Dans l’agenda de l’année 2000, consacré au second millénaire de notre ère, élaboré par l’Agence malienne de presse et de publicité (AMAP), le doyen Gaoussou Drabo, dans un chapitre consacré aux politiciens à l’avenir radieux, citait Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise. Sans avoir la prétention de dire que sa prédiction par rapport à Blaise ne s’est pas réalisée, l’on peut remarquer aisément que c’est la descente aux enfers pour le rouquin de Bougouni. Une descente aux enfers qu’il a lui-même créée à cause de sa gourmandise et de son égocentrisme en politique.
Éloquent et à l’aise devant n’importe qui et surtout les micros et caméras, Mamadou Bakary Sangaré s’est fait remarquer dans le landerneau politique à partir des années 2000 avec la création de son parti dénommé la Convention Sociale-Démocrate (CDS, sigle qui deviendra par la suite CDS-Moguotiguiya). Créée suite à sa démission du Parti pour la démocratie et le progrès (PDP) de l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali et acteur majeur du mouvement démocratique, feu Maître Drissa Traoré. Ce dernier, ressortissant de la même localité que Blaise, lui a été d’un grand soutien dans les premières heures de l’exercice de la démocratie multipartite dans notre pays.
En effet, c’est grâce à lui que “Vieux Bléni” ( sobriquet donné à Blaise par ses camarades d’enfance”) a pu rapidement porter le manteau d’acteur du mouvement démocratique, sinon à la chute du régime militaro-civil de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), il était un très proche collaborateur de feu Général Baba Diarra, président du Conseil Economique et Social. Une fois, le régime de l’UDPM tombé, l’enfant de N’Garalo s’est tourné vers feu Maître Drissa Traoré qui l’a adopté le permettant ainsi d’occuper le poste de Directeur général de la Caisse des retraités du Mali. C’est à partir de ce poste qu’il créa son parti, trahissant du coup son bienfaiteur.
Après quelques années de gestion, il se retrouva au centre d’un scandale financier qui l’a conduit en prison pour des années. Blanchi dans cette affaire, selon lui même, il n’a plus occupé de poste dans l’administration publique. Et ce n’est qu’en 2013 avec l’élection de feu IBK comme président de la République qu’il se retrouve conseiller spécial auprès de ce dernier. C’est de là-bas qu’il prendra sa retraite de la fonction publique pour limite d’âge.
La CDS, un parti hégémonique dans le cercle de Bougouni
A sa création, la CDS a séduit plus d’un observateur politique. C’est un parti qui s’est imposé dans le cercle de Bougouni. Il a raflé les sièges de députés à pourvoir pendant des décennies et occupé plusieurs mairies de communes rurales, y compris celle de la commune urbaine de Bougouni. Ainsi, il a détrôné les anciens hommes politiques comme son ancien mentor feu Maître Drissa Traoré (ancien ministre, président du PDP), Pr Yoro Diakité (Président du BARA, ancien transfuge du CNID et du PARENA, ancien ministre).
Depuis quelques années, les différents maires de son parti (CDS) sont dans la tourmente à cause de scandales financiers et fonciers. Par conséquent, le parti se vide de plus en plus de ses militants et cadres locaux. Sur le plan national, pas de tenue de congrès ordinaires, pas de tenues régulières de réunions de l’instance exécutive car la direction nationale est vidée en raison de plusieurs départs officiels ou non de responsables. Finalement, la CDS ne se limiterait qu’à lui et à lui seul.
Son égocentrisme a fait descendre le parti aux enfers
Ce n’est pas un membre de la direction nationale de la Cds et ancien représentant du parti dans la commission électorale nationale indépendante (CENI) qui dira le contraire. Lui qui était en bonne posture pour occuper un portefeuille ministériel dans un des gouvernements du président Alpha Oumar Konaré (AOK). C’est par un refus catégorique de Blaise que celui-ci a vu ce portefeuille lui échapper. Car, selon des sources proches du parti, Blaise aurait dit que c’est lui qui doit être choisi ou personne.
