Il a chargé son meilleur ami de faire les démarches pour lui afin d’avoir en mariage une seconde épouse. Mais, il ne l’a pas pardonner l’échec de ce projet
Visiblement, les jurés sont décidés à faire payer les criminels des actes qu’ils posent en s’en prenant à la vie de leurs concitoyens. Dès le premier jour des travaux de la Cour d’assises, aux termes de la première audience, ils ont infligé la peine de mort à un certain SS. Ce jeune homme était accusé d’ « usurpation de fonction, association de malfaiteurs et vol qualifié ».
Après, c’était au tour d’un certain SH, communément appelé le « Cherif » de faire les frais de son arrogance vis-à-vis de la vie humaine. Ce muezzin et maître coranique a écopé de la prison à perpétuité, après que les jurés l’ont reconnu coupable d’avoir « sciemment » porté des coups mortels à H, un voisin du quartier. Ce drame a eu lieu à Yirimadio, un quartier populeux de la Commune VI du District de Bamako.
Les relations entre SS « Chérif » et H étaient plus que celles de simples voisins du quartier. Selon nos sources, fortuitement, les deux s’étaient rencontrés dans une des mosquées du secteur, où ils vivaient. L’un comme l’autre ratait difficilement les heures de prières. Avec le temps, les désormais coreligionnaires avaient noué une amitié au point qu’ils étaient devenus inséparables.
Selon un adage, après les histoires d’argent, celles de femme sont susceptibles de provoquer une séparation totale et définitive entre des meilleurs amis. Les faits suivants en sont une des preuves palpables.
Les rapports amicaux qui liaient « Chérif » à H ne faiblissaient jamais avec le temps. Les deux étaient devenus des confidents au point que le second a fait part au premier son désir de prendre X, une jeune fille du voisinage comme son épouse. Ainsi, H a chargé son ami et confident « Cherif » de mener les démarches nécessaires pour le mariage. Les actions ont évolué ainsi dans une relative satisfaction du futur mari qui rêvait déjà de voir la jeune fille sous son toit.
Malheureusement, ce que le « Chérif » ignorait, c’est le fait que son ami n’avait pas bonne presse auprès de sa future belle famille. Aucune de nos sources n’a pu expliquer les raisons réelles de cette situation. Mais, après plusieurs semaines de va-et-vient dans le but d’obtenir la main de X en mariage, il semble que les parents de celle-ci ont fait un faux bond.
Contre toute attente, ils ont catégoriquement rejeté la demande de mariage de leur fille. Conséquences : tous les efforts déployés par l’émissaire sont tombés à l’eau. Et c’était très probablement à cause de la mauvaise presse du futur mari. Après avoir constaté le refus catégorique de la belle famille de son ami H, le muezzin est retourné pour lui expliquer son cuisant échec dont ils venaient d’être victimes.
C’était suffisant pour que l’ami du religieux pique une vive colère.
Durant des semaines, voire des mois, il était comme tombé au fond du gouffre. Il n’a pas pu digérer le fait accompli. Il pouvait difficilement comprendre le refus des parents de X. Après une longue période de réflexion, l’homme n’a pu trouver la moindre solution pour résoudre le problème qui le rongeait sans cesse.
Bizarrement, au cours de sa réflexion, il n’a eu d’autres choix en tête, si ce n’est de culpabiliser son coreligionnaire comme étant le seul responsable de cette situation. Dès lors, il a nourri une haine féroce contre celui qu’il considérait désormais comme la source de tous ses maux. Du moins en ce qui concerne ce projet de mariage. Le courant ne passait plus entre eux et H était devenu foncièrement rancunier contre son inséparable ami et ancien émissaire chez ses futurs beaux parents.
Dans cette atmosphère délétère entre les désormais ex-amis, les voisins ont constaté un fait. Très régulièrement, des bisbilles, voire des échanges verbaux virulents éclataient entre eux. Le prétendant au mariage n’a pas pu digérer le fait que son émissaire soit à la base de l’échec du projet de mariage de celle qu’il voulait prendre comme seconde épouse. Durant un bon moment, le feu couvait sous la cendre entre les deux et H profitait toujours de la moindre occasion pour déverser tout ce qu’il a sur le cœur sur le maître coranique.
