Pour la troisième année consécutive, les flux mondiaux d’investissement étranger direct (IED) ont reculé de 13% en 2018, tombant à 1.300 milliards de dollars, contre 1.500 milliards en 2017.
Selon ce nouveau rapport sur l’investissement dans le monde de la CNUCED, cette contraction s’explique largement par le fait que les entreprises multinationales des États-Unis ont rapatrié leurs profits de l’étranger afin de tirer parti des réformes fiscales que les autorités américaines avaient adoptées en 2017, « précisément dans ce but ».
« L’IED reste bloqué aux faibles niveaux d’après-crise », a affirmé le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi, dans un communiqué de presse.
Selon le chef de la CNUCED, cela n’augure rien de bon quant à l’engagement pris par la communauté internationale de s’attaquer aux problèmes mondiaux qu’il est urgent de régler, comme la grande misère et la crise climatique.
Ce sont les pays développés qui ont été les plus touchés, puisque les entrées d’IED y ont diminué d’un quart pour s’établir à 557 milliards de dollars, retombant au niveau enregistré en 2004.
Les IED y ont reculé de 27%, ce qui marque leur troisième année consécutive de baisse.
Si en Europe, les entrées d’IED ont été réduites de moitié et ramenées à 172 milliards de dollars, aux États-Unis, elles ont diminué de 9%, à 252 milliards de dollars. Cependant, grâce à une croissance économique soutenue, les IED ont généré un revenu plus important, estimé à 200 milliards de dollars, dont une part de 119 milliards (+28% par rapport à 2017) restait aux États-Unis.
L’Asie absorbe plus du tiers des entrées mondiales d’IED en 2018
Malgré la baisse de l’IED, les États-Unis sont restés les plus grands bénéficiaires de ces flux, suivis par la Chine, Hong Kong (Chine) et Singapour.
De son côté, le Japon s’est hissé au rang de premier investisseur extérieur, suivi par la Chine et la France.
Ayant massivement rapatrié leurs revenus d’investissements, les États-Unis ne figurent pas dans la liste des 20 premiers investisseurs. Mais pour James Zhan, Directeur de la Division de l’investissement et des entreprises de la CNUCED, « malgré la baisse sensible observée l’année dernière, les perspectives sont plutôt encourageantes, avec une légère croissance attendue cette année ».
Plus globalement, l’agence onusienne basée à Genève note que la moitié des 20 premiers pays d’accueil des IED sont des pays en développement et des pays en transition. Et dans les pays en développement, les flux ont d’ailleurs bien résisté (+2%). Ils ont ainsi représenté plus de la moitié (54%) des flux mondiaux, contre 46% en 2017 et à peine plus d’un tiers avant la crise financière.
A cet égard, la CNUCED souligne que les IED vers les pays en développement d’Asie ont progressé de 3,9% pour atteindre 512 milliards de dollars. La région est restée celle qui reçoit le plus d’IED au monde, absorbant 39% des entrées mondiales en 2018, contre 33% en 2017. Les principaux pays où les flux ont progressé sont la Chine, Hong Kong (Chine), Singapour, l’Indonésie et d’autres pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ainsi que l’Inde et la Turquie.
L’Afrique épargnée par la baisse mondiale des IED
De son côté, l’Afrique a été épargnée par la baisse mondiale des investissements étrangers directs. En 2018, les entrées d’IED sur le continent ont augmenté de 11% par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 46 milliards de dollars. Cette augmentation s’explique par la progression de la demande et, par voie de conséquence, du prix de certains produits de base et par la croissance des investissements non liés aux ressources naturelles dans un petit nombre de pays.
Selon la CNUCED, la baisse des IED dans certains grands pays du continent, dont le Nigéria et l’Égypte, a été compensée par leur hausse dans d’autres pays, notamment l’Afrique du Sud.
D’après des données allant jusqu’en 2017, la France est le principal pays de provenance des investissements réalisés en Afrique, même si les montants concernés n’ont guère évolué depuis 2013. Elle est suivie par les Pays-Bas, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine.
« Si les entreprises multinationales des pays en développement étendent leurs activités en Afrique, les investisseurs des pays développés restent les maîtres du jeu », insiste la CNUCED. Mais pour Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la CNUCED, « l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) renforcera la coopération régionale ». Conjugué à des prévisions de croissance optimistes, cela est de bon augure pour les entrées d’IED sur le continent africain.
Apparition de zones régionales de développement
De façon générale, la progression de la demande et, par voie de conséquence, des prix des produits de base, dont l’Afrique est l’un des principaux producteurs, devrait soutenir les flux d’IED à destination du continent en 2019.
La même dynamique est observée dans les pays développés où les IED devraient repartir à la hausse lorsque les effets des réformes fiscales américaines se seront estompés.
Toutefois, la tendance à plus long terme révèle aussi que l’IED progresse moins rapidement que les modes de production internationale sans participation au capital, comme en témoignent les taux de croissance relatifs des redevances, des droits de licence et du commerce des services. « Les tensions géopolitiques et commerciales risquent de continuer de peser sur l’IED en 2019 et les années suivantes », a d’ailleurs tempéré M. Kituyi.
Par ailleurs, le rapport de la CNUCED note que la concurrence mondiale dans le domaine de l’investissement favorise la multiplication des zones économiques spéciales.
Plus de 1.000 zones ont été créées au cours des cinq dernières années et au moins 500 nouvelles zones devraient voir le jour dans les années qui viennent. « On observe de nombreux exemples de zones économiques spéciales qui ont joué un rôle clef en transformant l’économie, en promouvant l’équilibre en termes de participation des hommes et des femmes aux chaînes de valeur mondiales et en favorisant la modernisation de l’industrie », selon le Secrétaire général de la CNUCED.
C’est le cas des zones régionales de développement et des zones transfrontalières couvrant deux ou trois pays. Des entités qui deviennent également une caractéristique de la coopération économique régionale. Selon la CNUCED, la nouvelle zone transfrontalière appelée triangle SKBo, comprenant le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali, en est un exemple.
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