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Barkhane : à l’heure du choix

Huit ans après le début de l’intervention militaire française au Mali, le bilan est à bien des égards mitigé. L’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, a engrangé des résultats, mais doit de plus en plus faire face à un rejet grandissant tant au Mali qu’en France, où, selon certains sondages, plus de la moitié des citoyens ne l’approuvent plus. Si un retrait immédiat, comme le souhaite une frange de la population malienne qui donne de la voix, semble ne pas être une option, certains faits laissent entrevoir une possible réorganisation du dispositif de la force au Mali.

 

73% d’opinions favorables en 2013 et 59% en 2019. Ils ne sont plus que 49% des Français à approuver l’opération Barkhane, selon un sondage Ifop réalisé début janvier 2021 et publié par Le Point le 11 janvier 2021. Une nette détérioration au fil des années de l’adhésion en France à cette opération, qui s’ajoute à une exigence accrue ces dernières semaines de certains Maliens d’un départ des forces étrangères du Mali, dont les troupes françaises. Aux avant-gardes de cette position, le mouvement « Yèrèwolo, Debout sur les remparts », qui avait appelé à une mobilisation à Bamako le mercredi 20 janvier, jour symbolique du 60ème anniversaire de l’armée malienne, pour demander « le départ de l’armée française à travers l’opération Barkhane au Mali ». Mobilisation qui tourna finalement court après que les forces l’ordre aient gazé la poignée de personnes rassemblés pour cette manifestation interdite par les autorités.

Pour ce mouvement,qui s’appuyait sur l’activiste Kemi Séba, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français pour la réussite de la manifestation, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ». Pour ce mouvement, appuyé pour cette manifestation par Kemi Séba, activiste, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pointée du doigt La relative impopularité de l’opération Barkhane aujourd’hui résulte d’un sentiment de lassitude des populations maliennes vis-à-vis d’elle, sentiment qui s’est développé au fil des années avec l’enlisement de la crise sécuritaire dans les régions du nord et du centre, mais aussi progressivement dans celles du sud du pays. « C’est normal que l’opération Barkhane soit critiquée aujourd’hui. S’il y a une minorité agissante au Mali qui fait beaucoup de bruit pour le retrait des troupes françaises, c’est tout simplement  parce que  l’insécurité gagne de plus en plus de terrain dans le pays », constate le Dr. Abdoulaye Tamboura, géopolitologue. Comme pour ne rien arranger, la polémique autour de la frappe de Barkhane à Bounti, dans le cercle de Douentza, région de Mopti, le 3 janvier 2021, est venue renforcer la vision des Maliens qui souhaitent le retrait de cette force.

Par ailleurs, même si comme l’affirmaient le 7 janvier, deux communiqués distincts de l’État-major des armées françaises et du ministère de la Défense et des anciens combattants du Mali, il n’y a pas eu de dommage collatéral, ni d’élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage dans la zone des frappes, le parti SADI du Dr. Oumar Mariko a affirmé « sans ambages », dans une déclaration en date du 18 janvier 2021, que l’armée française avait commis « une tragique bavure, qui a coûté la vie à de nombreux innocents et décimé partiellement une lignée familiale ». « Vouloir occulter cette réalité et conclure à la présence de Groupes Armés Terroristes pour justifier une quelconque frappe de l’armée française est une insulte à l’intelligence collective de notre peuple, profondément attristé par cette tragédie », lit-on dans le communiqué signé du Bureau politique. Ajustement impératif  Alors donc que l’opération Barkhane fait face aux critiques sur son efficacité, la France envisage de réduire l’effectif de son dispositif présent au Sahel. Les 600 soldats supplémentaires déployés en janvier 2020, à l’issue du sommet de Pau, devraient être prochainement rapatriés.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort, par définition, c’est temporaire », a affirmé Florence Parly, ministre française des Armées, au « Parisien », dans un entretien publié le 4 janvier. Le  sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel, prévu pour février prochain à N’Djamena, sera l’occasion de prendre une décision. Le président français Emmanuel Macron a confirmé le 19 janvier ce réajustement qui se fera lors du sommet, où il se rendra.

