A Ségou, l’unité spécialisée dans les soins contre la malnutrition des tout-petits a traité 186 cas de janvier à septembre cette année
La malnutrition, notamment chez les enfants de moins de 5 ans, constitue l’une des préoccupations majeures de notre pays. Il y a de quoi ! Selon les résultats de la 8è Enquête nutritionnelle réalisée en juillet 2018, la prévalence nationale de la malnutrition aiguë globale est de 10,0%. Cela correspond, selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à une situation de malnutrition sérieuse.
La malnutrition sévit dans toutes les Régions du pays à des degrés différents. En témoignent ces chiffres toujours selon les résultats de l’Enquête de juillet 2018, la situation nutritionnelle est jugée précaire dans les Régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Mopti et Taoudéni avec des prévalences situées entre 5% et 10% de malnutrition aiguë globale. Elle est jugée sérieuse dans les Régions de Ségou, Tombouctou, Gao, Ménaka et le district de Bamako où la prévalence de la malnutrition aiguë globale dépasse le seuil d’alerte de 10%. Elle est acceptable dans la Région de Kidal avec une prévalence inférieure à 5%. La tendance générale indique qu’un enfant sur quatre souffre de malnutrition chronique. Un enfant sur dix souffre de malnutrition aiguë.
Dans la 4e Région administrative, la prise en charge des enfants malnutris se fait dans les CSCOM. Seuls les cas sévères sont référés aux niveaux de l’«URENI», unité spécialisée dans les Centres de santé de référence (CSREF), dédiée à la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère souvent avec des complications.
Pour mieux connaître l’univers de cette lutte contre la malnutrition aiguë des enfants, notre équipe de reportage est allée à la découverte de l’«URENI» du CSREF Famory Doumbia.
Assises sur des nattes avec des enfants sur les genoux, sous un grand hangar, des femmes attendent leur tour chez l’infirmière d’état. Un peu plus loin, précisément devant la salle de consultation, on aperçoit une longue file de femmes assises sur des bancs avec leurs enfants chétifs. A vu d’œil, ces enfants souffrent de malnutrition. Mme Zeïnabou Traoré, major de l’«URENI» du CSREF Famory Doumbia, termine la consultation d’une fillette de 19 mois. L’infirmière explique à la maman l’utilisation du kit de médicaments qu’elle vient de lui remettre. Le kit est composé de deux sachets de « Plumpy nut » communément appelé «Tiguedegueni » et de trois comprimés contre le paludisme. Le «Tiguedegueni» constitue la ration journalière de l’enfant. L’infirmière insiste sur le fait que l’enfant ne doit pendre que ce produit et le lait maternel. Elle se félicite du fait que sa petite patiente va mieux. Selon le traitement, quand un enfant arrive au stade de la consommation du «Tiguedegueni» c’est qu’il est hors de danger.
Mme Zeïnabou Traoré est passionnée par son travail qui consiste à sauver des enfants affaiblis par la malnutrition. Elle explique comment se passe la prise en charge des enfants au CSREF. « Dès son arrivée, nous donnons de l’eau sucrée à l’enfant qui est ensuite pris en charge selon les symptômes qu’il développe. Par exemple, la prise en charge d’un enfant malnutri qui a de la fièvre, la diarrhée et le vomissement est différente de celle d’un enfant qui développe des œdèmes et de la toux. Cependant, tous les patients ont un certain nombre de traitements à savoir le lait F75, F100 et les antibiotiques », détaille l’infirmière d’état. Le F75 est administré, explique-t-elle, lorsqu’il y a une complication appelée phase une ou aiguë. Le F100 a la même efficacité que le « Plumpy nut » ou «Tiguedegueni». Ces deux produits sont utilisés en phase de transition et permettent à l’enfant de prendre du poids.
140 000 ENFANTS- Cependant, indique-t-elle, il arrive qu’il y ait des cas spécifiques, c’est-à-dire des enfants de six mois qui ont moins de trois kilos. « Pour leur traitement, on leur donne du lait F100 dilué. Contrairement aux autres enfants malades qui reçoivent six fois comme ration journalière, ceux-ci auront huit repas par jour à raison d’un repas toutes les trois heures », spécifie Mme Zeïnabou Traoré.
