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BAISSE DE NIVEAU DES ELEVES ET ETUDIANTS MALIENS : Nécessité d’une mobilisation générale des acteurs de l’école

A quelque chose malheur est bon, dit-on. Les syndicalistes de l’éducation ont pris la décision patriotique de suspendre les mouvements de grève compte tenu de la situation exceptionnelle du pays, suite à l’embargo imposé par la Cedeao et l’Uemoa. De ce fait, si cette situation favorise les conditions pour sauver l’année scolaire 2021-2022, pour autant, les maux de l’école demeurent et persistent.

En effet, au Mali, la baisse de niveau des élèves et étudiants est une triste réalité, à laquelle gouvernants et citoyens font face. Cette contre-performance n’est pas un fait du hasard. Les maux du système éducatif sont liés à des causes à la fois lointaines et immédiates.
Des indépendances jusqu’à l’avènement de la démocratie, le produit de l’école malienne était prisé dans la sous-région, voire dans toute l’Afrique francophone, tant il était de qualité. Mais aujourd’hui, 31 ans après l’ouverture démocratique, la situation s’est incroyablement dégradée et ce produit n’est plus compétitif ni dans la sous-région, encore moins en Afrique et le reste du monde. L’élève n’est plus au cœur du système. Avec l’institutionnalisation des écoles privées, l’argent s’est installé au cœur des décisions. A qui la faute ? Est-ce la faute revient aux élèves ou à la qualité de l’enseignement ? Quelles en sont les causes ?

La haine viscérale du Cmln

L’éducation étant l’avenir d’une nation, elle ne doit en aucunement être reléguée au second plan. S’agissant des causes lointaines, il est bon de savoir que la baisse du niveau des élèves a commencé après le coup d’Etat du 19 novembre 1968. L’avènement des militaires au pouvoir a été un coup de frein à la réforme de l’éducation entamée en 1962, et qui prônait un enseignement de masse et de qualité. D’après des constats, Moussa Traoré, l’auteur du coup d’Etat du 19 novembre, vouait une haine viscérale pour les enseignants, au seul motif que son prédécesseur, Modibo Keïta, était issu de ce corps. Pour rappel, la véritable fuite des cerveaux vers d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Niger, le Burkina Faso ont commencé pendant les années de plomb du CMLN/UDPM. Et pour cause, les enseignants étaient systématiquement considérés comme des opposants au régime militaire. Donc, ceux-là même qui étaient censés transmettre le savoir étaient terrorisés au point que l’enseignement a été relégué au second plan et les retombées des différentes réformes sont allées à vau-l’eau. A cela s’est ajoutée la détérioration des conditions d’études et de travail des élèves et des enseignants. Ces derniers fraisaient presque six mois sans salaire. Ventre vide n’ayant point d’oreille, les cours étaient devenus facultatifs pour les enseignants qui cherchaient juste à assurer le pain quotidien. Cette situation a perduré pendant plus de deux décennies. Après, il y a eu un autre coup d’Etat le 26 mars 1991. Ce coup d’Etat était l’œuvre de toutes les forces vives de la nation, y compris les élèves et étudiants regroupés au sein de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Cette association, prétendant jouer un rôle majeur dans le changement intervenu le 26 mars 1991, s’est cru tout permis.
Si l’avènement de la démocratie a été salué, cependant il n’a permis de résoudre le problème de l’école malienne, même si beaucoup de défis ont été relevés, notamment la construction des salles de classe, le paiement régulier des salaires des enseignants et l’amélioration des conditions de travail pour tous les acteurs de l’école malienne. Ce qui n’a pas marché, c’est certainement le leadership des gouvernants qui a fait défaut, car ils n’ont pas pu mettre l’école au-dessus des contingences politiques et syndicales. Pendant 31 ans de pratique démocratique, l’école malienne n’a pas connu d’accalmie et les années ont été soit blanches, soit jaunes, ou soit facultatives, jouant drastiquement sur le niveau. Les grèves incessantes des élèves et étudiants d’une part et des enseignants ont fait que les programmes scolaires et universitaires n’ont jamais été achevés. Donc, la baisse de niveau des élèves et étudiants pourrait s’expliquer par les perturbations, mais aussi et surtout par l’inadaptation des contenus des programmes aux réalités du monde moderne.

Des solutions à portée de main

Afin de renverser la tendance, il faut d’abord la volonté politique réelle des dirigeants, soutenue par un consensus autour de l’école qui aboutira à inscrire l’éducation au chapitre des priorités du pays. Car, un pays, pour qu’il se développe, il faut des ressources humaines de qualité. Ces ressources humaines de qualité ne peuvent être obtenues qu’à l’école. « Pour détruire une nation, on n’a pas besoin d’armes atomiques ou des missiles intercontinentaux, il suffit seulement de réduire la qualité de son éducation et permettre aux étudiants de tricher. Ainsi, le malade mourra dans les mains du médecin qui a réussi par fraude, les édifices s’écrouleront dans les mains d’un ingénieur qui a réussi par fraude, on perdra beaucoup de fonds dans les mains d’un comptable formé dans la fraude… Bref, l’ignorance se répandra parmi la jeune génération ayant été formée dans la main d’enseignants qui ont réussi par la fraude. Aussi, on obtiendra la chute de l’éducation qui se traduira par la chute de toute la Nation ». Telle est la substance de la lettre qu’un professeur d’université en Afrique du sud a écrite pour éveiller la conscience de ses étudiants et des dirigeants. Il s’agit là d’un bon sujet pour les élèves et les étudiants. Les maux étant connus, les solutions à portée de pain, il revient à l’Etat de s’assumer pleinement et aux autres acteurs de l’école de s’impliquer pour la matérialisation de cette volonté politique.
Jean Goïta

Source: la lettre du Peuple

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