A peine nommé, le ministre de la Culture du gouvernement de transition burkinabè a dû démissionner, mardi 25 novembre. Adama Sagnon était sous pression de la société civile, qui dénonçait son rôle dans la gestion de l’affaire Norbert Zongo, du nom d’un journaliste assassiné sous le régime déchu de Blaise Compaoré. Le dossier Zongo pourrait ainsi être rouvert très prochainement.
Les acteurs du monde de la culture, des arts et du tourisme burkinabè donnaient encore de la voix, mardi 25 novembre, pour dénoncer la nomination d’Adama Sagnon au poste de ministre de la Culture et du Tourisme.
Mais quelques heures plus tard, Frédéric Nikiema, porte-parole du gouvernement, livrait à la presse le contenu du courrier adressé au Premier ministre par le ministre contesté : « J’ai l’honneur par la présente, de vous présenter ma démission du poste de ministre de la Culture et du Tourisme à compter de ce jour. Je vous saurais gré d’accepter ma démission au nom de l’intérêt supérieur de la Nation. »
Satisfaction générale
Des scènes de liesse ont suivi, mardi devant le ministère de la Culture. La satisfaction des acteurs des arts et de la culture était palpable. « Je suis content pour lui, qu’il ait pris ses responsabilités, dit l’un d’eux. Parce que de toutes façons, comme je le disais au ministre des Sports, il n’aurait pas pu travailler. »
« Du travail reste à faire, poursuit un autre, parce qu’il faut que chacun à son niveau, les acteurs culturels, mais aussi les institutions culturelles, apportent maintenant concrètement au nouveau ministre qui sera installé, toute leur expertise, pour qu’effectivement, au bout de douze mois, le bilan du ministère puisse être positif et salué comme tel. » Séance tenante, un concert a été improvisé pour célébrer ce qu’ils considèrent comme une première victoire. Tous attendent désormais la nomination d’un nouveau ministre.
Le dossier Zongo refait surface
Mais ce n’est pas tout. Après la démission d’Adama Sagnon, les avocats et amis de Norbert Zongo triomphent eux aussi. Ils estiment que plus rien ne s’oppose désormais à la réouverture du dossier par la justice. Adama Sagnon était procureur durant l’instruction du dossier Zongo. La société civile lui reproche tout bonnement d’avoir enterré l’affaire.
Le journaliste Norbert Zongo a été assassiné en 1998 alors qu’il enquêtait sur la mort du chauffeur de François Compaoré, le frère du président récemment déchu, qui a toujours nié avoir un lien avec cette affaire. Cette dernière s’est traduite par un non lieu en 2006, ce qui a soulevé à l’époque l’indignation des défenseurs des droits de l’homme.
Une demande adressée à Joséphine Ouédraogo
Les avocats de Norbert Zongo l’assurent : dès le 13 décembre, date anniversaire de la mort du journaliste, une demande de réouverture de l’affaire sera adressée à la nouvelle ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo. Les avocats sont d’autant plus déterminés que durant l’insurrection du 30 octobre et le pillage de la maison de François Compaoré, le frère de l’ex-président, ont été retrouvés des documents relatifs au dossier. Documents qui révèlent des liens entre le principal suspect, Marcel Kafando, et le frère de Blaise Compaoré.
« Pratiquement l’ensemble du dossier Norbert Zongo était en sa possession (à François Compaoré, NDLR), et notamment les procès verbaux d’interrogatoire du prévenu, à l’époque Marcel Kafando, explique maître Prosper Farama, avocat de la famille Zongo. Ensuite, d’autres pièces montrent que c’est lui qui aurait payé les honoraires d’avocats qui ont assisté à l’époque Marcel Kafando dans ladite affaire. Alors qu’on se souvient déjà qu’à l’époque, il prétendait qu’il n’était lié ni de près ni de loin à cette affaire. »
Juger les gens sur le terrain
« Evidemment, ce sont des actions que plusieurs structures, dont le centre de presse de Norbert Zongo en tête, sont en train d’envisager pour la réouverture du dossier, témoigne Abdoualye Diallo, gestionnaire du centre de presse Norbert Zongo et auteur d’un documentaire sur la vie du journaliste assassiné. Les concertations sont déjà lancées. Le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques a également déjà dévoilé son programme. Et dans ce programme, il y a déjà effectivement la remise d’un document, demandant la réouverture du dossier de Norbert Zongo. Le dossier est jugeable même en l’état, c’est un message fort que nous allons envoyer. »
Et d’ajouter, au sujet de la ministre de la Justice du gouvernement transitoire : « Nous allons éviter de parler de confiance. Nous allons juger les gens sur le terrain. Mais a priori, le sérieux de cette dame, qui a été ministre sous Sankara pendant longtemps, l’une des meilleures ministres d’ailleurs, et tout son parcours, tendent à faire croire que c’est une dame qui est quand même droite, qui est soucieuse de ce que les choses se passent comme il se doit. A priori, nous pensons que c’est un point positif, et que probablement, le dossier pourra enfin voir le bout du tunnel. »
Source: RFI