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Bilan affaires étrangères: le frein de la dure réalité diplomatique

Les électeurs seront conviés aux urnes le 21 octobre prochain pour trancher une question somme toute assez simple : les libéraux méritent-ils de prolonger leur passage aux commandes du Canada ? En cette veille électorale, Le Devoir propose un bilan en sept volets du mandat occupé de Justin Trudeau. Aujourd’hui : les affaires étrangères.

Justin Trudeau proclamait en 2015 que le Canada était « de retour » comme grand leader sur la scène internationale. L’ambitieux programme du premier ministre libéral a cependant rapidement été bousculé. Et quatre ans plus tard, au moment où la courte mission de paix du Canada au Mali vient de prendre fin, M. Trudeau tente surtout tant bien que mal de naviguer entre les écueils d’une relation précaire avec les États-Unis et une guerre diplomatique avec la Chine.

Le mandat de Justin Trudeau avait pourtant bien démarré. À peine élu, le nouveau premier ministre a fait le tour du monde pour participer à une série de sommets internationaux — notamment celui de l’APEC (acronyme en anglais de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) aux Philippines, où il a été accueilli en rock star. Justin Trudeau s’est en outre rendu à Paris pour participer à la COP21 sur le climat et s’y poser en grand défenseur de l’environnement. Le chef libéral avait même invité les partis d’opposition et les premiers ministres des provinces avec lui, question de démontrer tout le sérieux qu’il accordait à la crise climatique et les efforts que consentirait le Canada pour rallier ses alliés aux causes qui lui tiennent à coeur.

 

Mais à peine un an plus tard, le gouvernement a dû réorienter sa politique internationale pour s’occuper d’un seul et unique enjeu : les États-Unis. La nouvelle ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, s’est vu confier le mandat de gérer à temps plein la relation avec le voisin américain et de renégocier l’ALENA avant que le nouveau président, Donald Trump, n’exécute sa menace de l’abroger. Les négociations ont été difficiles et pour le moins tendues. Le Canada et le Mexique ont néanmoins fini par s’entendre avec les États-Unis et signer un nouvel accord de libre-échange l’automne dernier. La levée des tarifs imposés sur l’aluminium et l’acier canadiens a suivi. La ratification de l’entente se fait toutefois toujours attendre.

Aussitôt le dossier américain réglé, Justin Trudeau s’est retrouvé en guerre avec un autre géant : la Chine. L’arrestation en décembre de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, qui fait l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis, a enragé Pékin. En guise de représailles, deux Canadiens ont été arrêtés et envoyés en prison dans des conditions lamentables. Les exportations canadiennes de canola, de porc et de boeuf ont été limitées ou interdites d’entrée.

Justin Trudeau s’est en outre mis à dos l’Arabie saoudite l’an dernier en dénonçant une vague d’arrestations de militants des droits de la personne. Dans le lot se trouvait Samar Badawi, la soeur du blogueur Raïf Badawi, emprisonné depuis 2012. L’Arabie saoudite n’a pas digéré de se faire faire la morale par la ministre Freeland sur Twitter. L’ambassadeur canadien a été expulsé de Riyad, et les relations diplomatiques et commerciales gelées. Cinq mois plus tard, en janvier, la ministre en a rajouté en accueillant personnellement à Toronto — et devant les caméras de télévision — la réfugiée saoudienne Rahaf Mohammed al-Qunun. Malgré ces remontrances, le Canada n’a pas révoqué son contrat de vente de blindés à l’Arabie saoudite.

Le gouvernement Trudeau a par ailleurs tenté de se poser en pacificateur dans la foulée de la crise au Venezuela. Les libéraux ont aussi signé l’accord de libre-échange avec l’Union européenne (AECG), dont les conservateurs de Stephen Harper avaient signé l’accord de principe. Et le Canada a ratifié le Partenariat transpacifique avec dix pays de la région.

Et le grand retour à l’ONU ?

Justin Trudeau avait en outre fait campagne en 2015 en promettant de refaire du Canada un joueur important au sein des Nations unies, en redéployant les Casques bleus canadiens et en accordant un budget plus important à l’aide internationale.

Sur ce second front, M. Trudeau a bel et bien bonifié les budgets de l’Agence canadienne de développement international et permis que les fonds de santé maternelle puissent à nouveau financer l’avortement à l’étranger (après que Stephen Harper l’eut refusé). La politique d’aide internationale canadienne est aussi devenue féministe, en s’engageant à ce que tout nouveau projet permette de renforcer l’égalité entre les sexes et le pouvoir des femmes à l’étranger.

La participation canadienne aux missions de paix onusiennes s’est par contre fait attendre. Et ce, pendant trois ans.

Le Canada a finalement dépêché pendant un an 250 soldats, deux hélicoptères de transport Chinook et quatre Griffon armés au Mali. Une participation jugée timide par certains critiques. Et les libéraux ont refusé de prolonger cette mission cet été, malgré les demandes des alliés. L’armée canadienne a mené onze évacuations médicales en un an.

Une seconde mission aérienne promise en Ouganda a en outre été retardée, le temps de mener celle au Mali. Un avion de transport Hercules et 25 soldats y ont été déployés fin août, à raison d’une semaine par mois pendant un an.

Du côté de l’Irak et de la Syrie, les libéraux ont retiré les six avions de chasse qu’y avait envoyés Stephen Harper pour combattre le groupe armé État islamique. M. Trudeau a privilégié une mission d’entraînement des forces locales, en envoyant pour ce faire 200 soldats des forces spéciales. Au fil de leur mission, les soldats canadiens ont échangé à quelques reprises des tirs avec l’ennemi. M. Trudeau a discrètement prolongé trois fois la mission, par voie de communiqué de presse, jusqu’en 2021. Quelque 850 soldats s’y trouvent encore, accompagnés de deux avions de transport Hercules et de sept Griffon.

M. Trudeau avait par ailleurs promis de régler l’interminable saga du remplacement des avions de chasse canadiens et d’exclure du concours le F-35 de Lockheed Martin. La prochaine flotte n’a cependant toujours pas été choisie. Les soumissions devraient être reçues cette année, le contrat être octroyé en 2022 et le premier avion être livré en 2025. Lockheed Martin pourra finalement soumissionner.

L’ambassade canadienne en Iran n’a pas été rouverte non plus, malgré le fait que M. Trudeau s’y soit engagé. Ses troupes arguent que des cas consulaires ont refroidi les pourparlers. La veuve d’un universitaire irano-canadien mort en prison l’an dernier, Kavous Seyed-Enami, est coincée en Iran depuis. Le pays ne reconnaît pas la double citoyenneté de Maryam Mombeini.

Justin Trudeau a malgré tout toujours l’ambition d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies l’an prochain. Le Canada sera en compétition contre la Norvège et l’Irlande, qui espèrent elles aussi remporter l’un des deux sièges temporaires pour le mandat de 2021-2022.

Source: lemainelibre

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