La décision de la France signe-t-elle le début de la fin du traité sur la charte de l’énergie (TCE) ? Dans la foulée d’autres pays européens, Paris a annoncé, vendredi 21 octobre, se retirer de cet accord controversé, conclu il y a trente ans et accusé de « protéger les pollueurs ». « Je regarde avec inquiétude revenir les hydrocarbures et les énergies fossiles les plus polluantes, a expliqué Emmanuel Macron depuis Bruxelles, où il participait à un sommet européen. La guerre sur le sol européen ne doit pas nous faire oublier nos exigences climatiques et notre impératif de réduction de nos émissions de CO₂. Le fait de nous retirer de ce traité est un élément de cette stratégie. »
Le traité sur la charte de l’énergie, ratifié par une cinquantaine de pays et l’Union européenne (UE), a vu le jour au sortir de la guerre froide, en 1994, pour protéger les investisseurs du secteur énergétique : il leur permet de demander, devant un tribunal arbitral, des dédommagements à un Etat dont les décisions pourraient affecter la rentabilité de leurs placements. Depuis, de nombreuses actions en justice ont été lancées par des entreprises ou des fonds d’investissement à la suite de changements réglementaires ou législatifs.
En février 2021 par exemple, la multinationale allemande RWE a annoncé poursuivre les Pays-Bas en raison de leur choix de sortir du charbon d’ici à 2030. Début septembre, l’Italie a été condamnée à verser au moins 180 millions d’euros à la société pétrolière britannique Rockhopper pour lui avoir refusé un permis de forage offshore. Pour la première fois, la France a également été attaquée début septembre, cette fois par le producteur allemand d’énergies renouvelables Encavis AG, après la décision du gouvernement de réviser à la baisse les tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque. Au total, au moins 146 litiges liés au TCE ont été recensés.
« Effet domino »
« Le TCE incarne pleinement ces règles et institutions de la mondialisation des années 1990 et 2000 qui retardent, renchérissent ou bloquent la transition énergétique, estime Maxime Combes, économiste au sein de l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs. Il autorise les investisseurs à poursuivre les Etats qui décident d’arrêter des centrales à charbon ou de piloter plus finement les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, ce qu’ils ont besoin de faire. »
Si les détracteurs de ce traité, mobilisés depuis plusieurs années, saluent largement la décision de la France, ils espèrent qu’elle aura un effet d’entraînement pour conduire à un retrait coordonné de l’ensemble des pays européens. En 2015, l’Italie était sortie de l’accord de manière unilatérale. Depuis, le contexte a évolué. Alors qu’une version révisée du TCE doit être soumise pour approbation aux pays signataires fin novembre, l’Espagne, visée par une cinquantaine de plaintes, a annoncé le 12 octobre qu’elle s’en retirait.