Ancien secrétaire général de l’Association Elèves et Etudiants du Mali (AEEM), président du mouvement Cadre de Réflexion et d’Actions des Jeunes (CRAJ), Mahamane Mariko parle de l’AEEM non sans prendre des gants. Entretien.
Vous, en tant qu’ancien Secrétaire général du bureau de coordination de l’AEEM, quels commentaires vous inspire aujourd’hui ce mouvement ?
Je dois d’abord vous rappeler que l’AEEM est née dans un contexte sociopolitique très complexe en 1990. L’école était surtout malade des conditions précaires des enseignants, en plus des élèves et étudiants. On ne peut pas nier les connivences de certains premiers responsables de l’AEEM avec certains clandestins politiques. Ce qui a fait que le mouvement s’est retrouvé, à la chute du régime de GMT, membre à part entière de l’organe de la transition- ce qui a été vivement critiqué. Je crois que les acteurs de l’AEEM n’avaient pas tous la même vision, et cela est tout à fait normal; mais une bonne partie des dirigeants (AEEM) étaient déjà des relais d’états-majors politiques. Et du coup l’AEEM est devenue la chasse gardée des protagonistes politiques. Chacun sachant la capacité de mobilisation de ce mouvement le voulait sous sa coupe.Mais il y avait au moins un certain niveau chez les responsables qui leur permettait de tenir des débats entre eux et de défendre des préoccupations des élèves et étudiants devant qui de droit. Cependant beaucoup de trébuchements ont eu un effet négatif sur les générations futures.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que l’AEEM s’est égarée, dévoyée, et qu’elle s’est détournée de son combat ?
‘’Mais je pense que les responsables de l’AEEM, actuellement, ont remplacé le débat par des cris Zulu et des armes blanches et à feu’’
J’avoue très honnêtement qu’aujourd’hui il y a un grand problème de niveau. Sinon la manipulation et l’argent dans l’AEEM ne datent pas de maintenant. Mais je pense que les responsables de l’AEEM, actuellement, ont remplacé le débat par des cris Zulu et des armes blanches et à feu. Ils n’ont pas pas une grande emprise consciencieuse de leur environnement, qui est l’école. C’est vrai que nous n’allons pas les tenir pour seuls responsables de tout ce qui se passe dans l’espace scolaire et universitaire. L’AEEM aujourd’hui n’a pas besoin certes des sorties intempestives d’alors ; mais elle doit être une véritable force de propositions pour une meilleure sortie de crise, cela demande une vraie vision et une véritable prise de conscience.
L’AEEM est-elle donc devenue une arme de revendication qui s’est retournée contre ceux qui la portent, c’est-à-dire les élèves et étudiants ?
Pendant longtemps les bases ne se sont pas trop impliquées dans la conduite du mouvement qui agit en leurs noms. Si les élèves et étudiants pour qui le responsables agissent s’impliquent tout en contrôlant les actions de leur porte parole, beaucoup de choses peuvent véritablement changer et d’une façon positive.
Êtes-vous d’accord avec l’avis selon lequel l’AEEM a toujours été manipulée par les différents régimes, en défaveur des Elèves et Etudiants ?
L’argent, les manipulations, les faveurs (bourses d’études surtout) dans l’AEEM ne datent pas seulement d’aujourd’hui. Mais ceux qui ont agi ou qui agissent sous ces opiums se connaissent très bien. Tous n’avaient pas les mêmes implications et les mêmes motivations. Mais, bon !, ce mouvement a été trop convoité par les hommes politiques ; tous n’ont pas pu résister.
L’état actuel de l’AEEM ne pose t-il pas la question d’une absence de vision de ses leaders, et n’engage t-il pas la responsabilité des départements en charge de l’éducation ?
Je pense l’avoir suffisamment souligné précédemment.
Il y a véritablement un manque de vision et je t’avoue très honnêtement que le niveau est beaucoup à déplorer en comparaison des 10 premières années de l’AEEM.
L’AEEM, aujourd’hui, représente pour beaucoup d’étudiants la corruption, la violence, l’intolérance, le laisser-aller… Que faire pour la sauver de cette dégradation ?
En réalité les élèves et étudiants pour qui les responsables parlent n’ont pas d’intérêt pour le mouvement. Ils doivent réfléchir sur son autofinancement, les modes de désignations des responsables, la tenue des débats, une brève et une meilleure réorganisation pour une meilleure réorientation.
L’AEEM peut-elle disparaitre ?
Si elle ne fait pas mieux que par le passé elle signera elle-même sa propre mort. Dans le nouveau Mali les autorités ne vont pas admettre des armes à feu et des machettes, les cris Zoulou pour se faire la peau là où on doit venir se former pour l’avenir. Monsieur Mariko, merci !
Propos recueillis par Boubacar Sangaré
SOURCE: Le Pays