La deuxième prorogation du mandat des Députés de l’Assemblée Nationale du Mali continue d’être fortement contestée dans sa légitimité. Les protestataires s’organisent au fil des jours.
Le Conseil des ministres extraordinaire du vendredi 7 juin, a-t-il été bien inspiré d’avaliser pour une deuxième fois la prorogation de la législature qui avait nettement expiré le 31 décembre 2018 et qui avait bénéficié d’une rallonge de six mois? Grave question qui demeure au centre des discussions populaires plus de trois semaines après l’annonce de la décision. Les citoyens, dans leur grande majorité, ne sont pas d’accord que les actuels Parlementaires restent en place jusqu’au 2 mai 2020 ; car, argumente-t-on, une loi organique n’est pas une consultation électorale, encore que le Gouvernement, qui recherche l’apaisement pour l’organisation d’un dialogue politique national inclusif, n’a pas, en réalité, procédé à une concertation suffisamment bonne pour en arriver à sa décision.
Certes, il y a eu, à l’Assemblée Nationale, un vote sur la question qui n’a pas abouti à une belle unanimité. Ce qui signifie qu’une partie des Élus Représentants la nation ont marqué leur défiance quant à cette façon de contourner les élections, quoique prévaut toujours l’argument que «l’évaluation de la situation politique et sécuritaire du pays révèle la persistance des difficultés et contraintes qui ne permettent pas la tenue d’élections législatives régulières et transparentes». Ce seul argumentaire du Gouvernement ne devrait pas l’amener à la prise de lois organiques pour imposer un Parlement acquis majoritairement à sa cause. D’autres formules plus aptes à permettre tant bien que mal une Représentation nationale acceptable existaient. L’arsenal juridique et politique est loin d’avoir proposé toute sa panoplie. Que des Députés de l’opposition se soient abstenus de voter ou qu’ils aient voté contre, leurs expressions dénotent le refus de ce qui s’apparente bien à un hold-up de la volonté populaire. Le moindre glissement est que certains élus n’auraient pas vu renouveler leur mandat à la suite d’une consultation électorale transparente.
D’éminents juristes, connus pour la pertinence de leurs analyses, parmi lesquels un Avocat et ancien Ministre de la justice, ont pointé d’ailleurs l’imposture du Gouvernement et singulièrement celle du Chef de l’État, en dénonçant sans ménagement le mépris et l’outrage faits à la Constitution. Ce qui constitue un pas décisif vers le parjure. À leur suite, ce sont des jeunes et des pans entiers de la société civile ainsi que des organisations de la diaspora malienne qui sont en train de lever des boucliers. Il faut, donc, s’attendre à des développements inattendus, voire précipités.
Samba Djibo
Le Combat