« J’ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ». Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : « Embrassez-moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai ». « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».
Et venant je me dirais à moi-même : « Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse… »
Si ces vers de Césaire que je fais miens ne suffisent à comprendre le martyre que souffre les populations du Centre du pays, il est temps que nous ôtions nos chemises et nos chaussures pour crier devant le tribunal de l’histoire. Nous ne pouvons pas attendre la destinée de Chaka Zulu, trahi par les siens qui eut le temps de dire avant son dernier souffle « Il est trop tard, lhomme Blanc est en marche ».
S’il est admis qu’on ne peut être trahi que par le sien, il faut absolument couper le rameau malade de l’arbre social pour que nous puissions respirer. Pour que nous puissions écouter le chant du coq. Pour que nous puissions observer les pas rythmés des femmes sur le chemin du puits. Pour que nous puissions sentir la senteur « goyavée » de la terre après une bonne pluie.
Pendant plus de 4 ans, ceux-là mêmes qui devraient servir de piliers aux cases et aux hameaux ont trahi la cause. Ils n’ont pas su chasser les mouches qui se posaient impunément sur les vaches dont les queues avaient été coupées. Ils n’ont pas su raser la tête crasseuse de ces orphelins sans espoir. La guerre au centre est un abandon. Elle est loin une absence de solution. La clé de la mallette magique d’où doivent sortir la paix et le vivre-ensemble a tout simplement été confiée au voleur.
Maliens, ressaisissons-nous ; soyons les vrais architectes de notre destinée et renonçons au rêve chimérique dun tiers qui viendrait se mouiller à notre place. A condition que nous acceptions de sous-louer notre sécurité et notre défense à autrui en pleine possession de toutes nos facultés. Quelle tristesse ! Pire que le spectacle du feu consumant le Garbal de Faladié.
Drissa Kanambaye
Université catholique de Louvain (Belgique)
Source : Le Focus