Encore un couac, un de plus, dans la mise en place des autorités intérimaires dans la partie Nord de notre pays, dont le début avait pourtant suscité soulagement et espoir, dans la cité rebelle de Kidal, le 28 février dernier ainsi qu’à Gao et à Ménaka le surlendemain. Prévue pour hier lundi, l’installation d’autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudénit a été reportée sine die pour des raisons de sécurité. Du coup, le vol au départ de Bamako des représentants de la communauté internationale a donc été annulé à la dernière minute.
Après la grogne et l’occupation du Conseil régional par des hommes armés à Gao en guise de protestation contre la mise en place des autorités intérimaires, c’est désormais Tombouctou qui fait face à ses rebelles contre le conseil régional. Dans la ville Sainte, rapporte-t-on, des hommes lourdement armés du CJA contrôlent les cheick points pour exprimer leur désaccord pour la mise en place des autorités intérimaires.
Si la situation à Gao a été débloquée in extremis grâce à la diplomatie et à l’influence du Grand imam de la ville, Alpha Oumar Almahadi, qui a réussi à arracher un compromis avec les contestataires afin que les autorités intérimaires soient installées, le 2 mars dernier, dans la cité des 333 Saints, les choses semblent plus compliquées, tant les positions étaient, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, tranchées entre les forces du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA) et les membres de la société civile tombouctienne d’une part, et les signataires de l’accord d’Alger d’autre part. Une situation délétère qui a fini par exploser hier matin avec des tirs de sommations alors que les menaces du colonel Abass, qui dirige les troupes du CJA à Tombouctou se faisaient plus insistantes.
Par conséquent : l’installation d’autorités intérimaires à Tombouctou (Boubacar Ould Hamadi), et Taoudénit (Hamoudi Sidi Ahmed Aggada), dans le nord du Mali, fixée hier lundi après plusieurs reports, a de nouveau été renvoyée sine die en raison de cette montée adrénaline à Tombouctou, a affirmé à un fonctionnaire de la région.
Selon le récit de Hamata Ag Elmedhy, porte-parole du CJA : « Ce matin il y a eu des tirs quand les combattants du CJA ont appris que la délégation a l’intention de décoller de Bamako pour Tombouctou. Ils ont tiré pour avertir que, si la délégation décolle, ils vont eux aussi occuper comme prévu tous les bâtiments administratifs et tous les lieux symboliques de l’administration à Tombouctou.
Une déclaration qui corrobore la menace et la mise en garde du colonel Abass tenues plus haut.
Aucun blessé n’avait été signalé, a déclaré Hamata Ag Elmedhy qui ajoute que des négociations devraient être engagées courant la journée pour trouver un certain compromis à la situation.
« On a appelé nos gens pour leur dire de se calmer. Ils sont calmes. Ils sont dans leur position, rien de grave ne se passe en ville. Il y a quand même une volonté de négociation qui a été émise du côté gouvernemental. Et nous sommes là-dessus. Je pense que ça va être entamé dans la journée. Nous, ce qu’on comptait faire, on la déjà fait savoir à tout le monde, à qui veut l’entendre. Nous sommes dans notre ville, rien ne va se faire chez nous sans nous. Si quelqu’un persiste à le faire, nous jouerons de tous les moyens pour l’en empêcher. C’est ça notre position ».
Selon Sidi Brahim Ould Sidaty, membre de la CMA, des solutions seront vite trouvées à ce problème grâce aux négociations. Pour lui, il est important de continuer avec le processus, pour ne pas remettre en cause tout ce qui a été fait.
En tout cas, cette réaction très martiale du chef d’état-major du CJA, le lieutenant-colonel Abass Ag Mohamed Ahmed, selon laquelle ses troupes vont fondre sur Tombouctou si les populations locales ne sont pas impliquées dans la gestion du Conseil régional, est, plus qu’un coup de semonce. Il est un véritable coup de canon porté au processus de paix au dans notre pays. Car si le blocage persiste ou si des affrontements éclatent pour le contrôle de la ville, on risque d’assister à des situations similaires dans les autres régions où le consensus ne tient qu’à un fil.
À Tombouctou, la levée de boucliers s’explique par l’instinct alimentaire des contestataires qui réclament ni plus ni moins que le même accord obtenu par leurs devanciers de Gao.
Mais le hic, c’est qu’au moment où des islamistes qui ont évité la guerre des ego pour faire cause commune et ont placé leurs mouvements unifiés sous le commandement de l’ennemi juré de la République, Iyad Ag Ghali, les Maliens, sans distinction, devraient faire autant afin de se dresser ensemble et efficacement contre le péril djihadiste.
Malheureusement, ce qu’il nous a été donné de voir à Tombouctou et à Gao est loin d’être rassurant, car la colère manifestée par les uns et les autres semble davantage guidée par le ventre et les intérêts personnels que par la volonté de se battre pour le bien-être des populations au nom desquelles ils parlent.
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: info-matin