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Burkina : 1300 soldats peuvent-ils changer le cours de l’histoire ?

Le coup de force à Ouagadougou des hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) vient perturber la marche déjà cahoteuse vers le scrutin supposé désigner le successeur de Blaise Compaoré. Cette prise d’otage des plus hautes autorités d’un pays par un régiment d’élite de 1300 hommes, en plein conseil des ministres, au-delà du caractère délirant de l’acte, est également symptomatique d’une schizophrénie qui trop souvent atteint les opinions publiques africaines.

soldats contingent burkinabé

Ceux qui applaudissaient l’interdiction faite aux anciens caciques du parti de Blaise Compaoré de participer à la présidentielle du 11 octobre sont les mêmes à éructer pour le respect quasi spirituel du processus électoral. Or, en avril, les autorités de la transition ont adopté une loi électorale pour interdire aux anciens partisans de Blaise Compaoré de participer aux élections du 11 octobre. En vertu de cette disposition, les candidatures de Djibril Bassolé et Yacouba Ouédraogo, anciens ministres de Blaise Compaoré, et celle d’Eddie Komboïgo, président du parti de l’ancien numéro un du pays, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel. Décision jugée «difficilement justifiable en droit» par la Cour de justice de la Cédéao.

Verdict resté sans suite. La situation actuelle aurait-elle pu être évitée si les candidatures des anciens membres du camp de Blaise Compaoré avaient été autorisées ? On a établi au Burkina Faso un délit d’opinion. Avoir soutenu le projet de modification de la Constitution du pays, aussi détestable soit-il, ne peut signifier une exclusion du champ politique, qui est par essence l’espace des discours contradictoires. La situation actuelle aurait-elle pu être évitée si les candidatures des anciens membres du camp de Blaise Compaoré avaient été autorisées ? La question mérite d’être posée sans passion ni a priori négatif sur un débat dont le pays ne fera pas l’économie à l’aune de sa nécessaire réconciliation.

La démocratie n’est pas une gâterie joyeuse. Ce n’est pas un clignotant à enclencher au gré des envies et des humeurs. C’est un combat quotidien, d’arrache-pied. C’est même parfois un mal nécessaire qui oblige à se contraindre, à aller au-delà de nos sentiments, nos perfidies individualistes pour accepter les règles du jeu et défendre la pluralité des expressions. Si seulement tous ceux qui sont sortis manifester contre le RSP mercredi après-midi et ce matin l’avaient fait pour exiger le rétablissement dans leur légitime droit des anciens partisans de Blaise Compaoré !

On ne peut construire une démocratie apaisée en divisant un pays. Une partie des Burkinabè ne peut avoir le monopole du patriotisme, laissant à l’autre l’espace, peu enviable, de traîtres de la nation. Il y a eu partout en Afrique des «bonnes consciences» qui se sont opposées au troisième mandat de Pierre Nkurunziza, au Burundi. Ont-elles exigé, avec la même foi des nouveaux convertis que les anciens partisans de Blaise Compaoré puissent participer au jeu démocratique ? Cette indignation à géométrie variable, pourvu qu’elle nourrisse la bienséance ambiante proclamée à grand renfort de tweets, est à dénoncer au même titre que les atteintes à la démocratie.

Or, aujourd’hui, le progressisme, le courage, le grand combat d’avant-garde est de défendre l’exigence d’équité. Il ne peut y avoir d’atermoiements en démocratie. Ce ne sont pas les saillies et les éternelles excitations (jamais traduites en nombre de voix) de Me Benewende Sankara qui sont le signe du courage politique. Ce n’est pas non plus au nombre élevé d’amplificateurs de récit que l’on jauge la véracité et la justesse d’un combat. Le climat n’était guère favorable lorsque Zola défendait Dreyfus. Il ne l’était pas non plus au moment où Mandela prônait Vérité et Réconciliation au détriment de la vengeance.

En démocratie, il ne peut y avoir d’approximations ni de compromissions. Ce coup de force est à condamner et à dénoncer, surtout qu’il arrive à quelques semaines d’un scrutin qui devait clore le chapitre de la transition et remettre le pays sur les rails d’un fonctionnement normal des institutions. Il nous faut clairement nous situer dans le camp des maximalistes. C’est un marqueur de notre génération. C’est donc avec rage qu’il faut défendre la démocratie, partout et pour tous. Hamidou Anne est membre du think tank L’Afrique des Idées et chroniqueur pour le Monde Afrique

Hamidou ANNE

Chroniqueur Le Monde Afrique, Dakar

Source: Le Reporter

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