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Au Mali de la junte et de Wagner, le nombre de morts parmi les civils a triplé

Depuis janvier, les témoignages des victimes d’exactions de l’armée malienne et de ses supplétifs russes s’entassaient sur les bureaux des journalistes, des défenseurs des droits humains et des activistes, sans que l’ampleur du désastre ne soit quantifiable. Désormais, les chiffres de la Minusma donnent une idée plus précise de l’explosion de violence que subit le Mali depuis le début de l’année.

Entre le 1er janvier et le 31 mars 2022, le nombre de personnes tuées au Mali a bondi de 324 %. Les violations et atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire ont augmenté de 151 %, analyse la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) dans sa note trimestrielle. Rendu public lundi 30 mai, ce rapport de quinze pages détaille les événements sécuritaires et leurs responsables.

Si la moitié des exactions est commise par les groupes jihadistes, les forces armées maliennes (Fama) tiennent un rôle prépondérant dans la hausse exponentielle des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des cas de tortures et des arrestations arbitraires. Selon les enquêteurs de l’ONU, les Fama sont à l’origine de 320 violations des droits humains, soit une augmentation de 932 % par rapport au trimestre précédent, quand les mercenaires russes n’accompagnaient pas encore les soldats maliens.

«Exécutions sommaires»

Au total, ce sont 812 civils (543 tués, 107 enlevés ou disparus, 107 blessés et 55 illégalement détenus) qui ont été visés par les actes de violence au cours des trois premiers mois de l’année. Les Forces de sécurité et de défense maliennes ont tué 248 civils, parmi lesquels 18 femmes et 6 enfants. «La majorité des victimes de ces violations étaient membres de la communauté peule», précise la note.

S’appuyant sur la méthodologie du Haut-commissariat aux droits de l’homme en matière «de collecte des preuves et des informations» ainsi que sur de nombreux témoignages, la Minusma a relevé plus d’une dizaine d’incidents impliquant l’armée malienne. Ceux-ci ont eu lieu en grande partie dans le centre du pays, lors de la vaste opération Kélétigui, visant les groupes jihadistes.

Témoignage

Une opération qui s’est déjà fait connaître du public lors de l’attaque du village de Moura. Selon la Minusma, cette mission, qui a causé la mort de 200 à 500 personnes, est entachée de multiples «informations et allégations» visant les forces de sécurité maliennes qui, «accompagnées de personnels militaires étrangers, auraient procédé à des exécutions sommaires et à de multiples autres violations des droits de l’homme».

Partenariat russo-malien

Ces événements font aujourd’hui l’objet d’une enquête de l’ONU. Mais la note précise que malgré une demande d’accès au village, formulée le 1er avril, les autorités maliennes n’ont pour l’heure toujours pas autorisé la Minusma à se rendre sur place.

Cette note vient aussi contredire le discours officiel de Bamako qui, depuis le début de l’année, ne cesse de marteler la «montée en puissance» de l’armée malienne. Malgré l’intensification des opérations militaires, la situation sécuritaire s’est détériorée sur l’ensemble du territoire. Dans l’Est, les combats entre les groupes signataires et les jihadistes de l’EI ont provoqué des centaines de morts et des milliers de déplacés. Le centre du Mali continue de «faire face à une crise multidimensionnelle».

Dans le nord, à Tombouctou, il y a un «renforcement de la présence du Jnim», groupe lié à Al-Qaeda. Les cas d’enlèvements augmentent dans la région de Ménaka et 52 civils mauritaniens ont été assassinés dans la zone frontalière, déclenchant l’ire de Nouakchott. Dans le centre, de nombreux incidents portent la marque de ce nouveau partenariat russo-malien.

« Fourniture de services de sécurité»

Si le rapport ne nomme jamais la société paramilitaire russe Wagner – les rédacteurs préférant parler de «personnel militaire étranger» – Guillaume Ngefa, le directeur de la division des droits de l’homme et de la protection à la Minusma, précise qu’il s’agit «des forces partenaires actuelles de l’armée malienne». Or, depuis le début de l’année, suite à l’annonce du retrait français et la suspension des missions européennes de formation, les Russes sont les seuls partenaires militaires des Maliens.

Selon les autorités de transition, à la tête du pays depuis le coup d’Etat d’août 2020, il s’agirait seulement d’«instructeurs», fournis dans le cadre d’un accord de défense avec Moscou. Une version contestée même par le pouvoir russe. Le 1er mai, Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, affirmait dans une interview à la télévision italienne que «Wagner est en contrat avec le gouvernement malien pour la fourniture de services de sécurité». Ces mercenaires seraient aujourd’hui un millier dans le pays.

Si les autorités maliennes ont assuré avoir «ouvert plusieurs enquêtes sur des violations graves du droit international et des droits de l’homme», la Minusma indique qu’à la date de publication de cette note, elle n’a reçu «aucune information sur les progrès réalisés dans ces enquêtes susmentionnées».

 

Source: liberation

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