Conformément aux oukases de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le président de la Transition Bah a par décret N°2020-0072/PT-RM de ce jeudi 1er octobre 2020 promulgué enfin la Charte de la Transition.

À la lecture de cette version publiée hier dans le journal officiel, on note des changements notoires dans le document rapport à la version initiale, certainement pour contenter les chefs d’État de la CEDEAO, dont la menace se fait de plus en plus pressante. En effet, alors que dans la première mouture, il était dit que le vice-président remplace le président de la Transition en cas d’empêchement temporaire ou définitif, la version publiée ce jeudi ne prévoit plus cette éventualité. Pour ce qui est des missions du vice-président c’est une magistrale reculade qui frise la capitulation pour ne évoquer notre fameux repli stratégique. Désormais : si «le Président de la Transition est secondé par un Vice-président (et) désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier. Le Vice-président est chargé des questions de défense et de sécurité », uniquement suivant l’article 7.
En terme clair, le CNSP a lâché du lest pour ne pas dire s’est plié aux exigences de la CEDEAO qui a demandé non seulement une clarification par rapport à la mission du vice-président, mais également la publication de la Charte dans le Journal Officiel du Mali. Aussi, pour la levée de l’embargo, qui pèse sur le pays, depuis le coup d’État du 18 août 2020, les chefs d’État de la CEDEAO exigent des militaires, la dissolution du CNSP et leur retour dans les casernes pour s’occuper de la libération du pays, dont les 2/3 échappent au contrôle des autorités. Voici la charte de la Transition :

TITRE I : PREAMBULE
Nous, Forces Vives de la Nation représentées au sein du Comité national pour le Salut du Peuple (CNSP), du Mouvement du 5Juin-Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP), des Partis et Regroupements politiques, des Organisations de la Société civile et des Maliens établis à l’extérieur, des Mouvements signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger et des Mouvements de l’inclusivité ;
Mus par un élan de sursaut national pour la refondation de l’Etat, la préservation des principes républicains et le renouveau de la démocratie et de la citoyenneté ;
Nous fondant sur la Constitutiondu25 février 1992 et l’Acte fondamental n°001/CNSP du 24 août 2020 ;
Tenant compte de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ;
Considérant le caractère patriotique des évènements du 18 août 2020 ayant conduit à la démission libre et volontaire du Président de la République Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, précédée de la dissolution de l’Assemblée nationale et de la démission du Gouvernement ;
Considérant l’amplification des conflits meurtriers dans les régions au centre comme au nord du Pays, avec des milliers de morts, des centaines de villages détruits, des milliers de déplacés et de réfugiés, ainsi que le sacrifice ultime de nos forces armées mal équipées et livrées à l’ennemi ;
Considérant le lourd tribut payé par les filles et les fils du Mali victimes d’exactions et d’actes de répression ayant fait des martyrs parmi les manifestants pacifiques en Juillet 2020 ;
Conscient de l’impérieuse nécessité de situer l’action publique dans un cadre constitutionnel et légal, avec l’assentiment et la mobilisation du Peuple malien ainsi que l’accompagnement de la communauté internationale ;
Considérant notre attachement aux valeurs et principes démocratiques inscrits dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 de l’Union africaine et dans le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
Considérant l’urgence et la nécessité de doter le Mali d’organes de transition afin de combler le vide constitutionnel et institutionnel dans la conduite des affaires publiques ;
Conscient de la nécessité d’une trêve sociale pour permettre aux autorités de la transition de poser les bases de la refondation de l’Etat ;
Adoptons la présente Charte de la Transition qui complète la Constitution du25février 1992 et dont le présent préambule est partie intégrante.

TITRE II : VALEURS, PRINCIPES ET MISSIONS DE LATRANSITION
CHAPITRE I : DES VALEURS ET DES PRINCIPES
Article 1er : Outre les valeurs affirmées par la Constitution du 25 février 1992 en son préambule, la présente Charte consacre les valeurs et principes suivants pour conduire la Transition :
-le patriotisme, l’intégrité, la probité et la dignité ;
-le mérite, le sens de la responsabilité et la redevabilité ;
-la discipline, le civisme et la citoyenneté ;
-la fraternité, la tolérance et l’inclusion ;
-la neutralité, la transparence, la justice et l’impartialité ;
-le dialogue et l’esprit de consensus ;
-l’esprit de solidarité, de pardon et de réconciliation.

CHAPITRE II : DES MISSIONS
Article 2 : Les missions de la Transition consacrées par la présente Charte sont notamment :
-le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;
-le redressement de l’Etat et la création des conditions de base pour sa refondation ;
-la promotion de la bonne gouvernance ;
-la refonte du système éducatif ;
-l’adoption d’un pacte de stabilité sociale ;
-le lancement du chantier des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives ; l’organisation des élections générales ;
-la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.

TITRE III : DES ORGANES DE LA TRANSITION
Article 3 : Les organes de la Transition sont :
-le Président de la Transition ;
-le Conseil national de Transition ;
-le Gouvernement de la Transition.

CHAPITRE I : DU PRESIDENT DE LA TRANSITION
Article 4 : Le Président de la Transition remplit les fonctions de Chef de l’Etat. Il veille au respect de la Constitution et de la Charte de la Transition.
Il est choisi par un collège de désignation mis en place par le Comité national pour le Salut du
Peuple.
Article 5 : Les pouvoirs et prérogatives du Président de la Transition sont définis dans la présente Charte et la Constitution du 25 février 1992.
Article 6 : Le mandat du Président de la Transition prend fin après l’investiture du Président issu de l’élection présidentielle.
Article 7 : Le Président de la Transition est secondé par un Vice-président. Il est désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier.
Le Vice-président est chargé des questions de défense et de sécurité.

