Ironie de l’histoire, c’est au moment où les Algériens cherchent à balayer le régime de Bouteflika, qu’il a toujours combattu, qu’il livre la dernière bataille et la perd, celle contre la mort. En effet, Abassi Madani, chef historique du Front islamique du Salut (FIS), parti islamiste d’opposition dissous en 1992 qui militait pour la création en Algérie du premier Etat islamique du Maghreb, est décédé ce mercredi au Qatar où il vivait en exil depuis 2003. En 2012, il avait appelé depuis le Qatar les Algériens à boycotter les législatives dans son pays, organisées selon lui par ” un régime illégitime “.
Abassi Madani est décédé à 88 ans dans un hôpital de Doha (Qatar) où il était interné depuis plusieurs jours. Il souffrait d’ulcère de l’estomac et d’hypertension artérielle. Il vivait en exil au Qatar depuis 2003. Qui était alors Abassi Madani ?
Si pour certains Algériens Abassi Madani a marqué l’histoire politique de l’Algérie, pour d’autres, son nom, associé au Front islamique du salut (Fis) dont il était l’un des membres fondateurs, renvoie à la “décennie noire” de terribles violences dans laquelle l’Algérie a plongé après l’interruption du processus électoral et la dissolution de ce parti.
Chef historique du Front islamique du Salut (FIS), parti islamiste algérien qu’il avait cofondé avec l’objectif d’instaurer le premier Etat islamique du Maghreb, a eu une vie certes active, mais tumultueuse à cause de plusieurs condamnations.
Originaire de la région de Biskra, Abassi Madani a connu tôt les prisons. D’abord les geôles françaises, suite à son arrestation pour avoir participé au déclenchement de la guerre d’indépendance le 1er novembre 1954. Il ne sera libéré qu’en 1962, année de l’indépendance de l’Algérie.
Enseignant à l’université d’Alger, il a milité rapidement pour un islam politique, dans un pays alors sous le règne du parti unique. Ce qui lui vaudra une nouvelle incarcération au début des années 1980.
Eloquent et convaincant, Abassi Madani savait transformer les mosquées en tribunes politiques où i s’activait avec d’autres camarades. Ils créeront ensemble le Front islamique du salut (Fis) reconnu comme parti politique à la faveur des réformes ayant instauré le multipartisme, en Algérie, après les émeutes enregistrées dans ce pays en octobre 1988.C’est lui-même qui a annoncé la création du Fis dont il était le président en 1990. Il a fallu seulement un an d’existence au Fis pour devenir le premier parti du pays lors des élections locales de 1990. En effet, le Fis, contre toute attente, raflait les deux-tiers des communes et deux-tiers des régions. L’armée, prise de panique devant la menace de la victoire du parti islamique dès le premier tour des législatives, prit la décision d’arrêter le scrutin et de dissoudre le Fis. Abassi Madani appela aussitôt à la lutte armée. Conséquence : l’Algérie a plongé ainsi dans une décennie de guerre civile qui a fait, officiellement, 200 000 morts.
Emprisonné en juin 1991, on le soupçonne de diriger l’Armée islamique du salut (AIS) branche armée du FIS, depuis sa cellule. C’est en juin 1999 qu’il se prononçait pour la première fois en faveur d’une accalmie, pendant que l’AIS annonçait déposer les armes.
Rappelons qu’après son arrestation, Abassi Madani a été condamné à douze (12) ans de prison par le tribunal militaire de Blida pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il a été libéré en 1997 pour motif de santé et astreint à résidence surveillée jusqu’à la fin de la durée de son emprisonnement en 2003. Interdit de toute activité politique, il va quitter le pays, officiellement pour des raisons médicales et s’est lancé dans une pérégrination qui l’a conduit successivement en Malaisie, en Arabie saoudite et au Qatar où il vivait finalement en exil.
Depuis le Qatar il avait lancé aux Algériens un appel au boycott des législatives de 2012, sous le prétexte qu’elles sont organisées par “un régime illégitime”.
Sera-t-il enterré en Algérie ? Madani “voulait être enterré en Algérie. Mais j’ignore si cela va être possible“, a révélé à des confrères M. Belhadj, son ex compagnon de lutte et cofondateur du FIS, ajoutant que cela dépendrait des autorités algériennes.
Les autorités algériennes accepteront-elles que le corps de Madani soit rapatrié en Algérie pour les besoins de son enterrement et aussi d’obsèques qui pourraient prendre une allure, au vu de la stature de l’homme et en cette période délicate ? Là, gît toute la question. Amadou Bamba NIANG
Source: Aujourdui Mali