Si rien n’est fait dans un bref délai, la société Ozone-Mali risque de couler, laissant ainsi en rade ses 1300 employés qu’elle ne parvient plus à payer, à cause d’arriérés de contribution des municipalités de Bamako, conformément à la convention qui les lie à Ozone.
Les travailleurs étaient obligés de se faire entendre au siège de l’entreprise, lundi dernier, afin d’espérer rentrer en possession des salaires dus. Ce qui est moins probable, dans la mesure où Ozone-Mali, qui fait souvent appel à la société mère au Maroc pour financer son fonctionnement à Bamako, est au bout de l’asphyxie et risque de procéder à un arrêt définitif si les 15 milliards de nos francs qui lui sont dus ne lui sont pas payés. Comment en est-on arrivé là ? La convention signée pour huit ans prévoit de verser à Ozone, chaque année, la somme de 9 milliards de nos francs, selon un montage financier qui fait intervenir l’Etat à hauteur de 4 milliards de Fcfa, la Mairie du district de Bamako devant régler le reliquat de 5 milliards, sur la base des recettes collectées au titre de la Taxe sur les ordres ménagères. Ce contrat, rappelons-le, avait fait couler en son temps beaucoup d’encre et de salive et les pourfendeurs d’hier semblent avoir raison aujourd’hui, dans la mesure où plusieurs failles du dispositif entrainent la société Ozone dans une situation inconfortable qui pourrait être fatale à sa présence au Mali. En effet, comment pouvait-on demander à la mairie du district de Bamako de participer à hauteur de 5 milliards de nos francs, en sachant qu’il y avait dans le circuit administratif un projet de loi la dessaisissant de la gestion des ordures dans la capitale malienne au profit des mairies des six communes de la capitale ? De la part de ceux qui pilotaient ce dossier, géré en son temps par le ministère de l’Environnement où se trouvait un certain Abdoulaye Idrissa Maïga, c’est un fait que l’histoire retiendra. De toute façon, ce qui devait arriver arriva car une fois cette loi votée, la mairie du district de Bamako ne se trouvait plus liée directement par la Convention de gestion déléguée du traitement des ordures qui fonde la présence et l’intervention de la société Ozone à Bamako. Depuis lors, tout ce que peut faire le maire du District, c’est de saisir ses collègues des six communes afin que chacun d’eux puisse apporter sa contribution à la cagnotte. De prime abord, la faiblesse de leurs moyens les empêche de répondre à ces sollicitations car la perception de la Taxe sur les ordures ménagères est loin d’être une réalité au Mali. En plus, ces mairies ne font d’ailleurs aucun effort parce que ne se sentant nullement engagées dans cette Convention qu’elles n’ont pas négociée. Par ailleurs, si les ordures dérangent certains, elles nourrissent au contraire beaucoup d’autres gens. Et grassement d’ailleurs ! En effet, le traitement des ordures constitue un véritable business opaque, autour duquel tournent des associations et groupements d’intérêts économiques (GIE) qui constituent un pan important de la clientèle politique des élus municipaux, obligés parfois de sceller des pactes avec eux pour espérer leur soutien lors des élections communales. Entre les équipes municipales et les associations de collecte des ordures dans les quartiers, s’est installée une collaboration qui frise la complicité, de sorte qu’il ne faille pas s’attendre à voir ce topo disparaître par l’effet de la signature d’une convention, même si c’est avec une société dont la notoriété internationale en la matière ne se discute point. Bamako ne sortira pas encore de ce système rébarbatif de ramassage des ordures C’est pour dire que, dès le départ, la société Ozone s’est trouvée en terrain miné et sa marge de manœuvre est actuellement si faible qu’elle ne parvient pas à déployer tout le potentiel prévu pour Bamako, notamment pour nettoyer les rues, collecter les ordures, nettoyer les dépôts de transit, curer les caniveaux et traiter les ordures collectées. Il était même prévu l’installation d’unités modernes de traitement des ordures à l’instar de ce que fait la société Ozone au Maroc. Pour préserver les intérêts des GIE, la Direction