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Au Maroc, les start-up dessinent la ville de demain

En prévision du sommet Afrique-France de juin 2020, une quarantaine de jeunes pousses africaines se sont regroupées à Casablanca le 29 octobre lors du forum Futur.e.s in Africa.

Imaginez une ville de plus de 5 millions d’habitants comme Casablanca où les voitures particulières sont partagées, les déchets organiques recyclés et la consommation d’énergie maîtrisée… Ce qui paraît inimaginable dans cette capitale économique en pleine expansion, souvent anarchique, est en train d’être dessiné par les start-up marocaines réunies à Casablanca le 29 octobre à l’occasion du forum Futur.e.s in Africa.

Pour construire la ville de demain, il faut commencer par avoir l’œil sur sa consommation. Souvent, une fuite d’eau ou d’électricité n’est suspectée qu’une fois la facture dans la boîte aux lettres. C’est fini avec la jeune start-up MSI Consulting. Mustapha Saoud, son fondateur, propose une application qui lance l’alerte en cas d’augmentation inhabituelle et localise les fuites. « Notre prototype est en phase de test, nous cherchons maintenant à le commercialiser, explique le fondateur. Nous ciblons les entreprises, les usines, les hôtels ou les établissements pour personnes âgées, car les capteurs mesurent aussi la température et l’humidité d’une pièce. »

Pour être définitivement écolo et bien campé dans l’économie circulaire, rien de tel que la construction à partir de déchets. C’est ce que proposent Houda Mirouche et Saif Eddine Laalej avec Zelig Invent, qui produit des matériaux de construction, comme des pavés, à partir de déchets plastiques. Recycler est en effet l’un des gros enjeux des villes africaines qui vont accueillir 900 millions d’urbains de plus d’ici à 2050, compte tenu de l’évolution démographique et de l’exode rural.

D’ailleurs, Barhoum Kharbouch a aussi misé sur le recyclage. Mais, lui, ce sont les déchets organiques qui l’intéressent. Avec sa start-up Lombrisol, il récupère les poubelles des hôtels et des restaurants, les eaux usées des particuliers, les bois de taille et le gazon coupé pour les transformer en « vermicompost ». « Des vers de terre assurent la conversion des déchets organiques en biofertilisants, utilisé par les agriculteurs biologiques », explique le docteur en sciences. « Le potentiel du marché est grand au Maroc, mais il faut sensibiliser les hôteliers, restaurateurs et municipalités », avertit le jeune homme à la recherche de fonds pour passer de son prototype de bioréacteur à la production de vermicompost à « grande échelle ».

Dépasser l’expérience locale

Dans cette ville de demain aux infrastructures propres et aux déchets triés, Jaafar Benabbou, fondateur de Solar E-Cycles, se verrait bien à bord d’un quadricycle solaire. Son projet pilote dans les banlieues de New Delhi en Inde a montré que « ces véhicules sortent les populations précaires enclavées loin des centres urbains de la précarité. En plus d’améliorer leur mobilité, ils peuvent vendre des légumes ou transporter des touristes », explique l’entrepreneur qui a besoin de 20 millions de dollars (18 millions d’euros) pour lancer son usine au Maroc.

« Le véhicule permet de produire de l’électricité, stockée et réutilisable, dans une maison ou une école. Sur un parking, une vingtaine de véhicules peuvent créer une véritable station solaire ! », s’enthousiasme l’universitaire qui travaille sur ce projet développé avec l’université Hassan-Ier de Settat et la contribution de Hamid El Omari. Aujourd’hui, la moitié de la population africaine vit sans électricité, qui coûte trois fois plus chère qu’en Europe.

Cette mobilité, clé du développement, Kaoutar Doukar la pense aussi entre les villes. Elle a cofondé une start-up de covoiturage, Pip Pip Yalah. Ce qui à l’origine n’était qu’un groupe Facebook compte aujourd’hui plus de 308 000 membres. « Nos utilisateurs ont entre 20 et 35 ans. La nouvelle génération veut plus de commodité », explique Kaoutar Doukar. « L’application est sécurisée, elle permet de voyager de façon conviviale et flexible, mais aussi de diminuer les embouteillages, les émissions de CO2 et à un prix intéressant », liste la jeune femme. L’application calcule le plafond du tarif proposé par le conducteur, afin qu’il ne fasse pas de gains. Tout comme ses collèges entrepreneurs, Kaoutar Doukar concède : « Nous cherchons des fonds pour changer d’échelle. »

Aujourd’hui, les idées sont là, la ville du futur aussi. A condition de dépasser l’étape du prototype ou de l’expérience locale.

Théa Ollivier (Casablanca, correspondance)

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