Alors que l’Union africaine a donné deux semaines à l’armée du Burkina Faso pour rendre le pouvoir aux civils, l’opposition affirme avoir trouvé la formule pour une sortie de crise. Zéphirin Diabré, le chef de file de la coalition CFOP, a présenté un scénario de transition lundi soir à Ouagadougou aux côtés d’autres responsables de l’opposition. Plus tôt dans la journée, le lieutenant-colonel Isaac Zida, l’homme fort de la transition, s’était engagé devant le corps diplomatique à œuvrer à un retour à la légalité constitutionnelle.
Zéphirin Diabré, le chef de file de la coalition d’opposition CFOP, a déclaré que l’armée était disposée à se concerter avec « toutes les forces vives de la nation » pour établir un schéma écrit devant conduire à un processus de transition démocratique conforme à la Constitution.
Le scénario de sortie de crise présenté par l’opposition prévoit d’abord que le Conseil constitutionnel s’auto-saisisse afin de constater la vacance du pouvoir. Le Conseil se tournera, dans un deuxième temps, vers les « forces vives » de la nation. Ces dernières devront s’entendre sur les personnalités qui dirigeront la transition.
Il faudra en parallèle rédiger une feuille de route qui comprendra une étape importante : la rédaction, en collaboration avec l’armée, d’une « charte constitutionnelle de la transition ». Selon les sources de RFI, des juristes burkinabè seraient déjà à pied d’œuvre.
Ultimatum de deux semaines
Il est néanmoins difficile, pour l’heure, de comprendre comment toutes ces étapes vont s’enchaîner, les explications variant en fonction des partis consultés. Une autre question subsiste : celle de la sincérité du lieutenant-colonel Isaac Zida. Certains chefs de parti en doutent, alors que d’autres semblent plus sereins. Demeure enfin l’inconnue de la rue : dans quelle mesure les mouvements citoyens feront-ils preuve d’adhésion et de patience ?
Le conseil « Paix et sécurité » de l’Union africaine a donné, lundi 3 novembre, deux semaines à l’armée du Burkina Faso pour rendre le pouvoir aux civils. Cet ultimatum est assorti de menaces de sanction ; menaces qui, combinées au court délai octroyé par l’UA, pourraient pousser les acteurs de la sortie de crise à relever le défi.
Opposition divisée
Pour mener à bien ce scénario de sortie de crise, l’opposition devra surmonter plusieurs points de clivage potentiels entre ses différentes composantes.
Premier point sur lequel les voix de l’opposition ne sont pas unies : la position vis-à-vis des autorités militaires. Le chef de la coalition de l’opposition Zéphirin Diabré s’est montré très révérencieux vis-à-vis de l’armée lors de ses prises de parole, lundi 3 novembre. Il a loué à plusieurs reprises l’« esprit de responsabilité » des militaires, et semble aborder sereinement les étapes qui mèneront à une passation du pouvoir à des personnalités civiles.
Benewende Sankara, patron du Front progressiste sankariste (FPS), estime lui aussi qu’il est normal d’associer l’armée au débat national et à l’élaboration collective de la sortie de crise. Mais le dirigeant politique émet tout de même des doutes : « Même si on peut leur accorder le crédit de la bonne foi, je n’ai pas du tout confiance en l’armée. La confiance se mérite. »
Les acteurs de la sortie de crise devront également procéder à un épineux choix : celui de la personnalité qui sera amenée à diriger la transition. Ce choix sera-t-il facteur de divisions ? « C’est un risque », admet Armand Beouinda Dewendé, membre du parti d’opposition Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) : « Il y a beaucoup de personnalités qui sont capables de diriger cette transition. Mais il faut qu’il y ait davantage de sérénité pour s’asseoir et choisir rapidement quelqu’un. Personne n’avait prévu cette issue, donc on essaie de gérer au mieux les événements, en toute responsabilité ».
La société civile, elle, se dit vigilante. Pour Guy-Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, les militaires sont face à leurs responsabilités. Pour ce dernier, ils ont « à présent la possibilité de rentrer dans l’histoire par la grande porte, en permettant d’avoir une transition démocratique et civile. Nous sommes vigilants à l’égard de l’armée mais nous restons aussi vigilants à l’égard de la classe politique. Parce qu’immédiatement après les évènements du 31 octobre, on a vu un déchirement au niveau de la classe politique et une certaine hésitation. Nous disons que [ces]évènements doivent être un point de départ positif pour le Burkina Faso et ça concerne autant la société civile, la classe politique et les militaires. ».
SOURCE / RFI