Dans un Mali Kura à la croisée des chemins, les mesures politiques, économiques, et sociales deviennent sources de controverses et de débats enflammés. La récente sortie du président de la transition aura provoqué une controverse affichant l’un des plus rares désaveux qui inspire un regard sur les rendez-vous manqués du pouvoir souverain ayant marqué 2024.
Au commencement était-il le sport ? En tout cas, les premiers revers infligés dans le secteur vont déteindre sur toute une année noircie par une succession d’attentes et d’espoirs déçus. Elle était notamment sur le rêve brisé de la CAN organisée par le grand rival chez qui les Aigles du Mali se sont rendus avec un ascendant qualitatif tel qu’une équipe malienne n’en a jamais disposé par le passé. Leur confrontation avec le pays hôte va néanmoins se conclure sur la désillusion de ne pas réussir à briser le signe indien de la Côte d’Ivoire, qui est demeurée la bête noire du football malien même avec la meilleure des sélections possibles et en supériorité numérique de surcroît. Même désillusion aux Jeux Olympiques du côté de Paris d’où les athlètes maliens sont revenus bredouilles, sur fond de tensions de leadership et de crise de confiance entre le Comité olympique local et la tutelle. Un scénario inverse aurait peut-être rendu plus vivable les conséquences fâcheuses de l’équation énergétique pour laquelle l’ancienne équipe gouvernementale n’a eu que des sornettes, des mirages et faux espoirs comme réponses. Les épisodes de la tragédie se sont notamment déroulés en passant des vols massifs de carburant comme explication de la crise aux promesses d’une centrale nucléaire russe ainsi que celle d’installations solaires aussi laborieuses que le redémarrage de la voie ferroviaire. Après avoir bombardé les Kayesiens et riverains de promesses mirobolantes, les espoirs ravivés se sont progressivement pulvérisés avant de mourir de leur belle mort alors même qu’un enclavement de première région du Mali est de plus en plus latent avec l’état piteux de la partie malienne du corridor Dakar- Bamako.
L’atmosphère n’était guère plus respirable dans le domaine politique avec les tout premiers tiraillements consécutifs à l’expiration de la durée de la Transition, qui était censé atteindre son terme le 26 mars 2024. L’ambiance électorale attendue va revenir au public en contestations de la prolongation sine die du régime d’exception, débouchant sur des tribulations dans l’arène politique avec l’émergence d’une dissidence ouverte : le « Collectif des partis signataires du 31 Mars ». Le bras de fer qui en a découlé va se conclure sur une mesure inédite : la suspension des activités politiques à laquelle plus d’une dizaine de leaders politiques ont payé un tribut par une longue détention préventive. Le rendez-vous manqué du retour à l’ordre constitutionnel implique la persistance du pouvoir exceptionnel et son corollaire de péril sur les acquis démocratiques, les libertés individuelles et collectives, sur fond d’arrestations pour délit d’opinion et de fermeture ou suspension d’organes de presse.
On ne pouvait pas compter sur la justice pour jouer son rôle de garant des libertés, et pour cause. Elle figure au nombre des grande désillusions de 2024, notamment pour les attentes en rapport avec les clarifications de certains dossiers de la lutte contre la délinquance financière. Sur le sujet, les pompeuses promesses de la Transition était déjà contrariées par le retour en force de scandales et pratiques nébuleuses comparables à ceux qui avaient justifié l’avènement d’un Mali Koura. Mais, la crédibilité de l’institution judiciaire n’a jamais été aussi affectée que depuis son incapacité à tirer au clair les emblématiques affaires au nom desquelles des dossiers enterrés ont été exhumés et d’anciens responsables tirés de leur paisible retraite pour un séjour carcéral parfois mortel.
Parmi les grandes désillusions de 2024 figurent également les résultats du Dialogue National Inter-Maliens en tant qu’alternative à l’Accord d’Alger. Annoncée par ailleurs comme levier de réconciliation nationale, l’initiative n’aura été qu’un cocktail de ratés pour s’être réduite à un simple instrument politique de son initiateur. En effet, la promotion des 5 colonels, le rajout au délai de la Transition ou encore la candidature d’Assimi Goïta ont ainsi éclipsé l’ouverture et la démarche inclusive en faveur des mouvements armés ou encore des acteurs politiques contraints à l’exil. De quoi donner raison aux nombreux absentéistes en droit de n’y voir qu’un bruyant monologue en lieu et place de la panacée aux maux qui rongent le Mali depuis 10 ans et que la Transition a probablement exacerbés. En témoigne tout au moins le pessimisme qu’inspire le ton donné par le chef de l’Etat, dans son adresse du nouvel an 2025 aux concitoyens. La moindre allusion au retour à l’ordre constitutionnel qui apparaît de plus en plus comme une assurance plus porteuse de perspectives que la transformation d’un pays en champ d’expérimentations illusoires.
A. KEÏTA
Source: Le Témoin