Toutes les procédures de passation de marchés publics au Mali ont été violées dans l’attribution de celui de la carte d’identité biométrique à Cissé Technologie. Ce qui a ligué les autres soumissionnaires à s’attaquer à l’Etat dans ce dossier.
La sensibilité de l’affaire contraint le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, en sa qualité de premier responsable du gouvernement, de prendre connaissance du dossier. Quoique Cissé Technologie procède à des campagnes médiatiques pour s’adjuger ce marché de confection de carte d’identité biométrique, appuyé par certains cadres du ministère de la Sécurité, des irrégularités restent manifestes autour de l’affaire.
En effet, les raisons qui obligent l’annulation de ce marché sont, entre autres, la durée des offres qui est de 90 jours (si l’offre dépasse 90 jours elle ne doit plus être valable selon les textes). En plus, faut-il noter, en matière de passation de marchés publics, qu’il n’y a pas de négociations de prix lorsque l’appel d’offres est déjà ouvert. Pourtant, c’est ce qui s’est passé dans ce cas.
Pis, parmi les offres soumises, Cissé Technologie avait présenté l’offre la plus chère.Raison pour laquelle les autres soumissionnaires s’engagent à attaquer la décision d’attribution.
Entre-temps, Cissé Technologie prétend construire avec son partenaire l’usine qui va confectionner la carte d’identité biométrique sur une superficie de 5 hectares. Alors qu’il rassurait par ailleurs avoir livré un appareil d’IRM, lequelappareil n’a jamais fonctionné. Dans cette affaire, ce sont 500 millions de nos francs ont été dilapidés. Toute chose qui lui aurait coûté une sommation de paiement de la part des autorités judiciaires. Mais, jusque-là, rien n’a été payé, selon nos dernières informations.
Au-delà, faut-il noter que les scanners du CHU Gabriel Touré, fournis par Cissé Technologie, ne fonctionnent plus. Comme pour prédire les dangers qui peuvent découler de l’attribution de ce marché de fourniture de carte d’identité biométrique à Cissé Technologie.
Tout bien considéré et pour ce qui reste à dire, une organisation de la société civile malienne est en train de planifier des manifestations pour les prochains jours. Aussi, l’implication du Premier ministre est-elle exigée. C’est dire que ce marché tend vers son annulation.
S.K.
Carte biométrique sécurisée Cédéao couplée à l’AMO
La face cachée de l’iceberg
Dans un premier temps, le ministère de la Sécurité, à travers son directeur financier et du matériel et par courrier N°0629-MSPC-DFM du 05 mai 2016, a sollicité l’accord de la DGMP-DSP pour la passation par entente directe du marché relatif à la fabrication et la fourniture de la carte d’identité sécurisée avec la société Cissé Technologie, aux motifs que celle-ci dispose d’une part d’un accord d’exclusivité au Mali pour la fourniture de titres d’identité, de la société imprimerie nationale de France, et d’autre part, d’un accord d’exclusivité de la société CEGEDIM. Montage grotesque !
Malgré ce montage, l’entente n’a pas été acceptée par la DGMP. Celle-ci, dès le 16 mai 2016, a répondu par courrier N°140/MEF-DGMP-DSP en invitant le ministère de la Sécurité à organiser un appel d’offres ouvert. C’est sur la base des points précédents et par courrier N°263/MSPC-DFM du 14 juin 2016, que la Direction des Finances et du Matériel du ministère de la Sécurité a transmis le projet d’appel d’offres à la DGMP pour avis juridique. Et cette dernière a donné son avis suivant lettre N°2009/MEF-DGMP-DSP du 14 juin 2016.
Ce dossier d’appels d’offres concernait 1 000 000 de cartes. La séance d’ouverture des plis a eu lieu le 21 juillet 2016. Quatre dossiers ont été vendus et 3 sociétés ont déposé des plis : -Pli N°1 : de la société M2M, pour un montant de 2 269 Fcfa comme prix unitaire de la carte ; -Pli N°2 : Graphique Industrie pour un montant de 9 438 Fcfa (TTC) comme prix unitaire de la carte ;-Pli N°3: Cissé Technologie pour un montant de 13 000 Fcfa comme prix unitaire de la carte.
À l’issue de l’analyse des dossiers, la DFM du ministère de la sécurité a proposé Cissé Technologie comme attributaire provisoire du marché. Le rapport de dépouillement et de jugement a été transmis à la DGMP suivant BE N°323 /MSPC-DFM du 28 juillet 2016, accompagné des originaux des offres pour avis juridique.
Suite à l’analyse, la DGMP-DSP a émis des réserves sur le dossier tout en demandant de rendre l’appel d’offres infructueux et de procéder à un nouvel appel d’offres international, qui permettrait aux fabricants des cartes d’identité nationale biométriques de soumissionner directement sans intermédiaire. Puisque, pour ce cas précis, Cissé Technologie apparaît juste comme un intermédiaire.
Cette position était motivée par les raisons suivantes : les insuffisances dans les dossiers d’appel d’offres (les spécifications techniques ciblées sur Cissé Technologie, le prix unitaire de la carte proposé par Cissé Technologie très élevé (13000 FCFA TTC), le contrôle d’appui conseil de la DGPM et les enjeux liés à la carte biométrique). C’est pour cela qu’il y a eu un recours.
