L’attaque perpétrée vendredi dernier contre la caserne de Kati par des hommes armés clairement identifiés comme ceux de la Katiba Macina, continue de défrayer la chronique. Non pas parce qu’elle a engendré des dégâts importants ou fait de nombreuses victimes, mais plutôt en raison du symbolisme de la cible, puisqu’elle a visé l’artère aorte du régime de la transition en s’en prenant à l’emprise militaire dans laquelle résident le président Assimi Goïta et son puissant ministre de la Défense, Sadio Camara. Cette attaque, pour le moins audacieuse et qui tranche avec les actes de banditisme rural auxquels se livrent de prétendus djihadistes dans d’autres localités du Mali, a finalement été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui affirme avoir opéré avec deux kamikazes dont un Burkinabè, et des « combattants commandos ».
Le communiqué du GSIM publié le dimanche corrobore la version donnée par les autorités maliennes et les témoins oculaires le jour même de l’attentat, qui faisaient déjà mention de l’utilisation d’un véhicule-bélier contre la Direction du matériel, des hydrocarbures et des transports des armées pour en faire sauter la porte d’entrée, avant qu’un deuxième pick-up bourré d’explosifs et de bâtons de dynamites, ne tente de pulvériser tout le périmètre et ses occupants avec. Pendant cette interminable aube d’angoisses et de frissons du 22 juillet 2022, les populations de Kati ont cru à l’anéantissement du Mali et au chaos final, notamment tous ces lève-tôt qui, par instinct de survie, ont affolé le chronomètre en fuyant le danger dans tous les sens dès les premières déflagrations. Fort heureusement, il y a eu, pour ainsi dire, plus de peur que de mal, d’autant que le bilan officiel et provisoire fait état d’un soldat tué et de seulement six blessés dont un civil, de sept terroristes neutralisés et de huit suspects interpellés.
Ce message sanglant doit être compris comme le signe de l’extrême volatilité de la situation sécuritaire du Mali
S’il y a eu moins de victimes et de dégâts matériels, c’est sans doute à cause de la spontanéité de la réaction des forces armées maliennes qui ont rapidement mis fin aux desseins sordides des assaillants, en bouclant promptement la ville et en procédant à des arrestations de suspects dont certains seraient des membres survivants du commando. Toutefois, il n’y a pas de quoi pavoiser outre mesure du côté des FAMa et des autorités de la Transition, puisque les terroristes ont prouvé, à travers ce pied de nez, aux sécurocrates de la République, qu’ils peuvent se projeter loin de leurs théâtres d’opérations habituels, et se rapprocher dangereusement du centre névralgique du pouvoir avec une déconcertante facilité. Les soutiens inconditionnels et autres trolls du régime qui passent le clair de leur temps à jacasser dans les médias et sur les réseaux sociaux, en célébrant des victoires de l’armée malienne plus fantasmées que réelles sur le terrain, devront donc se rendre à l’évidence. Les FAMa et leurs partenaires russes de Wagner sont encore loin d’avoir remporté la mise face à des djihadistes qui ont manifestement le courage de mourir parce qu’ils ont peur de vivre, qui mènent des attaques osées et concomitantes, tout en déplaçant petit à petit le centre de gravité de la crise sécuritaire du Nord et du Centre vers les zones plus boisées du Sud propices à la dissimulation. Rappelons qu’avant d’infliger cette avanie aux forces armées maliennes en accédant aussi facilement à la « zone verte » où leur chef suprême a élu domicile, les moudjahidines fidèles à Amadou Koufa et à Iyad Ag Ghali avaient lancé la veille, des assauts meurtriers presque simultanément contre le camp de la gendarmerie de Kolokani dans la région de Koulikoro, le poste militaire de Douentza non loin de Mopti et celui de Bapho dans la région de Ségou, avant de remettre le couvert hier matin en menant un raid contre la base militaire de Sévaré. Si l’on ajoute à ces attaques terroristes complexes, tous les massacres de civils qui se poursuivent à bas bruit dans les villes et villages de l’intérieur du fait de groupes armés d’inspiration islamiste, de milices communautaires ou de bandes criminelles, on peut légitimement se demander comment les fantassins du verbe haut cornaqués par les communicants de la junte, peuvent continuer à parler de « montée en puissance de l’armée malienne ». Mais comme toujours, les autorités de la Transition trouveront des dérivatifs pour calmer une opinion publique de moins en moins moutonne, en présentant la récurrence des actes répugnants de cruauté comme étant du terrorisme résiduel, ou la conséquence des accrocs diplomatiques avec la France et les pays de la sous-région qui cacheraient mal leurs intentions de faire rendre gorge à Assimi Goïta par tous les moyens, pour son impertinence et son patriotisme de mauvais alois. Certes, les relations équivoques de la France avec certains dirigeants du continent, font de l’Hexagone le suspect numéro un dans toutes les tentatives de déstabilisation du Mali, surtout depuis qu’il est dirigé par l’incontrôlable Assimi Goïta. Pour autant, ces actes de l’ancienne puissance colonisatrice ne doivent pas servir d’alibi au téméraire de Bamako pour justifier sa paranoïa et sa frilosité vis-à-vis de tous les partenaires de son pays, notamment des Nations unies qui sont en train de payer un lourd tribut pour sa stabilisation. On espère que le Secrétaire adjoint de l’ONU pour les opérations de la paix, Jean Pierre Lacroix, en visite depuis hier à Bamako, l’appellera à plus de lucidité, et essayera diplomatiquement de le persuader que le message sanglant à lui envoyé par les terroristes, le 22 juillet dernier, est suffisamment explicite, et doit être compris comme le signe de l’extrême volatilité de la situation sécuritaire du Mali.
Hamadou GADIAGA
Le Pays