de la société Ozone-Mali a eu à leur proposer un partenariat, notamment en faisant d’eux des acteurs pour Ozone qui les rémunère en contrepartie. Mais cette proposition a rencontré un niet catégorique. Comme quoi Bamako ne sortira pas encore de ce système rébarbatif de ramassage des ordures avec des charrettes tirées par des ânes et des pousse-pousse qui laissent une bonne partie de leur chargement sur le trajet qui mène au dépôt de transit, lequel à son tour ne cesse de grandir pour constituer une véritable montagne, avec ses désagréments sur l’environnement et les effets nocifs sur les populations avoisinantes. Certainement qu’un jour, des organisations sérieuses organiseraient les voisins des dépôts sauvages d’ordures pour initier des recours afin que leur droit à un environnement sain soit respecté. Et vu la stature du Mali au niveau des différentes rencontres internationales sur la question de l’environnement, il faudra commencer par nettoyer devant nos propres portes, avant de parler avec les autres. De toute façon, l’Etat se débrouille pour honorer sa part du contrat avec Ozone et s’en arrête-là. Le ministre de l’Economie et des finances, qui n’est pas signataire de la Convention (une autre erreur), a d’autres priorités certes, mais lâche de temps en temps quelques centaines de millions pour solder les comptes au fil des jours. Situation très critique pour Ozone-Mali De 2015, année d’installation de la société Ozone à nos jours, les arriérés se sont amoncelés pour constituer une montagne de près de 15 milliards de francs Cfa. Certainement qu’une montagne pareille ne gêne pas les créanciers qui trainent les pieds pour éponger les factures, au contraire des montagnes d’ordures pour lesquelles on met la pression sur Ozone pour s’en débarrasser. La situation est à présent très critique pour Ozone-Mali qui ne peut continuer à fonctionner avec les fonds de la société-mère, Ozone-Maroc, alors qu’il y a plus d’un millier d’employés à payer. En plus, avec l’hivernage qui approche, le plan de curage des caniveaux nécessite le recrutement supplémentaire de près de 200 travailleurs. Lundi dernier, tous les employés s’étaient donné rendez-vous au siège de l’entreprise à la Zone industrielle, au lieu de se rendre sur leur lieu de travail. Ils ont manifesté leur désir de se faire payer. Mais avec quel argent ? Voilà la grande question ! Surtout si l’on constate que l’énorme parc automobile de la société Ozone est en train de souffrir de la situation, avec les nombreuses pannes de camions-bennes et autres engins lourds dont la maintenance constitue un des postes importants du budget. Nécessité de percevoir la Taxe sur les ordures ménagères Rappelons que la convention signée avec Ozone par les autorités du pays était vantée en son temps comme étant un des grands exemples de la coopération vivante et exemplaire entre le Mali et le Maroc, puisque ce projet a été finalisé dans la foulée de la première visite du roi Mohamed VI au Mali, suite à l’investiture du président IBK. Il serait donc malheureux que l’exemple tant vanté se transforme actuellement en un énorme cauchemar, voire une désillusion qui déteindrait certainement sur l’image du Mali. En un mot comme en mille, il faut trouver une solution à cet épineux problème pour rendre plus fluide la collaboration entre Ozone et les communes de Bamako afin que les populations, qui en ont marre d’être envahies par les ordures, puissent bénéficier de cet échange d’expériences sur fond de collaboration saine. Mais cette crise a aussi le mérite de poser en filigrane la question de la nécessaire perception par les mairies de la Taxe sur les ordures ménagères, en trouvant des mécanismes judicieux de les recouvrer soit en intégralité soit de façon échelonnée sur l’année. Les moyens ne manquent pas parce que les associations qui s’activent dans le nettoiement des quartiers se débrouillent pour prendre l’argent des contribuables. Une chose est sure : le tout gratuit n’existe pas et il faut que les mairies commencent à le faire comprendre aux populations qui sont les premières à exiger le ramassage et le traitement de leurs ordures.
Source: Maliactu.info