Au-delà de cette réduction de l’effectif de l’opération Barkhane, des interrogations se posent sur l’opportunité d’une réorganisation de la force en vue d’un désengagement progressif de l’armée française au Sahel. Une réduction et une possible réorganisation dont l’impact sur le terrain peut laisser entrevoir plusieurs options, selon Niagalé Bagayoko, politologue, Présidente de l’African Security Sector Network. « Cette réduction sera peut-être vue comme un acte de bonne volonté qui pourrait permettre de faire avancer les négociations entre Bamako et les djihadistes,  mais elle peut être vue également comme un aveu de faiblesse et encourager au contraire d’avantages d’actions contre les effectifs restants de Barkhane ou de la Minusma. Et bien entendu contre les FAMa », analyse-t-elle. La Task Force Takuba, qui vise à faire travailler les forces spéciales européennes en accompagnement et en formation des forces sahéliennes, pourrait en revanche bénéficier d’un renforcement.

Mais, là aussi, « on peut s’interroger, parce que les dernières attaques, qui ont été très meurtrières pour la Force Barkhane en fin d’année 2020 et en début d’année 2021, pourraient avoir dissuadé les partenaires européens, qui sont encore aujourd’hui très peu nombreux, déjà, de déployer des effectifs combattants sur le terrain », indique Niagalé Bagayoko.

Pour l’experte en sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, il parait de plus en plus difficile pour une opération extérieure de s’impliquer dans la résolution d’une crise dont les racines font qu’il est extrêmement difficile de n’avoir qu’une approche militaire. « On voit très bien aujourd’hui que cette problématique terroriste ou djihadiste apparait comme très imbriquée dans d’autres questions, notamment celles des affrontements inter ou intra-communautaires ou plus largement  entre groupes djihadistes  et certains groupes ou milices d’auto-défense, ce qui tend à rendre la situation extrêmement complexe », souligne-t-elle. Renforcement des FAMa Les autorités de la transition malienne se sont inscrites dans la poursuite de la coopération militaire avec les forces étrangères présentes au Mali.

C’est dire que l’option d’un retrait immédiat de l’armée française, qui vient en appui à des forces armées maliennes faisant face à de multiples défis sécuritaires, n’est pas à l’ordre du jour. « Ceux qui prônent le discours d’un départ immédiat de la France ne feront que précipiter le Mali dans un désastre qui ne dirait pas son nom. Je comprends cette position, parce qu’il y a de plus en plus de morts et de victimes, mais c’est ensemble, avec la communauté internationale, qu’on pourra résoudre ce problème », argue Dr. Abdoulaye Tamboura. « Le Mali peut diversifier sa coopération,  mais elle se construit, elle ne vient pas comme cela, du jour au lendemain.

C’est dans le cadre d’une confiance mutuelle. Au sein de l’Europe, aujourd’hui, je ne vois pas d’autres pays, à part la France, qui est l’un des seuls qui puisse envoyer des troupes sur un terrain extérieur d’opération. Même la Grande-Bretagne a des difficultés et l’Allemagne n’a pas une armée aussi efficace que cela », relève le géopolitologue. La véritable alternative ne serait autre qu’un renforcement des capacités des forces armées maliennes, à travers « une formation et des outils de guerre assez efficaces, même en matière de renseignement, ce qui prendra encore quelques années », ajoute celui qui soutient qu’à partir de Ségou les forces armées maliennes ne maîtrisent plus le terrain, contrairement aux djihadistes aguerris. C’est pourquoi, la France n’ayant pas vocation à « rester éternellement » au Mali, comme l’a plusieurs fois répété Florence Parly, l’État malien doit se préparer à trouver des alternatives pour réduire dans un premier temps l’impact que pourrait avoir l’ajustement du dispositif de Barkhane.

 

Source : Journal du Mali

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