Inculpé pour complicité de crime contre l’humanité durant le conflit sierra léonais, Charles Taylor est souvent présenté comme le principal soutien de l’une des rebellions les plus cruelles du continent le RUF du caporal Fodé Sonko. Le feuilleton du procès Taylor vient de connaître son épilogue, avec la confirmation en appel par les juges du tribunal spécial pour la Sierra Leone qui vient de condamner définitivement l’ex- président Libérien à 50 ans de réclusion criminelle.
Coupable, ou non coupable ? L’ex-président libérien Charles Taylor est jugé coupable, le 26 avril 2012, d’avoir aidé et encouragé la commission des 11 crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour lesquels il était poursuivi… C’est la réponse des juges de la Cour Spéciale pour la Sierra Leone. Le principal accusé contesta à l’époque les faits et arguait ne pas avoir de chance face au complot ourdi par la communauté internationale à son encontre. C’est dans cette optique qu’il formula par le biais de son conseil un appel pour réfuter le jugement en instance prononcé par les juges du tribunal spécial pour la Sierra Leone, car selon ses avocats Taylor n’était pas directement lié à la chaîne de commandement du RUF, même s’il était présenté comme le principal parrain du mouvement, dont les principaux chefs de guerre ne sont plus de ce monde à savoir Fodé Sonko et le général Sam Bokari, dit Mosquito. Donc Taylor était plus que jamais présenté comme un des principaux fauteurs de troubles car son pays à l’époque servait de base arrière de la rébellion du RUF.
Jeudi 26 septembre aux Pays-Bas, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone n’y est pas allé par quatre chemins. La Chambre d’appel a confirmé la peine de réclusion criminelle qui avait été requis par le procureur et annoncé en audience par les juges de ce tribunal ad-hoc comme nous l’avons signifié ci-dessus en avril 2012, contre l’ex-président libérien Charles Taylor pour avoir «aidé et encouragé» la rébellion sierra-léonaise du RUF, accusée de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors de la guerre civile qui a fait quelque 120 000 victimes entre 1991 et 2002.
Confiné au Royaume Uni
Il sied de noter que cette lourde condamnation, à l’issue d’un procès inédit qui marque la fin du feuilleton judiciaire engagé depuis juin 2007 et qui a tenu le monde entier en éveil, mais surtout l’Afrique en haleine malgré le fait que le procès se déroulait loin des terres africaines, parce que délocalisé à la Haye pour éviter toutes sortes d’interférences en Sierra Leone et au Libéria, où l’accusé Taylor disposait encore de réseau de fidèles et une capacité de nuisance, n’aura pas non plus le privilège d’accueillir l’ex-chef d’Etat et chef de guerre pour purger son demi-siècle de bagne, comme l’a si bien dit l’éditorial de Faso Zine. Taylor purgera sa peine au Royaume Uni, car aucun pays africain ne s’était porté candidat à l’accueillir. Les quatre juges du procès de Taylor auront mis un peu plus d’un an à s’accorder sur un verdict. Chacun a dû relire les 50 000 pages de retranscription des audiences. Il y a d’abord eu les témoins du procureur : 94 personnes. Il s’agissait de victimes sierra léonaises venues raconter les atrocités du RUF, mais aussi d’experts et des témoins sensés avoir vécu le système Taylor de l’intérieur, comme l’ex-vice-président du Liberia Moses Blah.
Des témoins stars
Plus inattendue, Naomi Campbell avait aussi été convoquée par le procureur pour faire le lien entre Taylor et les « diamants du sang » des rebelles du Sierra Leone, dont l’extraction avait permis de financer la guerre. La top model avait dû s’expliquer au sujet des diamants qu’elle avait reçu en 1997, après un dîner auquel participait Charles Taylor en Afrique du Sud. Puis la défense a fait venir ses propres témoins, 21 au total, à commencer par l’ancien président libérien lui-même, resté 7 mois à la barre. Il y avait aussi un ex-leader du RUF. Tout l’enjeu de ce procès pour l’accusation était de prouver un lien direct de commandement entre Taylor et les auteurs des crimes en Sierra Leone. Difficulté supplémentaire : il lui fallait prouver ce lien dans la période de compétence de la cour, c’est-à-dire après 1996. Taylor assurait de son côté que son soutien au RUF avait cessé en 1992.Malgré l’argumentaire soutenu de Taylor, les faits le liant au RUF sont incontestables aux yeux des juges et selon leur intimes conviction. Ils ont décidé de lui infligé une lourde peine .
Le prisonnier Taylor, qui a déjà passé 7 ans derrière les barreaux de Scheveningen, aura encore 43 longues années devant lui comme pensionnaire privilégié de cet hôtel peu envié. Et compte tenu de son âge relativement avancé, 65 ans, il est fort probable que son séjour terrestre s’achève en prison. Mais l’histoire ne s’achèvera certainement pas sur la sale histoire des guerres civiles de la Sierra-Leone et du Libéria. Cette condamnation édifiera sans nul doute d’autres dirigeants africains fauteurs de troubles dans les pays voisins.