Article 8 : Tout candidat aux fonctions de Président et de Vice-président de la Transition doit remplir les conditions suivantes :
-être une personnalité civile ou militaire ;
-être de nationalité malienne d’origine ;
-être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus être intègre, de bonne moralité et impartial ; être une personnalité de notoriété publique ;
-jouir de ses capacités physique et mentale ;
-n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation pénale pour crime ;
-être reconnu pour son engagement dans la défense des intérêts nationaux.

Article 9 : Le Président et le Vice-président de la Transition ne sont pas éligibles aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.
La présente disposition n’est pas susceptible de révision.
Article 10 : Le Président et le Vice-président de la Transition entrent en fonction sept (07) jours au plus après leur désignation
Avant d’entrer en fonction, ils prêtent devant la Cour Suprême le serment suivant :
«Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution, la charte de la transition et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine».
Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de quarante-huit(48) heures, le Président de la Cour Suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du Président et du Vice-président de la Transition. Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle.
Dans un délai maximum d’un (1) mois avant la fin de la transition, il reçoit une seconde déclaration écrite. Celle-ci est publiée au Journal officiel accompagnée des justificatifs éventuels en cas d’augmentation du patrimoine.
Cette obligation de déclaration s’applique également à tous les membres des organes de la Transition institués par la présente Charte, à l’entrée et à la fin de leurs fonctions.

CHAPITRE II : DU GOUVERNEMENT DE LATRANSITION
Article 11 : Le Gouvernement de la Transition est dirigé par un Premier ministre nommé par le
Président de la Transition.
Il exerce les prérogatives définies par la présente Charte et la Constitution du 25 février 1992.
Le Gouvernement de la Transition est constitué de vingt-cinq (25) membres au plus.
Article 12 : Le Premier ministre et les autres membres du gouvernement doivent remplir les conditions suivantes :
-être de nationalité malienne d’origine ;
-jouir de ses capacités physique et mentale ;
-n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation pénale pour crime ;
-avoir les compétences requises ;
-être reconnu pour son engagement patriotique ; être de bonne moralité.
Les membres du Gouvernement de la Transition ne sont pas éligibles aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.

CHAPITRE III : DU CONSEIL NATIONAL DE LATRANSITION
Article 13 : Le Conseil national de Transition est l’organe législatif de la Transition.
Il est composé de cent vingt et un (121) membres répartis entre les Forces de Défense et de Sécurité, les représentants du Mouvement du 5 Juin Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP), les partis et regroupements politiques, les organisations de la société civile, les centrales syndicales, les syndicats libres et autonomes, les organisations de défense des Droits de l’Homme, les ordres professionnels, les Maliens établis à l’extérieur, les Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, les Mouvements de l’inclusivité, les groupements de femmes, de jeunes et des personnes vivant avec un handicap, les confessions religieuses, les autorités traditionnelles et coutumières, les chambres consulaires, les faitières de la presse, des arts et de la culture.
Un acte fixe la clé de répartition entre les composantes du Conseil national de Transition.
Le Conseil national de Transition exerce les prérogatives définies par la présente Charte et la Constitution du 25 février 1992.
Article 14 : Le Conseil national de Transition est présidé par une personnalité civile ou un militaire élue en son sein.
La fonction de Présidence du Conseil national de Transition est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat ou responsabilité au cours de la
Transition.
Article 15 : Le Conseil national de Transition adopte son Règlement intérieur lors de sa session inaugurale.
Le Conseil national de Transition adopte le Plan d’actions de la Feuille de route de la transition présenté par le Premier ministre.
Article 16 : Le Conseil national de Transition veille à l’orientation, au contrôle et au suivi-évaluation de la feuille de route de la transition.

CHAPITRE IV : DES AUTRES DISPOSITIONS
Article 17 : L’accès des femmes aux fonctions électives ct nominatives peut être favorisé par des mesures particulières prévues par la loi.
La composition des différents organes de la Transition prend en compte le genre.
Article 18 : Dans les cas de présomption de terrorisme et d’atteinte à la sureté nationale, la garde à vue peut atteindre cent soixante-huit heures, délai au-delà duquel une décision d’un magistrat de 1’ordre judiciaire est requise.
Article 19 : Les responsables administratifs et financiers ou questeurs des Institutions de la République sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres.
Article 20 : L’Etat reconnait les mécanismes traditionnels de règlement des litiges fondés sur les us et coutumes des différentes communautés dans les conditions définies par la loi.
TITRE IV : DE LA REVISION DE LA CHARTE DE LATRANSITION
Article 21 : L’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la Transition et au tiers (1/3) des membres du Conseil national de Transition.
Le projet ou la proposition de révision est adopté à la majorité des 4/5ème des membres du Conseil national de Transition.
Le Président de la Transition procède à la promulgation de l’acte de révision.

TITRE V : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 22 : La durée de la Transition est fixée à dix-huit(18) mois à compter de la date d’investiture du Président de la Transition.
Article 23 : Les membres du Comité national pour le Salut du Peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition, bénéficient de l’immunité. Ace titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet.
Article 24 : La présente Charte entre en vigueur dès son adoption par les Forces vives de la Nation.
Article 25 : En cas de contrariété entre la Charte de la Transition et la Constitution du 25 février 1992, les dispositions de la présente Charte s’appliquent.
La Cour constitutionnelle statue en cas de litige.
Article 26 : Jusqu’à la mise en place des organes de Transition, le Comité national pour le Salut du Peuple (CNSP) prend les mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la Nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés.
Bamako, le 12 septembre 2020
Le Président du Comité national pour le Salut du Peuple, Colonel Assimi GOITA

Source : INFO-MATIN

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