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Amedy Coulibaly et Hayat Boumeddiene : du braquage au carnage

Condamné à de nombreuses reprises pour des faits de banditisme, le tueur de Vincennes a été “recruté” lors d’un séjour en prison. Quel rôle a joué sa compagne, enfuie en Syrie ?

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Ce matin-là, dès que les premiers coups de feu retentissent porte de Châtillon, Maimouna publie sur son compte Twitter :

Quelques minutes plus tard, cette habitante de Montrouge donne des précisions  : “Des sirènes à n’en plus finir, routes barrées. Ça s’est passé sur Pierre-Brossolette… C’est à la limite de Malakoff et Montrouge à 400 mètres de la porte de Châtillon”.

La veille, à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo, cette danseuse professionnelle réputée, toujours vêtue de rouge et spécialiste de la Booty Therapy, chorégraphe et auteur d’un spectacle sur son enfance “Hee Mariamou” joué de Paris à San Francisco, avait modifié sa photo de profil pour un cliché d’elle en Marianne black, bustier tricolore et bonnet phrygien sur la tête en signe de solidarité.

L’ancienne animatrice de Trace TV, vue également sur les plateaux du “Grand Journal” et de “La France a un incroyable talent”, avait aussi maintenu son cours de danse prévu le soir même : “Je refuse de m’arrêter de vivre suite à ce massacre immonde !, écrit-elle sur Facebook. J’invite toutes les personnes qui veulent se défouler, libérer leurs tensions, exprimer leur tristesse ou haine naissante à venir nous rejoindre ! A transformer toute cette tristesse, colère en force pour ne pas sombrer.”

Elle ne sait pas encore que le tireur est son propre frère

A ce moment, Maimouna ne sait pas encore que le tireur de Montrouge, l’autoproclamé soldat du califat, celui qui vient de semer la panique dans sa rue en tuant une policière municipale et qui tuera le lendemain quatre autres personnes dans l’Hyper Cacher de Vincennes, est son propre frère, Amedy. Contactée par “l’Obs”, la danseuse âgée de 39 ans et mère de famille n’a pas souhaité s’exprimer. Amedy, Maimouna, une même famille, sept ans d’écart, deux parcours aux antipodes.

Amedy Coulibaly voit le jour le 27 février 1982 à Juvisy. Il est le septième enfant et le seul garçon au sein de cette fratrie de dix enfants.

Une famille traditionnelle issue de l’immigration économique et pratiquant un islam modéré”, décrit un proche.

Nés au Mali et issus de l’ethnie soninké, les parents, Mahamadou et Diawe, ont d’abord vécu du côté de Dreux avant de s’installer dans le quartier de la Grande Borne à Grigny où réside une importante communauté malienne.

Construite à la fin des années 1960, la cité imaginée par l’architecte Emile Aillaud se voulait originellement à taille humaine et à visée utopique : petits immeubles aux formes sinusoïdales, espaces verts, voies piétonnières, nombreuses places pour donner un esprit “village”. Quelques années plus tard, l’utopie architecturale va se fracasser sur d’autres courbes : celles des crises économiques à répétition et du chômage de masse, de la hausse de la délinquance et de la communautarisation croissante de la société française.

Un environnement à la renverse

Si la Grande Borne fait parler d’elle aujourd’hui, c’est pour ses trafics, ses accès de fièvre, son taux de chômage qui atteint 40% chez les jeunes, ses revenus fiscaux qui atteignent, en moyenne, 8.000 euros par foyer et par an. Le basculement s’est amorcé dans les années 1980. C’est dans cet environnement à la renverse que commence à grandir Amedy Coulibaly.

Les parents fréquentent les différentes associations maliennes. Ce sont des gens simples mais dont la vie ne l’est pas toujours. Ouvrier, le père travaille dur. Mère au foyer, son épouse se rend tous les vendredis à la Laverie, un appartement du quartier équipé de machines à laver et de fers à repasser où les femmes se retrouvent entre elles pour parfaire leur français, discuter et s’informer. Ancrés dans les traditions de leur pays natal, ces parents se heurtent aux velléités d’émancipation de leurs enfants.

Le jour de son mariage, une union arrangée par la famille, la sœur aînée s’enfuit en Angleterre. L’épisode incitera les parents à ne plus renouveler l’expérience. Maimouna, de son côté, choisit la section théâtre de son lycée. Adolescent, Amedy, ancien gamin “frêle” et “mignon”, selon des proches, ne parvient pas, lui, à trouver sa voie.

Ses proches font état d’une enfance heureuse et d’une scolarité moyenne avec un changement de comportement à 17 ans imputé à ses fréquentations.”

C’est ce que l’on peut lire dans le rapport de personnalité le concernant brossé bien plus tard, en 2013, lors de son procès pour avoir participé à un projet d’évasion de plusieurs détenus condamnés pour terrorisme.

