Le collectif des élus résidants du cercle de Goundam a dépêché une délégation à Bamako pour attirer l’attention des ressortissants du cercle et des autorités nationales sur les crimes qui sont entrain d’être commis par les bandits armés connus pour être des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla). Assassinats, agressions et vols sont devenus le quotidien des populations du cercle de Goundam.
Aboubacrine Amirou Traoré
Depuis que l’armée malienne et les forces françaises ont libéré la région de Tombouctou, le 27 janvier dernier, des bandits appartenant au Mnla ont trouvé un nouveau sanctuaire : le cercle de Goundam. Les populations de Goundam et particulièrement des communes d’Issabéry, Bintagoungou, M’Bouna, Essakane, Adarmalane, Tin Aïcha, Télé et Tonka souffrent aujourd’hui des exactions de tous genres (assassinats, enlèvements, pillages, vols, etc.) de la part des bandits armés du Mnla. Il ne se passe plus un jour sans que les bandits de ce mouvement agressent les voyageurs sur les axes routiers qui mènent de Goundam ou Tonka vers les communes du Lac Faguibine. Les bandits ont changé de mode opératoire. Les chameaux et les motos, extorqués aux populations locales, ont remplacé les véhicules 4×4. Autres précisions : Ces bandits sont des ressortissants touaregs du cercle. Ils sont connus et vivent dans d’autres communes sur le long du Lac Faguibine. Ils opèrent au vu et au su d’autres Touaregs qui seraient prêts à les dénoncer si leur sécurité est garantie. Mieux, même les populations sédentaires les connaissent, mais ne peuvent rien face à des gens armés.
Témoignage d’une victime
Le maire de la commune rurale de M’Bouna, Aboubacrine Amirou Traoré, ayant été personnellement victime d’agressions de ces bandits, raconte : « Le jeudi, 7 mars 2013, six Touaregs sont rentrés dans la foire de Bintagoungou, laissant leur véhicule derrière le village. Ils sont allés voir le transporteur Hamadoun Abocar pour lui demander des chambres à air d’automobile. Après, ils ont quitté la foire pour se positionner à quelques kilomètres du village. Ils avaient visiblement l’intention de braquer les forains.
Sur la route menant de Bintagoungou vers Goundam (sur les hauteurs d’Alphahou, un village de la commune de Bintagoungou), ils arrêtèrent un premier véhicule pour se renseigner sur le transporteur de Tonka. C’est aux environs de 16h30 qu’ils aperçoivent la poussière que dégage le véhicule du transporteur. Quand celui-ci les a vus, il tenta de rebrousser chemin. Une course poursuite s’engagea. Le véhicule avait à son bord 9 passagers dont 2 femmes et un enfant. Dans la fuite, les femmes, l’enfant et un jeune tombent du véhicule. Les bandits ont continué à poursuivre le transporteur. Et s’apercevant qu’ils ne peuvent pas le rattraper, ils tirent sur le pneu et le moteur du véhicule, qui s’immobilisa aussitôt. Hamadoun Abocar sort avec tout l’argent qu’il détenait pour le leur tendre. Mais pour toute réponse, un bandit lui tire dans le pied, puis dans la poitrine et dans le cou. Il tomba et l’argent s’éparpille. Pendant que certains ramassent les sous, les autres tirent successivement à bout portant sur trois autres passagers. Mais le quatrième les supplia de lui laisser la vie sauve en promettant de les suivre partout où ils veulent. Les bandits le ligotent et le jettent dans leur véhicule. Ils quittent les lieux, laissant derrière eux quatre corps sans vie.
Les six hommes prennent tout l’argent du transporteur et prennent la direction de M’Bouna, où ils voulurent tenter une attaque, mais se rétractent et poursuivent leur route. A quelques kilomètres de ce village, dans les environs de Tin Aïcha, les bandits libèrent leur otage. C’est ce dernier qui est venu me trouver à M’Bouna pour me relater les faits. J’ai tenté d’informer les autorités, mais faute de réseau téléphonique dans la zone, nous n’avons pas pu donner l’alerte le même jour…Ensuite, trois jours après, soit le dimanche, 10 mars, j’étais dans un véhicule qui a quitté Tonka pour M’Bouna. Nous sommes stoppés par six autres bandits qui étaient à dos de chameaux. Ils nous ont demandé de descendre. Ce que nous avons fait. Après, ils ont exigé à ce que nous nous couchions à terre. Ils ont procédé à une fouille corporelle. Chaque passager a été dépouillé. Ils ont trouvé sur un jeune, qui venait de Bamako, 300 000 FCFA ; 175 000 FCFA sur le convoyeur ; 40 000 FCFA dans le sac d’une dame…
Parmi eux, il y en a un qui disait que je suis un gendarme. Je lui ai répondu qu’il n’y a pas de gendarme dans cette zone. Il me fouilla, après qu’un autre bandit l’ait déjà fait. Quand il ne trouva rien, il me dit : « Monsieur le Maire, je ne comprends pas que tu ais quitté Bamako sans argent ». Je l’ai répondu que je ne viens pas de Bamako et que son compagnon a déjà pris ce que j’avais. Après, il me dit dans ce cas, comme tu n’as pas d’argent, on va t’emmener comme otage. Je l’ai dit que je suis prêt, mais ils doivent libérer les autres. Mais qu’ils sachent, qu’ils emmènent un malade avec eux. Après réflexion, ils abandonnèrent leur projet de m’amener. A vrai dire, leur voix me disait quelque chose. J’ai eu l’impression de les connaître, mais ils étaient tous enturbannés. Je n’en ai pas eu la certitude.