Les choses ont évolué ainsi jusqu’au mois de mai 2019, jour où le drame est survenu à la surprise générale. Pour qu’ils en arrivent là, le jour des faits, H voulait se rendre chez lui. Faute de mur mitoyen entre sa concession et celle du « Cherif », il s’est vu obligé de passer par la cour de celui-ci pour accéder à la sienne. Une fois encore, la dispute a éclaté entre eux en plein jour. Plus le temps passait, plus les deux belligérants s’échauffaient.
Les interventions des voisins n’y ont rien fait. Dans la cohue ambiante, le « Chérif » a fait irruption dans sa chambre pour en ressortir avec un couteau. Profitant d’un moment d’inattention de son adversaire, il lui a asséné plusieurs coups de couteau le blessant très grièvement à plusieurs parties de son corps. Le malheureux a rendu l’âme des suites de ses blessures.
Les gendarmes en seront informés. Ces derniers n’ont pas perdu de temps pour aller cueillir le muezzin chez lui pour le conduire dans leurs locaux. à la suite des enquêtes, « Chérif » a été déféré avant d’être inculpé pour les faits sus cités. Conséquences : le maître coranique s’est retrouvé devant les jurés de la Cour d’assises pour y être jugé conformément à la loi.
Vêtu d’un boubou blanc et un long chapelet pendant autour du cou, le muezzin s’est présenté face aux jurés à la barre. Lorsqu’il a pris la parole, c’était pour partiellement reconnaître les faits qu’il avait pourtant entièrement reconnu au cours de l’enquête préliminaire devant le magistrat instructeur.
Il a tenté de tromper la Cour sur le déroulé même des faits en se présentant comme si c’était lui qui a failli être la victime. D’où sa ferme volonté de mettre en avant la légitime défense pour justifier son acte. Ainsi, le dévot a détaillé qu’au cours de la fameuse dispute qui a tourné au drame, c’est son adversaire qui a été le premier à bondir sur lui puis l’agresser. Malheureusement, celui-ci s’est blessé avec l’arme blanche que le muezzin avait en main.
Les juges ont tout de suite rejeté cette version. Ils l’ont confronté aux PV de l’enquête préliminaire. PV dans le quel, l’accusé avait clairement reconnu qu’il avait frappé son adversaire avec le couteau qui était d’abord dans son fourreau. Ensuite, comme la tension ne baissait pas, il a été obligé de faire sortir l’arme. Il aurait ainsi porté à plusieurs reprises des coups de couteau sur son ex-ami.
À partir de cette version qu’il avait lui même confirmée à l’instruction de son dossier, le maître coranique n’avait plus d’issue. Ainsi, les jurés lui ont clairement notifié qu’il avait agi dans l’intention de donner volontairement la mort à son vis-à-vis. D’où le choix de l’arme utilisée pour ce faire.
« Sinon pourquoi tu n’as pas choisi une autre arme comme un fouet ou un bâton, à priori moins mortels » ? lui ont demandé les juges. Ces derniers ont enfoncé le clou à travers des détails qui ne pouvaient que charger l’accusé. Il s’agit des parties du corps de son adversaire qui ont été atteintes.
Il a choisi des parties du corps sur lesquelles il a porté les coups de couteau, notamment, en dessous du sein et sur le cou. La Cour a estimé que le choix de ces parties vitales prouve à suffisance que l’accusé avait la ferme intention de donner volontairement la mort à son adversaire.
Dès lors, la cause semblait être entendue pour le maître coranique. Sans vouloir s’attarder sur des détails du dossier, le ministère public a requis de le maintenir dans les liens de l’accusation.
L’avocat s’est contenté de mettre la légitime défense en avant dans l’espoir de sortir son client d’affaire.
Il a très vite compris que cette façon de faire avait peu de chance de prospérer face à des preuves irréfutables. C’est pourquoi, il a finalement plaidé des circonstances atténuantes et sollicité la clémence de la Cour au profit de son client. Malheureusement pour lui, celle-ci a plutôt suivi le parquet dans sa réquisition. Elle a condamné le muezzin à la réclusion à perpétuité.
Tamba CAMARA
Source : L’ESSOR