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Assemblée nationale : Jeux et enjeux de la 6ème législature

Alea jacta est. Le renouvellement tant attendu de l’Assemblée nationale est désormais acté. La nouvelle législature devrait très bientôt remplacer la 5ème, six ans après. La nouvelle composition de l’Hémicycle, selon les résultats provisoires du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, ne présente pas de changements majeurs pour les forces politiques en présence. Mais d’autres aspects, liés, entre autres, à la cohabitation, au fonctionnement même de l’Assemblée nationale et à l’orientation des débats sur les réformes en attente au cours de cette 6ème législature suscitent des interrogations.

 

43 députés pour le RPM, 23 pour l’Adema, 19 pour l’URD, et 11 pour le MPM. Tel se présente le nouveau quatuor de tête à l’Hémicycle. Ensuite suivent l’Asma-CFP et l’ADP-Maliba, avec 8 députés chacun, la Codem avec 6 élus, et l’UDD, Yelema ainsi que le PRVM Fasoko, qui auront chacun 4 représentants dans la nouvelle Assemblée nationale. D’autres partis comme le Parena, Sadi, le PDES ou encore l’UM-RDA complètent le tableau.

Des résultats qui n’augurent pas de réels changements au sein du Parlement, selon plusieurs analystes politiques. « Le premier constat est que la majorité se maintient. On aurait pu croire que l’opposition, après tant de bruits et de gesticulations, allait tirer beaucoup plus d’avantages de ces législatives, mais elle n’a pas percé. L’URD a tenté de résister, mais il y a d’autres partis qui ont complètement disparu. Ce qui me fait penser que, jusqu’à preuve du contraire, l’Adema originelle tient toujours la dragée haute au plan politique national », relève Salia Samaké, analyste politique.

Pour le politologue Boubacar Bocoum, il aurait été souhaitable qu’il y ait une force qui s’oppose au régime et donne une certaine impulsion pour que les choses aillent dans un autre sens. « Malheureusement, dès lors que le RPM est finissant, les partis qui s’inscrivent dans la logique de l’accompagner sont également vers la sortie. Ils n’ont donc pas d’autres choix que d’accompagner le régime pour que le Président IBK finisse tranquillement son mandat. Dans la configuration globale de l’Assemblée, il n’y aura pas de changement majeur, parce qu’il n’y aura pas de force réelle qui puisse s’opposer à la majorité », déplore-t-il.

Le RPM recule

Le parti présidentiel caracole toujours en tête en termes de nombre de députés élus à l’Assemblée nationale. Mais, comparativement à 2013 où il avait été largement plébiscité dans les différentes circonscriptions et avait obtenu 66 sièges, le RPM est cette fois en net recul, surtout à Bamako. 1 seul siège arraché sur les 14 à pourvoir dans la capitale, contre 9 il y a un peu plus de 6 ans.

Une régression que l’analyste politique et chercheur au CRAPES Ballan Diakité met sur le compte de l’insatisfaction de la majorité du peuple malien vis-à-vis de la gouvernance actuelle, les élections législatives n’étant pas séparées de la gestion politique générale du pays. « Le recul du RPM durant ces législatives peut d’abord s’expliquer par la non satisfaction des citoyens de la gouvernance d’IBK. Dans un deuxième temps, cet échec relatif est aussi dû à l’incapacité du parti à remobiliser ces électeurs. Quand les électeurs ne sont pas mobilisés, il est difficile d’asseoir une victoire écrasante, même si on est le parti au pouvoir », analyse-t-il.

Selon lui, il faut aussi pointer le relâchement du Président de la République lui-même vis-à-vis de sa propre formation politique, dû notamment au fait que son pouvoir tend vers la sortie et  qu’il ne peut constitutionnellement pas briguer de 3ème mandat.

Nouveau rapport de forces?

Pour la formation de la nouvelle majorité à l’Hémicycle, le RPM pourra compter sur certains de ses alliés politiques, au premier rang desquels l’Adema et le MPM. Mais pour les autres partis actuellement membres de la convention de la majorité et signataires de l’Accord politique de gouvernance du 2 mai 2019, rien n’indique qu’ils vont continuer dans cette direction.

