De Niamala, son village natal dans la commune rurale de Koumantou, cercle de Bougouni, à la Maison centrale d’arrêt de Bamako (MCA) en passant par l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs du Coton du Mali (CSCPC), Bakary Togola aura réussi à se forger un destin qui, finalement, lui a été fatal. Voyage dans l’univers d’un homme au parcours atypique.
Nous sommes en 1978. Elève en classe de 7ème, Bakary Togola, né en 1960 à Niamala, est retiré de l’école par son père. Ainsi, il remplace le stylo par une houe et décide de se consacrer entièrement aux travaux champêtres. Des années passent, Bakary se fraye un chemin. Lui qui a toujours prêché : « La terre ne trahit jamais ». Dans un document officiel, datant de janvier 2013, Bakary Togola détenait : 450 hectares de riz ; 350 hectares de maïs ; 100 hectares de coton ; 100 hectares de mil ; 100 hectares de sorgho et 50 hectares de fonio, soit un total de 1150 hectares cultivés.
Il monte vite les échelons. Président de l’Association Villageoise (AV), président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et du Conseil d’Administration de la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs du Coton du Mali (CSCPC), l’enfant prodige de Niamala est désormais au sommet des sommets. Il devient ainsi, la bouche, les oreilles et les yeux de l’ensemble des paysans du Mali.
Le boss des paysans aux bureaux climatisés se familiarise vite avec les hauts cadres de la République et devient de plus en plus proche des régimes politiques. Ainsi, il arrivait à cacher difficilement son soutien à l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT). Il a toujours porté les insignes du mouvement citoyen dont il fut l’un des vice-présidents. En février 2011 au stade Modibo Keïta au cours de la remise d’une médaille d’une valeur de 20 millions de francs CFA au président ATT par les chambres consulaires du Mali dont l’APCAM est membre, Bakary Togola a déclaré en s’adressant à l’illustre récipiendaire d’alors : « Tout ce qui doit être fait pour les commerçants, vous l’avez fait. Tout ce qui doit être fait pour les artisans, vous l’avez fait. Tout ce qui doit être fait à nous les paysans, vous l’avez fait. Nous ne pouvons que vous remercier.»
Après ce geste, le président de l’APCAM s’insère dans le cercle de ceux-là qui luttaient à l’époque pour le troisième mandat d’ATT à la tête de l’Etat, jusqu’à ce qu’un certain 22 mars 2012, mette fin à toute suspicion.
Le virus de la politique !
Pendant plus d’un an de transition, silence radio. Les deux tours de l’élection présidentielle de 2013 passent, pas de séduction. En 2015, Bakary Togola réussit à se maintenir à la tête de l’APCAM. Ainsi, il reprend les activités et commence à encenser le nouveau président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). De part sa prise de position, Bakary devient un vrai animal politique et intègre la famille présidentielle. « N’Fa Togoma » (l’homonyme de mon père), c’est comme ça qu’il sera désormais appelé par le président IBK. Ainsi, il devient un homme très puissant et embarque la quasi-totalité des paysans sur un terrain politique dont lui-même ne maîtrise pas les réalités.
En 2018 alors que le premier mandant d’IBK arrive à terme, le président de l’APCAM fait une descente dans l’arène politique et part à la rencontre des paysans. Quelques mois plus tard, il promet à IBK une victoire écrasante dès le premier tour de l’élection présidentielle. Ainsi, le directoire des campagnes le met au premier rang. Partout, il est invité à prendre la parole. Lors du lancement des campagnes présidentielles le 8 juillet 2018 au stade du 26 mars, Bakary Togola prend la porale et réaffirme son soutien et celui de plus de 30 000 paysans à IBK. Ce jour-là, le président de l’APCAM a déclaré : « Nous devons reconnaitre qu’IBK a beaucoup fait pour ce pays et nous nous lui serons reconnaissants pour continuer les grands chantiers qu’il a commencés. Et nous les paysans, nous allons faire élire IBK dès le premier tour de l’élection présidentielle.»
Après l’élection présidentielle, le même Bakary Togola se fait passer pour un sage, un homme pacifique et invite IBK à calmer la tension sociale et politique avec cette phrase peu orthodoxe : « Le problème est connu. Tous ceux qui crient, donnez-leur un peu à mettre sous les dents pour qu’ils se taisent.» Plus grave, le président de l’APCAM se plaisait à dire que ce second mandat se passera en absence de celui ou celle qui osera s’opposer à IBK. Menace ou simple mise en garde ? Il est le seul à connaître la réponse.
Le jour où tout a basculé !
En plus des malversations financières, Bakary Togola a tout le temps été soupçonné de spoliations foncières par d’autres paysans dans la commune de Koumantou. S’il a pu résister à tous les litiges fonciers, les malversations financières semblent avoir eu raison de lui, à cause du procureur du Pôle économique et financier, Mamoudou Kassogué. C’est finalement le 13 septembre 2019 que Bakary Togola a été placé en détention provisoire à la Maison centrale d’arrêt de Bamako (MCA) dans l’affaire de détournement de ristournes destinées aux paysans dont le montant se chiffre à 9 milliards 462 millions 152 mille 71 francs CFA. Une surprise pour bon nombre de Maliens.
En attendant que la justice ne fixe sur son sort, le président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM), Bakary Togola, s’adapte à sa nouvelle vie de prisonnier. C’est aussi le destin. Mais un destin fatal qui risque de l’emmener loin sinon très loin !
Ousmane BALLO
Source : Ziré