En effet, face à cette position de la DGMP, la direction des finances et du matériel du ministère de la Sécurité et de la Protection civile a introduit un recours au niveau du comité de règlement des différends auprès de l’autorité de régulation des marchés publics afin de continuer la procédure d’attribution du marché. Pour établir la vérité dans cette histoire, par décision N°16-043/ARMDS-CRD du 23 août 2016, l’Autorité de régulation a ordonné la poursuite de la procédure tout en déclarant mal fondée la décision d’anfractuosité de la DGMP-DSP.
Alors, par requête en date du 25 août 2016, la DGMP-DSP a sollicité la section administrative de la Cour suprême aux fins d’annulation de la décision 16-043/ARMD-CRD du 23 août 2016 pour excès de pouvoir. Face à un tel développement, le Premier ministre d’alors, Modibo Keita, par la lettre confidentielle N°737/PM-CAB du 18 octobre 2016, a invité le ministre de l’Economie et des Finances à se mettre en relation avec son collègue de la Sécurité et de la Protection civile afin de trouver une solution convenable, qui tienne compte de la sauvegarde des intérêts de l’État. D’où la mise en place des séances de négociations en application des instructions du Premier ministre.
D’abord, au ministère de la Sécurité et de la Protection civile, qui a donné les résultats suivants : de 13000 Fcfa (TTC), la société Cissé Technologie et son partenaire ont sollicité du ministre de l’Economie et des Finances une détaxation de la carte. Ce qui nous conduit à 9750 Fcfa (HT), une réduction de 750 FCFA fut accordée. Ce montant représente les frais de remise ou de distribution de la carte conformément au détail des coûts que Cissé Technologie avait fournis à la demande de la DGMP. En contrepartie, les agents de l’État (Police-préfet-gendarmerie) seront mis à contribution.
La dernière négociation en date a eu lieu au ministère de l’Economie et des Finances et les dernières propositions de Cissé Technologies étaient les suivantes : 800 Fcfa (HT) par carte, pour 10 millions de cartes, 8400 Fcfa (HT) par carte, pour 8 millions de cartes, 8700 Fcfa (HT) par carte, pour 5 millions de cartes. Ces prix ont été jugés au-dessus des capacités budgétaires de notre pays par le ministère des Finances et de l’Economie.
Couplage de la carte d’identité à la carte AMO
Le couplage est consacré par le décret N°2016-0253/P-RM du 29 avril 2016. Malgré ce décret, il est important de souligner que la majorité de la population n’est pas affiliée à l’AMO, et ceux qui le sont, disposent déjà de leur carte AMO par l’intermédiaire de la Canam. Un nombre important de bénéficiaires des prestations de l’AMO sont des mineurs qui n’ont pas l’âge de posséder la carte d’identité nationale.
Avec le couplage, ceux-ci seront des détenteurs, automatiquement, de la carte d’identité nationale biométrique. Avec le couplage, dans le prix de la carte d’identité d’un paysan, d’un éleveur, d’un pêcheur, il y a la part de l’AMO qui ne le concerne pas, tout comme les pauvres en milieu rural subventionneront les populations bénéficiaires. Avec le couplage, il s’agit de mettre en cause l’investissement initial d’environ 10 milliards de Fcfa qui a permis de mettre en place le système d’enrôlement de la carte AMO. Ce qui représenterait un gâchis énorme pour les finances publiques.
En résumé, on peut dire qu’il y a des doutes sur l’attribution du marché. Notamment pour les raisons suivantes : Cissé Technologie est plus cher à l’ouverture des plis et c’est à son nom qu’une demande d’entente directe avait été introduite avant la procédure d’appel d’offres. Le DAO initial a été lancé pour un million de cartes. Aujourd’hui, il est question de 10 millions à fournir, dans le cadre des négociations, ce qui n’est pas normal. En l’absence de l’avis de non objection de la DGMP-DSP sur le rapport de dépouillement et de jugement des offres, en l’état, Cissé Technologie ne peut pas être considérée comme attributaire provisoire du marché.
Aussi, un principe élémentaire indique-t-il, dans la passation des marchés, qu’en l’absence de finance disponible, pas de marché. Alors, compte tenu du montant proposé par Cissé Technologie, la procédure peut être déclarée infructueuse parce que sa proposition financière est au-dessus de la capacité financière de l’Etat. Par ailleurs, dans le DAO initial, il y a la possibilité pour l’autorité contractante, qui est le ministère de la Sécurité et de la Protection civile, d’annuler ou de suspendre la procédure d’appel d’offres ou d’écarter toutes les offres à tout moment avant l’attribution du marché, sans encourir de ce fait une responsabilité quelconque vis-à-vis des candidats. En outre, le couplage de la carte d’identité nationale à la carte AMO peut bloquer le fonctionnement de la Canam compte tenu de la spécificité des prestations relatives à l’AMO et les procédures d’enrôlement qui y sont liées.
La carte NINA est une carte biométrique, un décret lui confère la valeur de carte d’identité nationale. Il vaut mieux alors l’améliorer au lieu de passer un autre marché.
Sinaly KEITA
Le reporter