D’une part, lâché et voué aux gémonies par ceux qui l’ont proposé à la Primature et l’ont soutenu et adulé hier, notamment le M5-RFP, et d’autre part devenu une cible à abattre du côté des autorités militares,comme il l’affirme lui-même, Choguel Kokalla Maïga n’a plus le choix : il faut quitter le fauteuil de Premier ministre avant d’y être éjecté. En d’autres termes, si et seulement le Mali le motivait, l’actuel Premier ministre devrait donc comprendre qu’après avoir rempli sa mission, il doit désormais faire place nette parce que la Transition doit prendre une autre allure dans laquelle il n’a pas de place.
A vrai dire, Choguel Kokalla Maïga a vraiment réussi son jeu, disons sa mue très rapide pour devenir l’un des principaux artisans de l’anti-régime IBK, après y avoir contribué en tant que ministre. La responsabilité d’un gouvernement, apprend-t-on, est collégiale.
C’est dire que si le football pouvait prêter son système de VAR à la politique, les citoyens pourraient bien se rappeller ce que chacun des acteurs de la vie politique nationale a eu à dire et à faire. Et certainement, les politiciens joueraient moins à la girouette pour tourner au gré du vent. Ils ont bien raison ceux qui ont l’habitude de dire que le premier problème du Mali est à chercher dans le comportement de ses responsables politiques.
En entendant Choguel Kokalla Maïga parler de Refondation du Mali, concept servi avec un réquisitoire sévère contre les régimes passés, il y a de quoi lui rappeler qu’il a été un des grands artisans de la situation sociopolitique nationale décriée, pour avoir été ministre sous ATT et aussi ministre sous IBK, lors du premier mandat de ces feux anciens chefs de L’Etat du Mali.
Mais tout s’est passé comme si Choguel était l’homme tout neuf (pour parler comme les politiques) recherché et convoité pour servir de bras politique, voire idéologique, au pouvoir militaire qui assure la transition. C’est parce que, tout simplement, Choguel bénéficiait d’un grand soutien au sein du M5-RFP, cette nébuleuse qui s’est formée tout juste dans le feu du développement de la contestation du régime IBK. Ce Mouvement du 5 juin (M5) avait fragilisé le régime de feu IBK et mis le pouvoir dans la rue. Les militaires n’ont fait que se baisser pour le ramasser. Normal donc d’attendre de la part des auteurs du coup d’état, un retour de l’ascenseur.
Mais, rappelons-le, le compagnonnage entre les colonels tombeurs de feu le président IBK et Choguel n’a pas été automatique. Tout le monde se rappelle qu’il prônait un retour rapide à l’ordre constitutionnel, défiant les militaires dans des discours qui, si on les réécoute, emmènent à se demander : lequel des deux Choguel faut-il croire parce qu’ils sont diamétralement opposés.
Toujours est-il que Choguel kokalla Maïga a joué pleinement le rôle attendu par les militaires qui avaient beau jeu de se mettre en retrait dans des circonstances assez délicates, pour laisser Choguel, polémiste comme pas possible, occuper le devant de la scène. C’était la période où le sentiment anti-français, suite à une campagne rondement menée par les autorités, devenait la chose la plus partagée et l’actuel Premier ministre a su jouer sur ce registre pour se construire une certaine renommée. L’occasion faisant le larron, il a tenté d’éteindre définitivement les quelques lueurs du 26 mars encore fluorescentes. Tout le monde connaît son aversion pour le 26 mars, lui qui a osé revendiquer l’héritage politique de feu le Général Moussa Traoré.
En tout cas, de ses positions rigides contre les militaires lors de la Transition sous le duo Ba N’Daw et Moctar Ouane, à celles adoptées sous la Rectification menée par Assimi Goïta, il a renié ses convictions affichées, comme celle de ne jamais travailler sous les ordres des militaires “dont le rôle est d’aller au front” (SIC).
L’enjeu en vaut certainement la chandelle puisque l’occasion s’est présentée à lui d’être Premier ministre du Mali, mais aussi de permettre à son parti, le MPR, de se refaire une certaine santé.
De toute façon, l’actuel Premier ministre a bien réussi sa mue pour devenir l’une des plus grandes voix de la Transition. Ce que l’histoire retiendra. Mais il ne faut pas oublier que, sa posture de Premier ministre, il la doit à la frange des grands agitateurs du M5-RFP qui, malheureusement, ont décidé de scier la branche sur laquelle il était assis. En effet, ils l’ont enlevé de son piédestal de Président du Comité stratégique du M5-RFP, responsabilité qui lui valait sa nomination comme Premier ministre de la Transition. En le faisant, ils lui ôtent toute confiance placée en lui.
Contesté par ses camarades, Choguel se tire une balle dans le pied en reconnaissant, publiquement, que des officiers de l’armée travaillent à sa fragilisation. Comme pour confirmer qu’il est donc rejeté de tous les côtés. Qu’attend-t-il alors pour rendre le tablier et donner ainsi un exemple de comportement de dirigeants politiques pour le Mali refondé ? Ou bien, attend-t-il d’être démis de ses fonctions pour ensuite se victimiser ? Savoir partir, disons se retirer à temps ! Voilà ce qui manque le plus aux hauts cadres politiques au Mali.
Toujours est-il que le bicéphalisme à la tête du Gouvernement, avec la nomination du colonel Abdoulaye Maïga comme Ministre d’Etat, après avoir assuré l’intérim de Choguel, était déjà une façon de le pousser l’actuel Premier ministre vers la porte de sortie. Abdoulaye Maïga ne pouvant plus revenir sous la coupe de Choguel, devient donc un électron libre qui le contrarie autant que faire se peut. Une passe d’armes entre les deux hommes a fini de convaincre de leur antagonisme profond.
Choguel a donc raté l’occasion de partir. Sauvé d’une crise d’AVC, il avait un bon prétexte pour sortir par la grande porte en évoquant la raison médicale. A moins qu’il n’ait des ambitions présidentielles et par conséquent sait que la raison médicale le poursuivra et fera douter de sa capacité à gérer le pays. Il est revenu de sa convalescence sans convaincre de l’usage de toutes ses potentialités dans l’accomplissement de sa mission de Premier ministre. Son état de santé est d’ailleurs source de supputations. Pourquoi alors s’accroche-t-il alors qu’il peut partir maintenant ?
Son discours courageux à la Tribune des Nations-Unies au moment où le Mali avait besoin d’exprimer son ressenti à la face du monde, ses nombreuses sorties pour défendre la Transition, sont des faits marquants de son passage à la Primature, mais ne sauraient davantage emballer les Maliens qui exigent, hic et nunc, des réponses efficaces à leurs préoccupations quotidiennes, parmi lesquelles : l’électricité et l’eau, manger à leur faim, accéder aux produits de première nécessité à des coûts accessibles car : “Ventre qui a faim n’a point d’oreille”.
En un mot comme en mille, Choguel excelle dans ce qu’il sait faire le mieux : la polémique. Les militaires au pouvoir avaient alors besoin d’un homme comme lui pour réussir cette tâche. Maintenant que la Transition doit prendre une autre allure pour mieux répondre aux attentes des Maliens, Choguel, qui a déjà donné fourni de faàon remarquable sa part de contribution à la réussite de ladite transition, doit maintenant partir ou le président Assimi Goïta se verra obligé de le faire partir. Ce qui ne saurait tarder.
La Rédaction