Dès le renversement de régime dans notre pays, la réponse immédiate de la CEDEAO a été de décréter un embargo contre notre pays. Une mesure qui intervient dans un contexte marqué par l’insécurité au Sahel, la crise sociopolitique et la maladie à coronavirus. Cette situation, selon la Direction générale du commerce, de la consommation et de la concurrence (DGCCC), risquerait de perturber fortement l’approvisionnement de notre pays (environ 90% des changes commerciaux du Mali avec le reste du monde transitent par les pays membres de la CEDEAO). Mais, les statistiques de la DGCCC révèlent qu’il n’y a pas péril en la demeure.
Un ballon d’oxygène, selon les sources autorisées, c’est l’assouplissement proposé par le Sénégal qui a permis d’exclure du champ de la mesure prise par la CEDEAO à l’encontre de notre pays les produits de première nécessité, les produits pharmaceutiques et les hydrocarbures.
Pour autant la DGCCC ne manque pas de souligner que les importations, déjà timides en raison de la crise sanitaire, risquent de dégringoler en raison de la méfiance des banques, des assurances, des chargeurs et des fournisseurs à l’égard des opérateurs économiques maliens.
Par ailleurs, la DGCCC ne cache pas que la tension reste vive sur les prix de certains produits de première nécessité, notamment les céréales sèches, en attendant l’arrivée de la nouvelle récolte sur le marché.
En sortant des projections, l’état de l’approvisionnement du pays et l’évolution des prix moyens à la date du 20 août démontrent qu’il n’y a aucun péril en la demeure.
Ainsi, les stocks d’intervention de l’État se présent comme suit : riz : 171T55 ; maïs : 102T00.
Le stock National de sécurité est constitué de : Mil : 632T00 ; Sorgho : 818T700 ; Maïs : 1 872T100.
Selon les mêmes sources de la Direction générale du commerce, de la consommation et de la concurrence, les stocks disponibles sur le territoire couvrent : 13 jours de consommation pour le riz ; 121 jours pour le sucre ; 66 jours pour le lait en poudre ; 72 jours pour la farine de blé ; 15 jours pour l’huile alimentaire.
Selon les spécialistes du commerce, les prix moyens des produits sont restés stables par rapport à la semaine passée sauf ceux du mil, du maïs et de la farine qui ont légèrement augmenté.
Par ailleurs, alors que l’imposition de l’embargo à notre pays donne lieu à toutes sortes de conjectures, la DGCCC apporte une clé de lecture de la situation en fournissant la structure des échanges commerciaux du Mali avec les pays membres de la CEDEAO. Ainsi, fait savoir cette source autorisée, la part des importations du Mali à partir de l’espace CEDEAO (principalement les hydrocarbures et le ciment) représente environ 34% des importations totales de marchandises de notre pays contre 10% pour les exportations (rapport 2019 de la surveillance commerciale).
Les engrais minéraux, les animaux vivants et les huiles de pétrole (réexportation) constituent l’essentiel des exportations du Mali en direction des pays membres de la CEDEAO.
Ces échanges sont plus importants avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina, le Nigéria et le Ghana.
A titre de rappel, le principal pays d’approvisionnement du Mali est la Chine qui a vu ses exportations augmenter progressivement d’année en année de 19% en 2014 à plus de 22% en 2019.
Outre la Chine, le Mali est approvisionné par la France, les États Unis, la République Sud-Africaine, l’Inde, l’Allemagne, le Maroc, le Brésil, le Japon, la Russie qui constituent les dix premiers pays fournisseurs du Mali.
Malgré la part relativement faible des échanges commerciaux du Mali avec la CEDEAO, plus de 90% de nos marchandises à l’import et à l’export transitent par les pays côtiers membres de l’espace communautaire en raison de l’enclavement de notre pays.
In fine, la DGCCC indique que les stocks de produits de première nécessité disponibles sont supérieurs aux seuils d’alerte et arrivent à couvrir largement les besoins du moment. Par contre des efforts doivent être consentis par le maintien de la confiance entre nos opérateurs et leurs fournisseurs des pays partenaires.
Au regard de ce qui précède, pour conforter l’approvisionnement du pays en cette période difficile, déjà sous les impacts négatifs de la COVID19 et de la crise sécuritaire, nous recommandons ce qui suit : élaborer et valider un programme d’urgence d’approvisionnement du pays en produits de première nécessité ; procéder à l’évacuation rapide des stocks au niveau des ports de transit ; diversifier nos débouchés et nos sources d’approvisionnement en allant au-delà des pays CEDEAO, en explorant notamment le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie, en rapport avec le Conseil Malien des Chargeurs ; encourager le secteur financier à accroître le crédit au commerce et à assurer les services interbancaires et de règlement financier des fournisseurs de denrées exclues du champ de l’embargo ; suspendre jusqu’à nouvel ordre les exportations et les réexportations de produits de première nécessité ; demander l’accompagnement des opérateurs économiques afin d’éviter le dérapage des prix et la rupture des stocks ; renforcer le dispositif de surveillance des frontières et des marchés afin d’atténuer la sortie frauduleuse des produits et la rétention des stocks ; encourager et sécuriser le commerce transfrontalier informel et le troc algérien.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN