En combattant avec leurs alliés la myriade de groupes jihadistes sévissant au Sahel, les cinq pays africains mobilisés luttent “pour le monde entier”, soutient le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui réclame un financement pérenne et une plus grande implication de l’ONU.
“La menace terroriste est une menace internationale, le combat que nous faisons dans le Sahel, nous le faisons aussi pour l’Europe, pour le monde entier”, souligne le président Mahamadou Issoufou, dans un entretien accordé jeudi soir à l’AFP.
Réunis mercredi à Paris, les cinq pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie) ont reçu de nouveaux soutiens de leurs partenaires internationaux, notamment une aide financière de 130 millions d’euros de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Avec les sommes déjà annoncées par l’Union européenne, la France et les Etats-Unis, leur force armée de 5.000 hommes se voit dotée de 250 millions d’euros. De quoi consolider le démarrage encore balbutiant des opérations, mais pas assez pour boucler un budget estimé à 450 millions d’euros.
“J’espère qu’au fur et à mesure qu’on va avancer, d’autres pays vont se manifester afin de couvrir la totalité de la force au plan financier comme au plan des équipements”, observe le président du Niger. Une réunion des bailleurs est prévue en début d’année à Bruxelles.
M. Issoufou a parallèlement regretté la faible portée de la résolution adoptée vendredi dernier par l’ONU, qui autorise sa mission au Mali (Minusma) à apporter – sans coût pour elle – un soutien logistique et opérationnel à la force du G5 Sahel.
“C’est vraiment le service minimum”, estime le président nigérien, à propos de ce texte négocié pied à pied avec les Etats-Unis, soucieux de réduire le coût des opérations de paix. “Nous aurions voulu une relation beaucoup plus étroite entre la force conjointe et la Minusma”, poursuit M. Issoufou qui “ne désespère pas de faire évoluer les esprits”.
– Lien entre climat et terrorisme –
S’ils peuvent compter sur l’appui de la force française Barkhane (4.000 hommes) et des quelque 800 militaires américains cantonnés sur une base à Agadez, au Niger, les pays du G5, parmi les plus pauvres au monde, se voient confrontés à de multiples défis.
Dans cette région semi-désertique vaste comme l’Europe, des dizaines de groupes jihadistes aux alliances mouvantes, financés par des trafics de toutes sortes, occupent les espaces laissés vacants par les Etats et multiplient les attaques.
Et l’éventualité d’un repli dans cette zone de certains combattants du groupe Etat islamique (EI), défaits en Irak et en Syrie, constitue une source de préoccupation”, concède M. Issoufou. “Il y a une forte crainte qu’il y ait un système de vases communicants du Moyen-Orient, vers d’autres régions notamment le Sahel”.
Terrorisme, pauvreté et migrations sont aussi alimentés par l’impact du réchauffement climatique. “Cela renforce la pauvreté et pousse des gens dans les bras du terrorisme”, dit-il en citant l’exemple du lac Tchad, aux confins du Niger, du Tchad, du Cameroun et du Nigeria.
“Le lac Tchad a perdu 90% de sa superficie depuis les années 60”, passant de 25.000 km2 à 2.500 km2, et cela “a renforcé la paupérisation de toutes les populations qui vivent dans son bassin”, rappelle-t-il.
Et de lancer un appel appuyé aux premiers responsables de ces dérèglements.
“Les pays développés ont pollué la planète pour leur développement, nous en sommes victimes (en Afrique) aujourd’hui. C’est pour ça que nous voulons que les dommages et pertes que nous subissons puissent être compensés”, plaide le président nigérien.
A cet égard, le sommet sur le climat organisé en début de semaine à Paris n’a pas tenu toutes ses promesses, regrette-t-il. Les pays du Sud attendent toujours de voir réunis les 100 milliards annuels promis d’ici 2020 par les pays développés pour les aider à s’adapter aux impacts des dérèglements climatiques.
Le résultat de la conférence n’a pas été “à la hauteur de l’espoir des pays comme le Niger”.
Source: AFP