À l’appel de plusieurs organisations de la société civile malienne, des milliers de jeunes ont convergé ce samedi 12 avril 2025 vers le Centre international de conférences de Bamako (CICB) pour exprimer leur solidarité aux Forces armées maliennes (FAMa) et dénoncer ce qu’ils qualifient d’agression de l’Algérie contre le Mali. Ce meeting de protestation, organisé dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre les deux pays voisins, a été marqué par une mobilisation impressionnante et des discours percutants.
Dès les premières heures de la matinée, sous un soleil de plomb, la foule a investi la cour du CICB. Malgré la chaleur accablante de ce mois d’avril, l’espace ne désemplissait pas : pancartes et banderoles brandies avec ferveur, slogans scandés en chœur, et drapeaux de la Confédération des États du Sahel (AES) fièrement agités. Le message des manifestants était clair : soutien inconditionnel aux FAMa et rejet total de toute forme d’ingérence étrangère, notamment celle de l’Algérie.
Un drone malien abattu, la goutte de trop
Le point de cristallisation de cette indignation remonte à la nuit du 31 mars au 1er avril dernier, lorsque l’Algérie aurait, selon les organisateurs, abattu un drone malien engagé dans une opération contre les Groupes armés terroristes à Tinzawatène, dans le Cercle d’Abeïbara, région de Kidal. Ce geste, perçu comme une atteinte grave à la souveraineté nationale, a provoqué une vague de colère dans l’opinion publique malienne.
À l’intérieur de la salle Djéli Baba Sissoko, bondée de monde, il était pratiquement impossible de circuler. Les messages inscrits sur les banderoles en disaient long sur l’état d’esprit des manifestants : « Égalité et respect entre Nations », « La coopération oui, mais toujours dans le respect sans ingérence étrangère », ou encore « Mali-Algérie, le passé comme le présent, la reconnaissance forge des alliances solides ».
Une jeunesse mobilisée pour la souveraineté
Dans une déclaration lue devant l’assistance, le président du Conseil national de la jeunesse (CNJ), Sory Ibrahim Cissé, a exprimé au nom de la jeunesse malienne une « profonde indignation » face à ce qu’il a qualifié d’« acte de provocation » de l’Algérie. « Nous exigeons que les autorités algériennes cessent immédiatement leur ingérence et qu’elles respectent les accords bilatéraux et internationaux », a-t-il martelé.
Il a également appelé à l’ouverture d’une enquête internationale indépendante pour faire la lumière sur les circonstances exactes de la destruction du drone malien.
La rencontre a été ponctuée par la projection d’un film documentaire intitulé « Mali-Algérie, frères de sable et de silence », retraçant les liens historiques entre les deux pays depuis les années 1960, avec notamment le soutien crucial apporté par le Mali à l’indépendance algérienne. Une manière pour les organisateurs de rappeler la profondeur des relations entre les deux nations et d’en appeler à la raison.
Des prises de parole engagées
Plusieurs intervenants ont pris la parole pour partager leur analyse et interpeller l’opinion publique. Pour Mohamed Kassoum Djiré, membre de la Commission d’organisation, « le Mali est agressé. Comme le dit notre hymne national, “lorsque l’ennemi découvre son front, au-dedans, au-dehors, debout debout sur les remparts”, il faut se lever. Nous sommes sortis massivement pour condamner cet acte barbare. Le peuple malien et celui de l’Algérie sont des frères, et ce combat n’est pas contre un peuple, mais contre le terrorisme ».
De son côté, Coumba Yarissy, citoyenne engagée, a pointé du doigt l’attitude ambiguë de l’Algérie depuis plusieurs décennies. « L’Algérie a toujours joué au pompier pyromane. Elle n’a pas accepté que cette transition lui tienne tête. Ce refus de porter la camisole de force, notamment l’Accord d’Alger, explique en partie cette réaction. Depuis Tamanrasset, aucun accord ne nous a apporté la paix », a-t-elle soutenu.
Un appel aux institutions internationales
Pour Aboubacar Sidiki Fomba, membre du Conseil national de Transition (CNT), la responsabilité de l’Algérie est manifeste. « C’est une violation flagrante de l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies. C’est un acte d’agression contre un État souverain, une trahison d’État à État. Si un État se met à soutenir ou à couvrir le terrorisme, il devient un État voyou », a-t-il dénoncé avec vigueur.
À travers ce meeting, la jeunesse malienne a montré qu’elle reste mobilisée pour défendre la souveraineté nationale et réclamer le respect des engagements internationaux. Au-delà de l’émotion, c’est une exigence de vérité et de justice que les manifestants ont portée, appelant à un sursaut diplomatique mais surtout à une refondation des rapports entre Bamako et Alger, dans le respect mutuel et la transparence.
Cette grande mobilisation a eu lieu dans toutes les régions du Mali. Les Maliens résident à l’étranger ont aussi manifesté leur opposition à cette ingérence algérienne.
Ibrahim Kalifa Djitteye
Sahel Tribune