Cependant, au moment de la libération des enfants, il est précisé à la maman de continuer d’aller prendre ce produit au CSCOM de son village ou de son quartier. Au cours du traitement, souligne notre interlocutrice, la mère ne doit donner que du sein à l’enfant et rien d’autre. Une fois que l’enfant atteint le poids normal, il n’aura plus de « Tiguedegueni » et pourra manger d’autres aliments. Même là, il sera prescrit à l’enfant un régime qui le protège de la malnutrition à l’avenir. Ce n’est pas tout. Pendant leur séjour dans le centre, les mamans sont informées par les infirmières de l’existence des pratiques nutritionnelles simples et efficaces qui permettent de lutter contre la malnutrition des enfants.
Notre spécialiste en la matière explique que cette séance de causerie-débat à tout son sens d’autant plus que les causes de la malnutrition ne proviennent pas exclusivement de l’insécurité alimentaire. Pour elle, ont peut aussi retenir les mauvaises conditions ďhygiène et ďassainissement du milieu de vie.
Retenons que de janvier à septembre cette année, l’«URENI» du CSREF Famory Doumbia a pris en charge 186 cas d’enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère souvent avec des complications. L’unité a enregistré 4 décès.
Le constat est que malgré les efforts du gouvernement dans la mise en œuvre de la Politique nationale de nutrition, la problématique demeure. Face à cette situation, l’Unicef travaille en étroite collaboration avec le PAM, la FAO et l’OMS pour soutenir le ministère en charge de la Santé avec un programme nutritionnel axé sur la prévention de toutes les formes de malnutrition, s’assurant que les enfants reçoivent une nutrition et des soins appropriés pendant les 1000 premiers jours de leur vie, une période appelée « la fenêtre d’opportunité » et en fournissant également aux enfants atteints de malnutrition aiguë sévère une prise en charge immédiate pour assurer leur survie.
En 2018, l’Unicef a appuyé la prise en charge de plus de 140 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère par l’approvisionnement en aliments thérapeutiques prêts à l’emploi et d’autres traitements médicaux connexes.
L’espoir est permis surtout si l’on s’en tient aux propos du Premier ministre lors du dernier forum tenu sur la nutrition dans notre pays en juillet dernier. La problématique est désormais une priorité politique et financière.
Mariam A. Traoré
AMAP-Ségou
Les causes ne viennent pas seulement de l’insécurité alimentaire
La malnutrition est due à la mauvaise qualité de l’alimentation de ľenfant, c’est-à-dire le manque de vitamines ou de fer dans l’alimentation de ľenfant.
Nous nous sommes rendu au Centre de santé de référence Famory Doumbia de Ségou pour mieux comprendre. Nous avons rencontré une mère dont ľenfant souffrait de malnutrition aiguë sévère avec complication. C’était une fille âgée de 19 mois venue de la Commune de Famana dans le Cercle de Ségou.
C’était le 21è jour d’hospitalisation de ľenfant. Elle avait des plaies sur le corps et une toux persistante. À 19 mois, cette fille ne marchait pas et elle avait ľ allure d’un enfant de 4 ou 5 mois.
Ľenfant a reçu des sirops et du lait. La mère lui donnait du « Plumpy nut ». Le Centre de santé avait remis à la mère du « Plumpy nut » qu’elle donnait à sa fille deux fois par jour, le matin et le soir. Quand nous arrivions, l’enfant prenait cette ration alimentaire depuis trois jours déjà. Son état s’était amélioré et elle était hors de danger. La mère et ľenfant furent libérées par ľhôpital mais la mère devait se rendre souvent au CSCOM de sa commune pour récupérer le « Plumpy nut » jusqu’à ce que tout aille bien.
La malnutrition représente donc une problématique importante et pèse sur ľétat de santé des groupes les plus vulnérables tels que les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes et allaitantes. Parallèlement, d’autres facteurs indépendants de l’insécurité alimentaire contribuent à l’augmentation de la malnutrition aiguë au Mali : les facteurs de morbidité dus au paludisme, à la diarrhée, aux infections respiratoires aigües, ainsi qu’à la rougeole.
Il y a pourtant des pratiques nutritionnelles simples et efficaces qui permettent de lutter contre la malnutrition des enfants dans notre pays. Combien de ménages notamment en milieu rural connaissent ces pratiques ? Il faudra corriger cela surtout que tous les enfants hospitalisés viennent des milieux ruraux.
Les causes de la malnutrition ne proviennent pas exclusivement de l’insécurité alimentaire. Le milieu de vie a un impact direct sur ľétat de santé des enfants, de la mère et de la femme enceinte.
Abdoulaye Mohamed Touré
Enfant Journaliste Ségou
Source: amap