Pour les analystes, tout dépendra des capacités des partis ayant des représentants à l’Assemblée nationale à former des groupes parlementaires, mais surtout de leurs stratégies d’alliances ou de coalitions, en fonction d’intérêts politiques pour l’heure non encore définis.

« Pour le moment, tout cela n’est pas encore dévoilé. Mais on sait que dans notre système politique l’Exécutif a toujours une certaine mainmise sur l’Assemblée nationale. Je pense donc que le rapport de forces, s’il doit y en avoir, ne sera pas en défaveur du régime en place », indique Ballan Diakité.

Toutefois, à en croire l’analyste politique Salia Samaké, dans le contexte malien, après les législatives il y a des appétits qui s’aiguisent. Si certains partis politiques aujourd’hui membres de la convention majoritaire qui ont eu un nombre important de députés ne sont pas associés à la gouvernance, il n’est pas exclu qu’ils se démarquent.

« Si cela se passe ainsi, la majorité risque d’être fragilisée. Le RPM va devoir jouer très fin, sur le fil, pour ne pas provoquer cette fragilisation. Il n’a plus la capacité d’en imposer aux autres », pense M. Samaké

« En la matière, le combat risque d’être serré et il va falloir que le parti présidentiel bataille dur pour conserver cette majorité afin de pouvoir travailler. Ce qui, aujourd’hui n’est pas très évident, parce que les uns et les autres, après avoir engagé autant de moyens dans les élections, s’attendent à des retours », ajoute-t-il.

Un point de vue que ne partage pas Boubacar Bocoum, pour lequel, aujourd’hui, tous les partis politiques tournent autour du RPM. Il n’y aura donc pas de réelle démarcation vis-à-vis de ce parti à l’Assemblée nationale.

« Ces partis ont eu peur de s’opposer à l’organisation des élections dans le contexte que nous connaissons, juste pour ne pas que la machine les lâche. Cela veut dire qu’ils vont forcément chercher des équilibres à l’Assemblée. Il n’y a pas d’opposition fondamentale politiquement viable pour le Mali aujourd’hui », avance le politologue.

Réformes enfin effectives ?

Cette 6ème législature est fortement attendue pour l’adoption de différentes réformes institutionnelles et administratives, notamment la révision de la Constitution de 1992 et la relecture de certains paragraphes de l’Accord pour la paix dont l’application est bloquée en partie par la non effectivité des réformes.

Le 1er avril 2019, un comité d’experts chargé de la révision constitutionnelle avait  remis au Président de la République un nouveau projet comportant certaines propositions comme, entre autres, la création d’un Sénat, la redéfinition des rôles du Président de la République et du Premier ministre au sein de l’Exécutif , la mise en place d’une Cour des comptes, conformément au traité de l’UEMOA, ainsi que le réaménagement des attributions, des règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle et de la Haute cour de justice.

Le document prenait également en compte des propositions des précédentes tentatives de révision constitutionnelle, des clauses de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui relèvent de la matière constitutionnelle et d’autres aménagements devant être apportés à la Constitution vu l’évolution du contexte institutionnel et juridique du pays.

Ce projet de loi, qui attendait d’être soumis à une Assemblée nationale légitime, le sera donc très certainement dans les prochains mois. Et si son adoption passe à l’Hémicycle, ce qui d’ailleurs ne devrait pas souffrir de contestations majeures, vue sa nouvelle configuration, toujours favorable à la majorité présidentielle, selon les analystes, il reviendra au peuple malien de trancher lors du référendum qui s’ensuivra.

« Même les grandes figures de l’opposition sont d’accord sur le principe des réformes, mais il y a débat sur des questions d’ordres temporel et structurel. C’est donc surtout la position des citoyens qui va être déterminante, pas celle des partis politiques. Tout va dépendre des positions des uns et des autres mais aussi de la dynamique qui sera enclenchée par la société civile », tempère Ballan Diakité.

 

Journal du Mali

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