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Bureau du vérificateur général : Un célèbre avocat démonte le rapport

Deux semaines après sa publication, le rapport du bureau du Végal continue de faire des émules. Après l’ancien ministre de la défense, Soumeylou Boubèye qui a contesté la compétence du Végal à auditer les comptes de la défense, et Fily Bouaré Sissoko, ministre de l’économie et des finances, qui pense plutôt que ce rapport ne contient que des affirmations gratuites, un célèbre homme de droit malien l’analyse à son tour. Il conclut que le rapport du Végal contient trop d’irrégularités et qu’il doit être entièrement réécrit.

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Un praticien du droit, dans son argumentaire bien détaillé, pense que le bureau du Végal s’est planté sur l’interprétation de l’article 8 du code des marchés publics (CMP). Selon lui, les dispositions de l’article 8 reprennent intégralement l’article 9 de la directive Uemoa n°04/2005 du 9 décembre 2005 aux termes desquelles les procédures normales de passation des marchés publics ne s’appliquent pas aux marchés qui « concernent des besoins de défense et de sécurité nationales exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec des mesures de publicité ». C’est justement à ce niveau que réside l’erreur de l’avis du juriste. Pour lui, le Végal a pensé que ces dispositions ci-dessus citées ne concernent que les besoins de la défense nationale au sens strict. Or, la notion de « sécurité nationale » est plus large que celle de défense nationale. De même, le code de la défense français donne une large définition du concept : « la stratégie de sécurité nationale a pour objet d’identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter », affirme le praticien du droit.

D’autre part, il soutient que le rapport du Végal affirme en ses pages 22 et 23 que les dispositions de l’article 8 du décret du 11 août 2008 ne sont applicables que pour des marchés correspondant à des besoins de défense et de sécurité nationales exigeant le secret. Selon lui, ceci est incontestablement une grave erreur d’interprétation. Ces dispositions, à en croire ses propos, sont en effet applicables également aux marchés « pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec des mesures de publicité ». Son argumentaire va plus loin et soutient, qu’en réalité, les dispositions de la directive Uemoa, reprises dans le décret du 11 août 2008, ont la même portée que les dispositions des directives européennes relatives aux marchés publics qui excluent les procédures de publicité et de mise en concurrence les contrats « qui exigent ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité (…) ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat l’exige » (voir l’article 4.2 de la directive n°92/50/CEE du 18 juin 1992. De son avis, l’on voit nettement que, contrairement à ce que soutient le Végal, il était parfaitement légal de recourir aux dispositions de l’article 8 du décret du 11 aout 2008 dès lors que les besoins à couvrir concernaient la défense ou la sécurité nationale et qu’une procédure de publicité et de mise en concurrence n’était pas compatible avec la protection des intérêts essentiels de l’Etat.

De la légalité des contrats passés

L’expert en droit conteste le grief de la surfacturation annoncée dans le rapport du Végal. Sur ce point également, il est totalement à côté de la plaque, pense t-il, si l’on connait la nature des commandes qui devraient être passées. Le juriste s’est demandé comment un Etat sérieux peut publier la liste des équipements dont il a besoin pour son armée engagée dans une guerre asymétrique contre des narcoterroristes et autres apprentis djhadistes de tout acabit venus de par le monde, et qui écument le septentrion malien. Il affirme encore que le Végal s’est trompé lorsqu’il affirme en page 22 de son rapport qu’il n’aurait été possible de recourir à l’exception ouverte par l’article 8 du CMP que s’il avait existé un « texte qui fixe les commandes publiques exclues du champ du CMP et définit les dispositions spécifiques applicables à ces commandes publiques ».

En réalité, continue le praticien du droit, dès lors que les dispositions procédurales du CMP ne sont pas applicables, on tombe dans le droit commun concernant la prise de décision au sein de l’Etat. C’est-à-dire qu’un ministre est compétent pour signer un engagement contractuel au nom de l’Etat dès lors que l’objet du contrat entre dans le champ des compétences du ministre. Vu sous cet angle, Guo Star a un contrat en bonne et due forme.

