Avec la fin de la grève des magistrats et la reprise du plein service dans les cours et tribunaux, le conflit de légitimité ne saurait longtemps persister à la Céni, au regard des dernières évolutions judiciaires du différend qui oppose les inconditionnels du président Amadou Bah et la fronde organisée autour de l’avocat Me Sanogo. En effet, suite au blocage financier que les frondeurs ont infligé au bureau qu’elle estime avoir déposé et dépourvu de son pouvoir de signature, le contentieux n’a pu être épargné par l’épisode judiciaire que nous annoncions dans nos précédentes parutions. C’est ainsi que la Cour suprême a été le théâtre, jeudi dernier, d’un ballet sans précédent de dizaines d’avocats majoritairement mobilisés pour la cause de leurs confrères membres de la CENI en litige contre le magistrat et président de cette structure, le magistrat Amadou Bah. Ce dernier est défendu pour la circonstance par un autre avocat spécialiste de droit public, Me Mamadou Samaké en l’occurrence, mais il n’en demeure pas moins que le décor de la Cour suprême avait les apparences d’une bataille corporatiste très rangée, dont les deux corps se cachent a peine. Et à la mobilisation massive des avocats, les magistrats ont répliqué par le communiqué ci-contre par lequel le Syndicat Autonome affiche un soutien réserve au président de la Ceni
En toile de fond, une série de mesures spectaculaires ayant sanctionné une certaine assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle la fronde des avocats s’est fendue d’un renversement du président Amadou Bah et du questeur Befon Cissé et leur substitution à leurs fonctions respectives par le duo Me Sanogo et Evaris CAMARA ci-devant : représentants du barreau et du Rpm à la CÉNI. Intervenue dans la foulée d’un audit des fonds de supervision de la présidentielle 2018, le bouleversement du directoire régulièrement installé se justifie, selon les auteurs, par une utilisation inadéquate des ressources de la Céni qu’ils mettent au compte de l’indiscipline budgétaire. Mais, ni les explications de fond ni la forme ne paraissent résister à l’analyse pour le camp adverse, qui avait balayé d’un revers de main les argumentaires de la fronde lors d’une conférence de presse organisée à cette fin. Pour le président Bah, en outre, la démarche de sa destitution souffre avant tout d’une évidente violation de la loi ainsi que du dispositif réglementaire régissant la Céni, notamment le règlement intérieur en vertu duquel une assemblée générale extraordinaire est l’apanage d’au moins 2/3 de ses membres. Or les frondeurs sont loin du compte avec seulement huit membres sur la quinzaine.
Lors de l’audience de la semaine dernière, le contentieux n’a pas été définitivement tranché. Le verdict est attendu aujourd’hui lundi, mais tous conviennent qu’à priori la tendance, du côté du Rapporteur général comme de celui du commissaire du Gouvernement, est à la suspension à défaut de l’annulation pure et simple des mesures prises à l’encontre du président en exercice et du questeur. De quoi mettre un terme à une polémique ayant connu des épisodes dramatiques, écorné sérieusement l’image de l’organe de supervision des élections et mis sur la place publique les scandaleuses malversations financières de certains membres.
Si la tendance des débats en audiences se confirme, en effet, le président Amadou Bah recouvrera la plénitude de ses fonctions et prérogatives que la tendance majoritaire lui avait partiellement retirées en obtenant l’invalidation de sa signature auprès de la BDM SA, décision que le président de la Céni n’avait pas manqué d’attaquer devant les tribunaux compétents en affrontant notamment, outre les adversités à l’interne, l’hostilité ouverte du ministre des Finances. C’est sur l’instruction de l’hôtel des Finances, semble-t-il, que le contentieux de l’Etat a curieusement représenté les intérêts de la BDM contre la Céni pour la circonstance, a confié une source proche de cet organe.
En attendant d’être définitivement édifié sur le dénouement, les démarches et appels du pied vont bon train dans le sens d’une fumée de calumet entre membres condamnés à la cohabitation, au risque d’obliger les hautes autorités à y mettre un terme au dysfonctionnement inhérent à la situation conflictuelle par des mesures plus coercitives : la dissolution de l’organe. Une autre paire de manche dont les membres voudraient bien faite l’économie car un renouvellement de bail peut paraître aléatoire pour chacun.
A Keïta