L’ancien Premier ministre est officiellement devenu membre de l’URD le samedi 26 juin 2021. Le désormais Secrétaire aux questions économiques de la section URD de Djenné pourrait être le porte-étendard du parti à l’élection présidentielle prochaine. Pour autant, a-t-il des chances d’être le futur président de la République en 2022 ?
Alors que plusieurs de ses proches sont de différents bords politiques, c’est sans coloration que Boubou Cissé prend les rênes du gouvernement malien en avril 2019. Son oncle maternel, Sékou Abdoul Kadri Cissé, est un ancien député et une voix influente à l’URD. Son frère aîné, Amadou Baba Cissé, est le 1er Vice-président de l’ASMA, le parti de Soumeylou Boubeye Maïga. Son petit frère El Hadj Omar Tall, dit Léo, est membre du RPM. Jusqu’au coup d’État du 18 août dernier, l’ancien Premier ministre se disait convaincu de « servir le Mali, pas dans un esprit partisan, mais dans une volonté de redressement après une crise sociopolitique et sécuritaire sans précédent ». La chute du Président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) actée, les cartes ont été rebattues. Des tractations ont été menées du côté de certains cadres de l’ADEMA, ainsi que de l’URD, pour faire de Boubou Cissé un membre de leur parti. Celui-ci avait d’abord pour volonté de créer une plateforme, composée d’associations et de partis politiques, pour un éventuel soutien s’il se décidait à être candidat à l’élection présidentielle. Mais c’est finalement la casquette URD qu’il portera. Son oncle Sékou Abdoul Kadri Cissé et la famille de Soumaïla Cissé ont joué un grand rôle dans cette adhésion. « L’insistance des membres de l’URD l’a poussé à surseoir à ce projet de plateforme et à intégrer le parti. Son oncle, qui était d’ailleurs l’un des principaux bailleurs de fonds du parti, a été à la manœuvre. Boubou Cissé a aussi des liens avec la famille de Soumaïla Cissé, qu’il rencontre régulièrement, et qui a également œuvré pour qu’il rejoigne l’URD », glisse un proche de l’ancien Premier ministre.
Pour l’analyste politique Ballan Diakité, l’adhésion de Boubou Cissé à l’URD est avantageuse à double titre. « Boubou Cissé intègre ce parti pour avoir plus d’envergure nationale puisque l’URD fait partie des rares formations implantées partout à l’intérieur du Mali. Mais l’URD a aussi quelque chose à y gagner. Un parti politique a besoin de personnalités influentes pour pouvoir être influent. L’adhésion de Boubou ne pourra que donner plus de rayonnement national et international à ce parti. » Quant au principal intéressé, il explique sobrement sur sa page Facebook avoir « décidé d’ouvrir une nouvelle page de son parcours politique (…) Et acquis la conviction que la réponse aux énormes défis du Mali se trouve dans l’engagement politique, pour porter des valeurs et des idées, dans le cadre d’un collectif d’hommes et de femmes déterminés à rassembler les Maliens autour d’une vision commune ».
Quel porte-étendard ?
Boubou Cissé, Mamadou Igor Diarra, Ahmed Sow, qui ont aussi récemment adhéré au parti, ou encore Me Demba Traoré, secrétaire à la communication ou l’ex-président de la jeunesse Madou Diallo, plusieurs noms circulent pour porter les couleurs de l’URD à la présidentielle prévue en février 2022. « Il leur faut un candidat qui ait un leadership, qui soit connu de tout le parti et qui puisse lever des fonds pour financer une campagne présidentielle », pense un cadre du RPM, formation concurrente.
Dans l’état-major de l’URD, c’est le nom de Boubou Cissé qui est le plus souvent évoqué pour être désigné candidat du parti en septembre prochain, même si certains voudraient voir un ancien militant porter leur étendard. Comme Me Demba Traoré, qui mène une campagne interne et sur les réseaux sociaux, bien qu’il « manque d’envergure, de charisme et de moyens », selon certains de ses camarades, qui lui reprochent sa position radicale face à Boubou Cissé. Quant à Madou Diallo, il est aussi un militant « bon teint », et notre source déclare que l’ex-président de la jeunesse entend faire jouer sa proximité avec les militaires de Kati. Parlant de Mamadou Igor Diarra, qui a intégré son parti le Mali en Action (MEA) à l’URD en mars dernier, une vielle brouille pourrait freiner ses ambitions. Lors de l’élection présidentielle de 2018, Soumaïla Cissé lui avait assuré les parrainages des élus URD, nécessaires pour être candidat, en échange d’un soutien au second tour. Engagement qu’il n’a pas tenu, une chose « impardonnable » pour certains militants de l’URD. Ahmed Sow, installé à Dakar, également ancien ministre, a fusionné son parti, le Rassemblement travailliste pour le développement (RDT) à la fin du mois de juin avec l’URD. Bien qu’il n’ait pas encore fait part de son souhait de porter les couleurs de son nouveau parti, il risque d’être handicapé par une faible notoriété en dehors de Bamako.