L’Honorable Zoumana N’Tji Doumbia a, aussi, connu les mauvais agissements de Blaise contre sa personne. Élu député sous l’ère de feu IBK, l’honorable Doumbia faisait l’objet d’une admiration de la part du président IBK. Celui-ci l’aurait même offert un véhicule flambant neuf de marque V8. Jaloux de ce cadeau offert à un de ses siens par le Président de la République, Blaise n’a pas pu digérer ce geste. Il aurait confié à un proche que lui Blaise aurait eu à demander le président par rapport à ce cadeau en ces termes : « Monsieur le Président, vous aviez offert un véhicule à un membre de mon parti sans m’en informer. Le dit véhicule a été remis au parti ou à titre personnel à l’intéressé ». Ce n’est pas tout. Loin s’en faut !
A une autre personne, Blaise aurait dit : « la CDS, c’est moi. Si on enlève la CDS de ma vie, je n’aurais plus de vie ». La rupture entre Blaise et l’honorable Doumbia a été consommée lors des dernières élections législatives sous l’ère IBK. En effet, Zoumana N’Tji s’est porté candidat sur une liste indépendante en compagnie de l’ancien président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et d’une dame, elle aussi transfuge de la CDS.
Ce comportement de Blaise donne raison au Général Yamoussa Camara, ministre malien de la Défense pendant la transition de 2012-2013, qui, dans son livre “Présumé coupable, ma part de vérité” affirme que : « L’homme politique malien dévoile sa vraie nature à l’exercice du pouvoir. Vaniteux et tyrannique, il est singulièrement cruel. En dehors des siens, qu’il aime jusqu’à leurs défauts, nul ne trouve grâce à ses yeux. Aveuglé par son désir de puissance et enchaîné dans ses appétits, ses besoins et ses passions, il oublie les principes moraux et la certitude de la mort. Il reste suprêmement indifférent à l’arbitraire et à l’injustice pour tout ce qui ne le touche pas».
Un coup de massue pour le Mogotiguiya de Blaise
Le seul et unique fief électoral pour Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise jusqu’ici, était le cercle de Bougouni, sa terre natale. Ce seul fief politique de la CDS-Mogotiguiya sur l’ensemble du territoire national depuis sa création, lui a été finalement arraché en 2020.
Le Mogotiguiya de Blaise est-il désormais un souvenir politique à Bougouni ? Pour l’heure, tout justifie la négative. Roi des lieux pendant des années, Mamadou Sangaré dit Blaise Mogotigui, dont le parti politique (CDS Mogotiguiya) a lamentablement trébuché et a finalement échoué aux élections législatives, lors du second tour tenu le 19 avril 2020, est désormais sans fief électoral.
Sur les 54 circonscriptions électorales de Bougouni, le Mogotigui n’a eu aucun député. Même les deux sièges qu’il a possédés à l’issue des législatives du 25 novembre et 15 décembre 2013 lui ont été arrachés, lors des législatives qui ont engendré la chute du régime IBK en Août 2020. Depuis, le valeureux conseiller spécial du feu président de la République avec son verbe est devenu un oiseau dans une zone désertique.
« Je n’accepterai pas de me faire battre par n’importe qui dans mon fief ». Cette fameuse phrase, le Mogotigui l’a lancé en 2013, lorsqu’il se positionnait pour le camp de la majorité. Quelques mois plus tard, il signe la convention et son parti devient membre de la CMP (Convention de la Majorité Présidentielle). Depuis, Blaise ne cessait de revendiquer la paternité du cercle de Bougouni, comme une base politique de prédilection.
Mais en 2020, lors des législatives, il en a été autrement. Alors qu’il était avec son rival politique de tout le temps à Bougouni, Adema PASJ, sur la même liste composée de CDS-Mogotiguiya-ADEMA PASJ-CODEM, le Mogotigui Mamadou Blaise perd tout et n’est même plus représenté. Un échec dur qui fait de lui désormais l’un des politiciens sans fief électoral et qui n’ont que leurs bouches pour se défendre, défendre leurs tubes digestifs en tentant toujours de tromper l’opinion nationale. Il reste à savoir si cela doit toujours continuer.
Arouna Traoré