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Barkhane prise au piège des obligations politico-diplomatiques au Mali

Il est difficile de décrire la situation malienne, pourtant la réalité n’a jamais été aussi palpable. Remettre en cause l’efficacité de l’opération Barkhane serait une démarche hasardeuse au regard de la complexité de la situation. Faut-il rappeler avec force que cette opération se déroule dans des Etats souverains confrontés à une multitude de défis, lesquels sont difficiles à prioriser avec certitude.

«Pas de développement sans sécurité, mais pas de sécurité sans développement». Plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une «absence de stratégie», ou encore un «manque de coordination». Pourtant dès le départ, la stratégie fut clairement définie.
Barkhane a pour mission de constituer un garrot autour de la zone afin de réduire la capacité de nuisance des groupes terroristes pour ensuite faciliter leur traque et leur élimination, les armées nationales doivent assurer la reconquête et la sécurisation territoriale, la MINUSMA est chargée de la protection des populations civiles, tout en appuyant le processus politique en faveur de la paix.
La crédibilité de la mission de Barkhane et de la MINUSMA dépend de l’efficacité des forces nationales, qui doivent constituer la véritable cheville ouvrière en faveur de la dynamique de victoire. Les armées nationales dépendent elles aussi, à leur tour, des politiques mises en œuvre par les décideurs locaux.
C’est justement à ce niveau que se trouve le véritable problème. Le concept d’Etats remparts» fut développé par les Présidents de la zone, ils mettent ainsi en garde les pays occidentaux et principalement la France, sur les conséquences liées à un possible effondrement des différents régimes. À cette mise en garde, s’ajoute l’éternelle crainte française d’être accusée de mener une politique néocolonialiste dans ses anciennes colonies. Dans un tel contexte dominé par le chantage, comment rappeler à l’ordre les Etats commettant des erreurs aux conséquences dévastatrices ?
«Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va»
Ces derniers temps, deux faits ont attiré l’attention au Mali, à savoir la capacité des groupes armés terroristes à lancer des «attaques simultanées (Boulkessi et Mondoro, 30/09/2019) et la possibilité pour eux d’identifier des militaires en permission, plusieurs soldats en tenue civile se rendant dans leur famille furent débarqués des cars pour ensuite être exécutés. Ces faits démontrent une grande maîtrise du renseignement de leur part. En face, l’Etat malien agit dans un vide stratégique important. Dans une telle situation, aucun soutien ne peut donc produire un effet positif durable. La réforme annoncée des services de renseignement au Mali n’a jamais pu être menée.
«Des groupes terroristes armés toujours plus efficaces malgré leur affaiblissement»
Les militaires de l’opération Barkhane détruisent chaque mois près d’une à deux tonnes d’armements appartenant aux différents groupes terroristes du Sahel. La récente annonce de l’élimination du terroriste Ali Maychou (l’un des principaux dirigeants du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans) démontre que la traque se poursuit sans relâche, avec à la clé des succès avérés. Encore une fois, ce bon résultat est terni par l’incapacité des forces locales à maintenir le cap. En face, les groupes détiennent toujours l’initiative, ils ont même réussi à se «diversifier». L’évolution de la zone de crise du nord du Mali vers le centre a surtout eu pour conséquence de séduire une population diverse et des «groupes socio-professionnels», agriculteurs, pêcheurs et paysans. Ces nouveaux acteurs vivent au sein de la population et tiennent un discours qui parle aux locaux.
«Le but du politique c’est la paix, celui du militaire c’est la victoire»
Les succès de Barkhane se retrouvent ainsi étouffés par une posture politique ayant pour but premier de ménager les susceptibilités dans une zone hautement instable. Face à l’échec des gouvernants locaux, la marge de manœuvre française est limitée. Elle fait de son mieux en tentant d’insérer par exemple au sein de l’état-major malien des officiers français chargés de soutenir l’armée malienne en matière de planification.
Le chef d’état-major des armées françaises a affirmé être «raisonnablement pessimiste»
En France, le débat autour de l’engagement dans le Sahel revêt plusieurs formes, entre politique néocolonialiste, recherche d’intérêts, ambitions inavouées ou encore assistanat. Le Général Lecointre, par sa constance dans l’analyse, a su produire une posture pragmatique. Il n’a jamais cessé d’expliquer la dynamique du terrorisme et l’obligation de détruire ces groupes éloignés de la paix. Dans son interview lors du 14 juillet dernier, il a mis l’accent sur le volet développement et n’a jamais caché la nécessité de miser sur le temps long. À la lecture de ses différentes interventions, l’on comprend aisément la forte dépendance de l’engagement militaire vis-à-vis de la décision politique.
La ministre des armées françaises annonce le lancement de la force «Takuba»
Encore une fois, le temps politique est mal choisi. Au moment où les opinions sahéliennes manifestent leur hostilité vis-à-vis de la présence française, la ministre française des armées annonce le déploiement futur d’une force européenne dénommée «Takuba». Quelle interprétation les citoyens locaux donneront au terme choisi qui signifie «sabre» en langue Tamashek, faut-il rappeler que le Mali est toujours sous la menace d’ambitions irrédentistes portées principalement par des groupes Touaregs ayant pour langue le Tamasheq. Alors quelle est la raison qui consiste à évoquer le nom «Sabre» dans un pays fissuré et confronté au djihadisme, sachant également que le symbole choisi fait aussi référence à la charia ?
Ni le tempo et encore moins le nom retenu ne conviennent. La nouvelle Présidente de la Commission de l’UE, Ursula Von Der Leyen, aurait pu porter le projet déploiement d’une force européenne de par sa double légitimité (Ancienne ministre de la défense et actuelle dirigeante de l’Europe).
Boubacar TRAORE
bst@afriglob-conseil.com
NB : Boubacar est le directeur du cabinet Afriglob conseil spécialisé sur les questions de développement dans le Sahel. Il est diplômé en relations internationales, en économie et gestion ainsi qu’en management stratégique et intelligence économique. Intervenant à l’Institut Catholique de Paris.

Source : Nouvelle Libération

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