Le président sortant du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, est arrivé largement en tête au premier tour de la présidentielle mais devra affronter au second tour le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, selon les résultats annoncés hier soir. IBK arrive en tête avec 41,42% des voix. Soumaïla Cissé, lui, a obtenu 17,80% des suffrages. Les tractations ont déjà commencé en vue du second tour du 12 août. Les chantiers du prochain président malien sont immenses: d’abord sortir le pays de l’insécurité, des conflits communautaires. Christopher Fomunyoh, responsable Afrique au National Democratic Institute (NDI basé à Washington), a été présent à Bamako tout au long du processus électoral en tant qu’observateur international. Il répond aux questions de RFI.
RFI : Christopher Fomunyoh, un second tour au Mali. Est-ce une surprise pour vous, analyste et observateur international ?
Christopher Fomunyoh : Non, non. Je ne crois pas que ça soit une surprise. Au contraire, étant donné qu’il y avait 24 candidats au départ, je ne suis pas surpris qu’un des candidats ne puisse réaliser plus de 50 % au premier tour.
Donc 2018, c’est un remake de 2013 : Soumaïla Cissé contre IBK le 12 août prochain pour un second tour.
Oui, effectivement c’est un remake, mais l’avantage c’est que chaque élection à sa particularité. Aussi, l’avantage du deuxième tour, c’est que cela remet les pendules à zéro et ça donne une égalité de chance à chacun des protagonistes. Donc il est à souhaiter que le processus continue à évoluer dans la paix. Que les dispositions soient prises pour que même dans les zones où les gens n’ont pas pu voter au premier tour, qu’ils puissent voter au second tour. Et que le deuxième tour se passe aussi dans les meilleures conditions techniques possibles pour que l’issue soit un reflet réel de ce que les Maliens voudraient pour leur prochain chef d’État.
Donc vous diriez que ce second tour a au moins un mérite : il n’y aura pas de trouble politique à Bamako. Dans les QG politiques, ce sera l’effervescence. Les tractations bien sûr, mais la rue va se taire.
Je crois que oui, je crois que les gens vont se mobiliser maintenant dans un sens beaucoup plus positif : dans le sens de pouvoir gagner au deuxième tour, au lieu de se mobiliser dans le sens contraire de contestations.
Malgré tout, dans 700 bureaux le vote n’a pas pu se tenir. Des incidents plus ou moins graves ont eu lieu dans presque 4500 bureaux de vote. Et puis, il y a eu cette attaque mardi soir dans la région de Ségou d’un convoi transportant des urnes. Des militaires ont été tués, huit assaillants neutralisés. Peut-on dire malgré tout, malgré ces incidents plus ou moins graves que Bamako est soulagé ?
Je crois que c’est tout le Mali qui est soulagé parce que certains doutaient encore que le Mali puisse réussir des élections présidentielles à temps. Il est vrai qu’on aurait souhaité que les bureaux puissent s’ouvrir dans l’ensemble des 23 000 bureaux de vote que compte le pays. Mais il faut aussi rappeler que lors des dernières élections communales, le taux par rapport aux bureaux qui n’avaient pas pu ouvrir, il y avait 8 % des bureaux qui n’avaient pas pu ouvrir. Aujourd’hui, nous sommes à 3,15 % des bureaux qui n’ont pas pu ouvrir pour le premier tour des présidentielles. Cela voudrait dire que le problème est circonscrit. Et puis, des solutions particulières peuvent être entreprises pour que les gens vivant dans ces zones-là puissent juste voter et participer au processus électoral. Ce serait une bonne chose. Je pense que cette élection si elle finit bien, si elle est bien organisée va beaucoup contribuer à la consolidation de l’accord de paix et à ce que le Mali puisse vraiment retrouver toute sa beauté démocratique du passé.
C’est toute la question parce que le 12 août, un président nouveau va être élu, mais c’est une élection qui en soi ne va peut-être pas résoudre tout à elle seule : l’insécurité dans le nord et le centre, la présence djihadiste, les conflits intercommunautaires. Tout reste à faire.
Une seule élection ne peut pas tout résoudre, mais si déjà l’élection se passe dans les bonnes conditions, c’est quand même un préalable à ce que la suite du processus puisse se dérouler avec beaucoup de légitimité de la part de ceux qui auraient été élus.
Le jeu est-il véritablement ouvert pour le 12 août ?
Je crois qu’il y a un consensus du fait qu’il y a eu une volonté réelle de la part des acteurs politiques et des acteurs de la société civile malienne à ce que les élections se passent dans les meilleures conditions possible avec une transparence qui rassure. Ça, c’est vraiment le souhait de l’ensemble de la classe politique d’après les rencontres que nous avons eu avec les acteurs principaux de la mouvance comme de l’opposition.
En même temps, chaque camp évidemment se dit confiant pour le second tour.
Ça donne aussi un nouveau souffle y compris aux électeurs qui n’ont pas pu participer au premier tour.
Le second tour peut-il réserver des surprises selon vous ?
On ne peut jamais juger l’avis l’issue d’une élection à l’avance. Il y a de fortes chances que dans presque la totalité des bureaux de vote, on puisse retrouver les représentants des deux candidats. Ce qui ira dans le sens d’assurer la transparence dans l’organisation du scrutin. Et vous lorsqu’il y a transparence et que les choses sont bien organisées, on laisse en dernier ressort le choix aux populations de déterminer qui sortira gagnant. Et l’on ne pourra jamais juger à l’avance l’issue d’un scrutin transparent et inclusif.
RFI