Malgré la démission du président Ibrahim Boubacar Keita suite aux événements du 18 août 2020, l’application correcte et intégrale de l’article 39 continue de hanter les esprits dans notre pays. Après plusieurs rencontres autour de la question, les responsables du Collectif des enseignants du Mali (CEM) et les nouvelles autorités nationales ont du mal à s’accorder les violons sur les modalités de gestion du problème qui n’a que trop duré. Que propose la junte aux enseignants ? Quelles sont les exigences du Collectif des syndicats enseignants signataires du 15 octobre ?
Alors que les écoles privées sont pressées de reprendre leurs activités après la crise du COVID-19, au niveau du secteur public, les espoirs ne tiennent plus qu’à un petit bout de fil. Alors que l’engagement et l’intérêt affichés par les nouveaux maitres du pays vis-à-vis de la question scolaire suscitaient des attentes fortes au sein de la population, quelques rencontres ont suffi aux interlocuteurs enseignants pour laisser découvrir leur vrai visage, celui d’un syndicat inflexible à tout sentiment de patriotisme. Et pourtant, en aucun moment, les nouvelles autorités n’ont mis en cause le caractère légal de leur revendication, durant toute la durée des négociations.
‘’Jamais la légalité de la revendication des syndicats d’enseignants n’a été mise en cause, ni par le gouvernement, ni par le CNSP’’, nous rapporte une source proche des discussions.
Prise en main du dossier
par le CNSP
Au lendemain de la démission du président Ibrahim Boubacar Keita, c’est le Colonel Sadio CAMARA, qui n’a de cesse rappeler l’attachement du CNSP à l’école et à la cause des enseignants, qui a dirigé les discussions avec les syndicats d’enseignants.
Ainsi, dès le jeudi 27 août 2020, le CNSP a pris le dossier en main par l’organisation d’une rencontre au Prytanée militaire de Kati avec les techniciens de l’administration en charge du dossier (représentants des ministères de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, de l’économie et des finances, de l’administration territoriale, du dialogue social, des médiateurs et des parents d’élèves).
À la suite de cette rencontre, la commission du CNSP, conduite par le Colonel Sadio CAMARA, 2ème vice-président, assisté des techniciens de l’administration, a tenu successivement trois rencontres avec les syndicats d’enseignants (vendredi 28 août, lundi 31 août et mardi 1er septembre 2020).
Lors de ces discussions, le CNSP a toujours tenu à affirmer avec force sa reconnaissance vis-à-vis de la légalité et la légitimité de la revendication. Aussi, s’est-il engagé à tout mettre en œuvre pour respecter le PV de conciliation signé avec le régime défunt, le 17 août 2020.
Mieux, le lundi 31 août dernier, dans la salle de réunion du Prytanée militaire de Kati, le président du CNSP, le Colonel Assimi GOITA, a voulu personnellement s’adresser aux enseignants en leur expliquant comment, à ses yeux, l’école était prioritaire, tout en les exhortant à tenir compte de la situation spécifique de l’heure pour faire avancer les choses.
« À mes yeux, il ne s’agit pas de nouvelles négociations », avait-il clarifié.
Ainsi, sur la base de la réalité économique actuelle du pays, abondamment décrite par les représentants du ministère de l’Économie et des finances présent (embargo, retrait des PTF, suspension de l’aide budgétaire, difficulté de faire face aux déficits intérieurs, difficulté de recouvrement des impôts, fermeture des frontières impactant les recettes du cordon douanier), les responsables du CNSP se sont engagés à appliquer intégralement l’article 39 ainsi qu’il suit :
-Prise de deux ordonnances : l’une pour modifier le statut des enseignants et l’autre pour modifier la loi de finances rectificative, au plus tard le vendredi 4 septembre 2020 (pour témoigner de leur bonne foi) ;
-Alignement sur la nouvelle grille et paiement des arriérés de 2020 sur le salaire de novembre 2020 ;
-Paiement de la moitié des arriérés de 2019 sur le salaire du mois de décembre 2020 ;
-Paiement de l’autre moitié des arriérés de 2019 sur le salaire du mois avril 2021.
