Le parlement centrafricain a élu lundi à la présidence une femme – première dans l’histoire troublée de la Centrafrique -, Catherine Samba Panza, qui a lancé un appel “vibrant” à déposer les armes et reçu un soutien international appuyé, militaire et financier.
Maire de la capitale Bangui depuis l’arrivée au pouvoir de la rébellion en 2013, 59 ans, décrite comme une battante et ayant une fine connaissance des arcanes politiques centrafricaines, elle a été élue au second tour de scrutin par le Conseil national de transition (CNT, parlement provisoire). Elle succède à Michel Djotodia, contraint à la démission le 10 janvier pour son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuses, après avoir renversé en mars dernier le régime de François Bozizé.
Mme Samba Panza – en tête au 1er tour avec 8 candidats en lice – a recueilli 75 voix au 2ème tour, devant Désiré Kolingba, fils d’un ancien chef de l’Etat (53 voix), selon les résultats lus dans la salle et suivis d’applaudissements de l’assistance qui a entonné l’hymne national centrafricain, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Vêtue d’un tailleur rose, elle a aussitôt pris la parole devant les parlementaires pour lancer un “appel vibrant” à renoncer aux armes.
“Je lance un appel vibrant à mes enfants anti-balaka (miliciens chrétiens) qui m’écoutent. Manifestez votre adhésion à ma nomination en donnant un signal fort de dépôt des armes”, a-telle déclaré, ajoutant: “à mes enfants ex-Séléka (combattants musulmans) qui m’écoutent aussi, déposez vos armes”.
“A compter de ce jour, je suis la présidente de tous les Centrafricains sans exclusive”, a-t-elle assuré: “la priorité des priorités est de faire cesser la souffrance des populations, restaurer la sécurité et l’autorité de l’Etat sur tout le territoire”.
Calme à Bangui
“On est hyper contentes! on a fait un bon choix, un très très bon choix”, s’est réjouie une déléguée du CNT, Rose Yodoma, entourée d’autres femmes.
Dans une capitale centrafricaine particulièrement calme en fin de journée, le nom de la nouvelle présidente était sur toutes les lèvres. Au centre des conversations, les espoirs mais aussi l’angoisse de la réaction des hommes en armes après l’élection de Mme Samba Panza.
Au quartier Miskine (centre-ville), quelques dizaines d’habitants sont sortis dans la rue pour célébrer la nouvelle. “Nous sommes fous de joie parce que nous sommes libérés, parce qu’on a déjà trouvé un nouveau président”, s’est exclamé Jean-Franklin Debonheur, 19 ans.
Puis, s’adressant aux femmes du groupe: “allez les filles, parlez! C’est votre jour!”. “Enfin, on peut oublier la Séléka. Je suis heureuse, ça fait chaud au coeur de voir une femme à la tête du pays”, a souri Diane, une jeune fille de 22 ans.
Le président français François Hollande, qui joue un rôle moteur dans la mobilisation de la communauté internationale sur la crise en Centrafrique – ancienne colonie française – l’a félicitée après l’élection, lui assurant que “la France se tient à ses côtés dans cette tâche difficile”.
Mme Samba Panza est “une femme tout à fait remarquable”, a renchéri le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui a dit souhaiter lui rendre visite “très prochainement”.
A Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères ont approuvé le lancement d’une opération militaire de l’Union européenne (UE) en Centrafrique, en appui aux forces africaine et française, avec des soldats – leur nombre pourrait s’élever à 500 – qui seraient chargés d’aider à la sécurisation de Bangui, selon une source officielle.
Les pays donateurs se sont engagés à débloquer près de 500 millions de dollars pour la Centrafrique en 2014, ont indiqué l’UE et l’ONU. Ils “se mobilisent totalement pour tenter de mettre fin à la grave crise” humanitaire de la Centrafrique, qui “a été si longtemps oubliée”, a déclaré la commissaire européenne à l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva.
Le temps presse
Un mois et demi après le début le 5 décembre de l’opération Sangaris, la situation sécuritaire dans la capitale, où la plupart des soldats français sont stationnés, s’améliore progressivement malgré des explosions de violence localisées.
Mais dans un pays de plus de 600.000 km2, très pauvre malgré son potentiel minier et agricole, un déploiement reste très compliqué dans les zones reculées et les témoignages d’habitants et d’ONG décrivent une situation chaotique et largement hors de contrôle.
Outre la pacification, la nouvelle présidente doit remettre une administration totalement paralysée en état de marche et permettre aux centaines de milliers de déplacés de rentrer chez eux pour régler une crise humanitaire qui affecte la moitié des quelques 4,6 millions de Centrafricains.
Elle dispose de peu de temps: selon le calendrier de la transition, des élections générales doivent être organisées au plus tard au premier semestre 2015, la France souhaitant pour sa part qu’elles se tiennent en 2014.
© 2014 AFP