Aux yeux des observateurs, Boubou Cissé semble donc être le mieux placé, soutenu en interne par Goignon Coulibaly, ancien député de Kati, fortement pressenti pour prendre la présidence de l’URD à la fin du mois d’août, par Abdrahamane Diarra, président des jeunes, et par Racine Thiam, vice président, entre autres. « L’atout de Boubou Cissé est son expérience politique au niveau de la Primature et au ministère de l’Economie et des Finances, quand les autres n’ont été que de simples ministres. Il a cette envergure politique que les autres n’ont pas et un très bon réseau relationnel à l’étranger. Dans le contexte du pays, ce sont là des atouts qui renforcent sa légitimité », soutien Ballan Diakité. Cependant, l’analyste politique Salia Samaké relativise. « Normalement, il sera très difficile pour quelqu’un nouvellement venu d’être candidat du parti. Mais au Mali, nous sommes obnubilés par la capacité financière des candidats. Il a donc des atouts sur le plan de la capacité financière. Mais du point de vue personnalité et ancrage au niveau même des militants, il a peu de chances. »
Atouts et compétiteurs
Boubou Cissé est un économiste formé en France et un ancien de la Banque mondiale, pour laquelle il a officié à Washington, au Nigeria et au Niger. Son parcours au sommet de l’État malien entre 2013 et 2020 lui a notamment permis de développer un réseau de relations au sein de la communauté internationale, à commencer par la sous-région, où il a multiplié les déplacements ces dernières semaines, de Niamey à Ouagadougou, en passant par Abidjan. .
Cependant, même s’il était désigné par l’URD et adoubé par la communauté internationale, l’ancien Premier ministre devra prendre en compte deux grands électeurs : les religieux et l’armée. Il aurait déjà établi des contacts avec l’actuel Président du Haut conseil islamique, Chérif Ousmane Madani Haïdara, qui, de source sûre, donnera une consigne de vote pour la prochaine présidentielle. Il a également de bonnes relations avec le Chérif de Nioro. Quant aux nouvelles autorités militaires, Boubou Cissé devra multiplier les efforts pour bénéficier de leur bénédiction. Au delà de tous ces paramètres, le possible porte-étendard de l’URD devra se frotter à d’anciens candidats, tels qu’Aliou Boubacar Diallo, Cheick Modibo Diarra et Housseyni Amion Guindo, respectivement arrivés 3ème, 4ème et 5ème en 2018, mais aussi Moussa Mara. Bien qu’aucun d’entre eux n’ai dépassé le score de 8%, le dernier Premier ministre d’IBK a-t-il des chances de l’emporter parce qu’il porte la bannière URD ? « Cela dépendra de la capacité de mobilisation et de réorganisation du parti. Parce que l’URD vient de sortir d’une situation dramatique avec le décès de son président. Il n’est pas évident que la machine soit organisée et ordonnée pour pouvoir porter quelqu’un à la tête du pays aujourd’hui.
Donc le travail qui se pose, c’est un travail d’organisation et de confirmation de son ancrage dans le paysage politique », répond Salia Samaké, qui lui donne peu de chances. Quant à Ballan Diakité, il est plus nuancé : « Ce sera difficile car Boubou Cissé est aussi l’incarnation d’un régime, celui d’IBK. Cette connotation négative d’un régime qui a failli à assurer les fonctions régaliennes de l’Etat va toujours le suivre. Surtout qu’au Mali les gens ne votent pas pour la beauté du programme, mais pour l’image qu’ils ont de vous et aussi en fonction de votre capacité à pouvoir mobiliser les gens, en ayant de l’argent. Je ne pense pas que Boubou soit un homme aussi riche que cela. A moins qu’il se fasse soutenir par des bailleurs de fonds et je pense que là il a les moyens nécessaires pour pouvoir bénéficier d’un appui financier de la part de ses partenaires. Sur le plan de la connaissance du terrain politique, d’autres sont plus avancés que lui, mais la connaissance du terrain est fonction de la représentation du parti au niveau national. Et son parti est vraiment représenté au niveau national. Je pense qu’il a 50% de chances de réussir.»
Boubacar Diallo
Source : Journal du Mali