Entre-temps, les bandits ont pris tout ce dont ils ont besoin dans le véhicule, notamment les pains, la viande, le lait et le sucre appartenant aux passagers. Enfin, ils vidèrent notre véhicule de son carburant et prirent le carburant en réserve. Nous restâmes en brousse sans eau et sans carburant. Des jeunes sont partis à pied à M’Bouna, à quelques 10 Km du lieu du braquage, pour trouver du secours vers 01h 00 du matin.
Quelques heures auparavant, les mêmes bandits avaient attaqué un jeune de M’Bouna. Cet adolescent du nom de El Hadj Garba est venu de Bamako et a pris la route de M’Bouna avant nous. Il détenait beaucoup d’argent. Parce qu’il partait coïncider avec le mariage de son cousin. Il avait aussi de l’argent appartenant à d’autres familles. Les bandits ont pris la moto et le dépouillèrent. Mais malheureusement, El Hadj est toujours porté disparu. Nous n’avons à ce jour ni vu son corps, ni reçu de ses nouvelles. Aujourd’hui, on est désemparé. On ne sait plus que faire. Nos populations sont harcelées et presque coupées du reste du pays. Aucun véhicule de transport n’accepte de s’aventurer vers les communes du Faguibine de peur de rencontrer les bandits du Mnla. Même les Ong locales et internationales n’osent plus franchir les limites du chef-lieu de cercle.
Pour exprimer notre ras-le-bol, nous, maires des communes du cercle de Goundam, avons décidé d’interpeller les autorités civiles et militaires pour qu’elles prennent leur responsabilité avant que la situation ne dégénère. Car, nous estimons que, trop c’est trop, et qu’il est temps que cela cesse…».
Course à l’enrichissement…
Depuis ces évènements, les attaques et les pillages ne font que se multiplier sur l’ensemble du territoire du cercle de Goundam. En plus de ces deux cas racontés par le maire de M’Bouna, il y a eu plus d’une vingtaine de braquages et d’agressions dont ceux du marché de Zuera (Essakane), le 29 janvier 2013 ; de Tin Aïcha, le 17 mars ; d’Alzounoub, le 19 mars ; d’Alphahou (Bintagoungou), le 23 mars ; de Hangabéra (Télé), le 25 mars…, pour ne citer que ceux-ci. Des pillages tous azimuts qui sont accompagnés de violence, de harcèlement, d’humiliation et d’assassinats.
Une source rapporte également que les Arabes et les Touaregs qui n’ont pas quitté la zone pour les camps de réfugiés sont aussi victimes des attaques du Mnla. Ce mouvement est en train de saboter toutes les initiatives pouvant contribuer à la stabilité des régions du nord. Un chef de fraction arabe, à en croire notre source, a été assassiné, la semaine dernière, chez lui dans la commune d’Essakane par les bandits. Tous les actes posés par ce groupe de bandits concourent à créer la panique au sein de la population blanche comme noire afin d’annihiler les efforts de sécurisation en cours.
D’autres sources indiquent que les bandits du Mnla ont tout simplement entrepris de s’enrichir à tout point de vue avant d’éventuelles négociations. Ces bandits, qui avaient fait allégeance à Ançardine après la disgrâce du Mnla, ont revêtu leur manteau depuis la libération de la région de Tombouctou. Ils se sont engagés dans une folie meurtrière et une course à l’enrichissement par des braquages et autres actes de banditisme. Partout où ils passent, c’est l’amertume et la désolation. Les populations sont violentées et dépouillées de leurs maigres ressources (argent, produits de première nécessité, motos, chameaux…).
L’Association pour le développement du cercle de Goundam (Adcg) condamne ces agressions et ces assassinats. Elle demande au gouvernement de prendre les mesures idoines pour débarrasser la zone, et tout le nord, de ces bandits.
Idrissa Maïga