La proposition est vite balayée d’un revers de la main par des responsables syndicaux surnommés par certains de leurs militants ‘’les généraux’’ du Collectif.
Tout le discours ainsi tenu par les techniciens du ministère de l’Économie et des finances (embargo, suspension de l’aide budgétaire…) tout au long des échanges semble tomber dans l’oreille d’un sourd et le colonel Goïta, un prêcheur dans le désert. En tout cas, le porte-parole de la synergie, Adama FOMBA, à l’issue de la rencontre de ce 31 août 2020, s’est montré inflexible : « ce n’est pas de nouvelles négociations. C’est des discussions que le CNSP a engagées avec les syndicats de l’éducation signataire du 15 octobre 2016 sur l’application de l’article 39. Comme vous le savez, le syndicat avait déjà un procès-verbal de conciliation. Et dans ce PV de conciliation, les modalités d’application de l’article 39 étaient bien définies. Pendant ces quelques jours de discussions, le Comité a souhaité décaler l’application. Mais, nous (syndicats de l’éducation signataire du 15 octobre 2016), nous avons souhaité l’alignement sur les salaires du mois de septembre. Je pense que le comité n’est pas dans cette logique alors que les syndicats sont dans la dynamique de l’application de l’article ce mois de septembre. C’est sur ces notes que nous nous sommes quittés. Et les représentants du CNSP ont souhaité rendre compte au président du Comité et de nous faire le feedback de ce compte rendu. S’il y a changement, nous serions appelés encore à discuter. Pour nous, syndicats de l’éducation signataire du 15 octobre 2016, le mot d’ordre continue ».
Compte tenu d’une précédente proposition du CNSP rejetée par les syndicats, l’espoir est maigre
Pour des parents d’élèves et même des membres de la commission de médiation préoccupés depuis longtemps par le triste sort de notre école, les nouvelles autorités n’ont pas démérité sur ce coup. Si elles ont la malchance de se retrouver aujourd’hui au mauvais côté, elles ne sont nullement responsables de cette crise.
Le Syndicat, qui a rejeté cette proposition, en dépit du plaidoyer fait par les médiateurs et les représentants des parents d’élèves en faveur de la reprise des cours, exige ce qui suit :
– Alignement sur la nouvelle grille sur le salaire du mois de septembre 2020 ;
– Paiement des arriérés de 2020 sur le salaire du mois de novembre 2020 ;
– Paiement des arriérés de 2019 sur le salaire de décembre 2020.
Le CNSP au regard de toutes les explications précédemment données, a estimé que cette exigence n’était ni réaliste ni réalisable.
Aussi, le CNSP, à travers le Colonel Sadio CAMARA, a demandé aux représentants des Syndicats d’enseignants de bien vouloir partager ces dernières propositions avec leurs militants.
Pour rappel, à la suite des instructions de l’ex-président à son PM, le Dr Boubou Cissé de trouver une solution à la crise de l’école en appliquant immédiatement et intégralement l’article 39, au CICB, le PV de conciliation entre les deux parties a été signé le 17 juin 2020 pendant qu’il n’y avait pas de gouvernement. Seul le PM sortant, qui venait d’être reconduit, était en place.
À la faveur de la mise en place du gouvernement restreint, le projet de loi y afférent a été introduit dans le circuit de validation. À la rencontre du 17 août, entre le ministre de l’Économie et des finances sortant et les syndicats des enseignants, l’adoption du projet de texte a été annoncée pour le conseil du ministre du 19 août 2020, qui ne s’est jamais tenu. Car les événements du 18 août 2020 sont intervenus changeant ainsi la donne.
Par Sidi DAO
Source : INFO-MATIN