Il est soutenu dans son argumentation par l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence, qui affirme en son article premier que «  la présente ordonnance régit la liberté des prix et la concurrence. Elle s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques… ».  De la fixation des prix, cette même ordonnance soutient en son article 3 que «les prix des biens, produits et services sont libres sur toute l’étendue du territoire national et sont déterminés par le seul jeu de la concurrence…. ». A en croire cet article, on ne peut nullement parler de surfacturation dans le cas où la loi est claire que la fixation des prix ne relève que du seul jeu de la concurrence.

Cette même ordonnance est encore plus explicite en son article 4 lorsqu’il s’agit de la concurrence déloyale. Elle dispose que « Est interdite à toute personne toute forme de pratique de prix imposé. La marge ou le prix de revente d’un bien, d’un produit, d’une prestation de service est présumée imposée dès lors qu’il est conféré un caractère minimal ou maximal ». L’article 5, lui, va plus loin et stipule que « les prix imposés consistent à imposer directement ou indirectement un caractère minimum ou maximum au prix de revente ou à la marge bénéficiaire d’un produit, d’un bien ou d’une prestation de services. Ils sont différents des prix conseillés ». L’homme de droit pense  que c’est à ce jeu que s’est prêté le bureau du vérificateur général en voulant incriminer les prix fixés des commandes passées. Le végal est en violation flagrante des dispositions de l’article 4 et 5 de l’ordonnance citée ci-dessus, affirme t-il.

Le soutien à Boubèye et Fily

Le juriste soutient la thèse des premiers intervenants sur le rapport à savoir Boubèye et Fily. Si le premier remet carrément en cause les compétences du Végal à auditer les contrats frappés du sceau ‘’Secret défense’’, la seconde a battu en brèche toutes les accusations du Végal et balayé d’un revers de main le contenu du rapport. Elle est formelle que même un rotin n’est sorti des caisses de l’Etat pour financer quoi que ce soit. L’homme de droit lui, parlant de la société Guo Star, affirme que le chapitre des frais d’approche estimés à 15 milliards, a servi exclusivement à l’acquisition de matériel létal. La société Guo Star ne pouvant adresser directement cette demande à sa banque, en raison des règles et procédures internes de celle-ci qui lui interdisent formellement d’intervenir dans une telle transaction,  Guo Star soutient avoir sollicité un prêt à court terme, en plus de l’ouverture des lettres de crédit, destiné à couvrir l’ensemble des charges générées depuis le lancement des commandes des équipements et matériels auprès des différents fournisseurs étrangers jusqu’à leurs livraison à l’armée malienne. Il pense que Guo Star, selon ses constats, a à ce jour livré 80% des commandes, dont la liste ne pourrait être publiée pour des raisons de sécurité nationale et de secret militaire. Aussi, il ajoutera que tous ces équipements ont été financés sans l’apport du budget national. Même un kopeck n’a été versé à la société à ce jour, affirme t-il.

L’argumentaire de l’expert conclut qu’au regard de ce qui précède, l’on voit clairement que  toutes les critiques formulées par le Végal dans son rapport concernant le non respect des formalités prescrites par le CMP sont donc tout simplement dépourvues de fondement. En conclusion de son analyse, le juriste estime que le rapport devrait donc être entièrement réécrit au regard des seules obligations qui s’imposaient dans le cadre des contrats conclus sous l’empire de l’article 8 du CMP : les contrats avaient-ils pour objet de satisfaire des besoins de défense nationale ou des besoins de sécurité nationale ? Est-ce que les contrats exigeaient le secret ou, alternativement, s’agissait-il de contrats pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat était incompatible avec des mesures de publicité ? En particulier, l’urgence qu’il y avait à satisfaire ces besoins ne commandait-elle pas d’écarter les dispositions du CMP ? Il souhaite que le Végal y réponde.

Harber MAIGA     

 

SOURCE: Le Prétoire  du   13 nov 2014.
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