Le dimanche 29 mars dernier, les Maliens étaient appelés aux urnes pour choisir les 147 députés qui vont siéger à l’Assemblée nationale pour les cinq prochaines années. Ces législatives, intervenant dans un contexte marqué par la pandémie de coronavirus et l’insécurité dans certaines parties du pays, a confirmé la réputation de boudeurs d’urne des électeurs.
Selon les du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le taux de participation au 1er tour des élections législatives, tenues le 29 mars dernier, est de 35,73%. Auparavant, la Mission d’observation électorale de la Synergie avait annoncé que le taux national allait tourner des 30%. Ce taux, quoi qu’on puisse dire, n’en demeure pas moins faible. Les Maliens n’ont pas été au rendez-vous du 1er tour de ce rendez-vous électoral.
Cette faible mobilisation pour le vote n’est pas nouvelle, explique l’analyste politique Baba Dakono : « Nous sommes dans un pays où, traditionnellement, les gens votent peu. Si l’élection présidentielle en 2013 a eu une participation record, il faut rappeler que le taux de participation aux élections législatives a rarement dépassé les 38%. ».
« Les taux élevés sont ceux du Nord »
La fondation Friedrich-Ebert a publié, en 2011, une étude sur le taux de participation aux élections au Mali. Il en ressort que les Maliens, hormis les régions du Nord, ont toujours boudé les urnes. « Au cours de nos recherches, il est apparu que d’une élection à une autre, les taux de participation les plus élevés sont, effectivement, ceux du nord du pays comme on a pu le constater tout au long des résultats obtenus au cours des différentes élections », peut-on lire dans le rapport.
Pour l’analyste politique Mohamed Ag Assory, contributeur à Benbere, les gens votent plus au Nord parce que les bureaux de vote sont placés dans les villes et villages où sont concentrés la majorité des électeurs. Mais il n’y a pas que ça : « Les populations y ont un lien particulier avec les candidats, les connaissent, les côtoient tous les jours. Donc, les gens votent au Nord non pas pour l’amour d’une élection, mais pour le lien de parenté avec le candidat. Ce qui n’est pas forcément le cas dans les grandes villes, notamment à Bamako »
Ces faibles taux de participation depuis 1992 pourraient poser le problème de la légitimité des institutions et des acteurs ainsi élus. Le referendum constitutionnel de 1992 n’avait enregistré que 40% de taux de participation. L’étude de la fondation Friedrich-Ebert explique les raisons de ces faibles taux de participation par le manque de confiance des citoyens au processus électoral, l’analphabétisme et le mode de scrutin.
Renverser la tendance
À Bamako, ordinairement, les gens votent peu. De plus, il ne faut pas perdre de vue la crise sanitaire qui a fait irruption à travers la pandémie de coronavirus. Les messages appelant au boycott du scrutin, ces dernières semaines, ont eu plus d’impact à Bamako où le taux de pénétration d’Internet est plus important, selon l’analyse Baba Dakono, qu’à l’intérieur du pays. À cela, Mohamed Ag Assory ajoute que le débat politique est plus vivant dans les grandes villes où la population se sent trahie par les élites politiques, qui ne leur inspirent plus confiance. Aussi, les alliances des partis politiques pour ces législatives ont été très mal vécues par certains citoyens, bien qu’elles ne soient pas interdites par la loi électorale.
Les élections, un pilier fondamental pour la démocratie et qui mobilisent des milliards de francs CFA, doivent normalement mobiliser les citoyens. Une élection permet au citoyen de sanctionner ou renouveler un élu. Pour rehausser le taux de participation aux élections, déjà il faut entamer des réformes qui vont redonner confiance au processus électoral.
Il faut parvenir à faire comprendre au citoyen, par des actes concrets, que sa voix compte. Et pour impliquer davantage les acteurs politiques, il serait bien de fixer un seuil de participation pour la validation d’un scrutin au moins pour les élections de proximités (législatives, communales…). Selon la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour cette élection des députés, 7 663 464 électeurs étaient convoqués. Mais rares sont ceux qui ont répondu à l’appel. Si nous tenons à notre modèle de démocratie, nous devons travailler à reverser cette tendance.