Graine de délinquant

Mauvaises rencontres, appât du gain, besoin d’exister. Titulaire d’un BEP d’installateur conseil en audiovisuel électronique, Amedy délaisse peu à peu les bancs du lycée pour emprunter les chemins de la délinquance. Il y monte vite en graine. A cette période, la mort de son ami, Ali Rezgui, un voleur de moto abattu de plusieurs balles en 2000 par un gardien de la paix l’aurait profondément marqué.

Le 29 août 2001, il est condamné pour la première fois à trois ans de prison avec deux ans de mise à l’épreuve pour un vol aggravé commis en mai 2000. Il n’a pas encore 18 ans. Une semaine plus tard, il écope d’une nouvelle condamnation de 4 ans de prison dont 2 ans de mise à l’épreuve pour le braquage d’un magasin de vêtements de l’Essonne dans la nuit du 1er au 2 septembre 2000. L’affaire est rocambolesque. Après leur méfait, Amedy Coulibaly et ses complices prennent la fuite en empruntant la Francilienne mais finissent par planter la voiture juste avant d’arriver à Evry. Légèrement blessé, Amedy Coulibaly, lui, s’extrait du véhicule et, comme si de rien n’était, se rend à pied vers son lycée. Damien Brossier, son avocat de l’époque, se souvient :

C’était un jeune très souriant, toujours d’une humeur égale, ne parlant pas beaucoup et donnant l’impression que tout glissait sur lui. Pas un leader mais un type bien aimé dans son environnement et n’ayant pas froid aux yeux.”

D’autres le décrivent comme une “bombe en puissance” sous des dehors rigolards.

“Mouton noir” de sa famille

Ses premières condamnations n’ont aucun effet dissuasif sur lui. A 20 ans, le jeune homme semble plus intéressé par l’argent que par Allah. En 2002, Amedy Coulibaly interrompt sa formation en bac pro. Et, le 7 septembre de la même année, il s’attaque à une agence bancaire de la BNP d’Orléans en compagnie de deux complices dont un mineur. Les trois comparses repartent avec un butin de 25.000 euros et prennent en moto la direction de Paris. Une fois arrivés dans la capitale, ils commettent coup sur coup deux attaques de cafés pour s’emparer de la caisse. Les trois hommes seront finalement interpellés en flagrant délit.

Pour le braquage de la banque, Amedy Coulibaly écopera d’une peine de 6 ans et est incarcéré à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe située à quelques kilomètres de Grigny. Sa famille est effondrée.

Pour eux, il est le mouton noir, le seul garçon et le seul à amener la justice dans la famille”, explique une source proche.

Sa mère l’appelle “le voleur”. Son père, “pas du tout complaisant avec les actes de son fils”, selon son avocat, semble dépassé par l’ampleur des événements. A chacun des rendez-vous au cabinet de l’avocat, il est accompagné par l’une de ses filles aînées, plutôt bien insérée et mère de famille qui ne cache pas son ras-le-bol à l’égard des méfaits de son frère. C’est elle qui règle les frais d’avocat.

Séjour à Fleury-Mérogis et radicalisation

Damien Brossier reverra son client quelques années plus tard, une fois sa peine effectuée. Au cours de leur entretien, ce dernier lui fait part d’un projet de documentaire télé. En compagnie de cinq autres détenus, il a tourné clandestinement des images de la prison de Fleury-Mérogis. Diffusées en avril 2009 dans l’émission “Envoyé spécial” sur France 2, elles en dévoilent la promiscuité, le délabrement, l’incroyable violence qui y règne. Dans le film, Amedy Coulibaly a été rebaptisé Hugo La Masse, une référence certainement à sa silhouette trapue et musclée. Il partage son réduit carcéral avec un certain “Ficelle” qui vient du même quartier, a fréquenté le même collège et atterri dans la même cellule. Sur les murs de celle-ci est accrochée une affiche du film “Miami Vice”, dont les deux détenus semblent priser le slogan “Ni loi ni ordre”.

Décrit comme un fan de jeux vidéo, Amedy Coulibaly s’est acheté une Playstation lors de son incarcération et tue le temps en fumant des joints. Malgré les risques encourus, avec ses images volées, les six anciens détenus espéraient “faire connaître la face sombre de Fleury et entamer un travail de prévention à l’égard des plus jeunes”.

Je me disais qu’il avait peut-être eu un déclic en prison”, se souvient avoir espéré Me Brossier.

Mais si déclic il y eut, ce ne fut pas celui-là. C’est lors de son incarcération à Fleury-Mérogis qu’Amedy Coulibaly fait la connaissance de Chérif Kouachi, l’un des deux auteurs du massacre de “Charlie Hebdo”. Les deux hommes ne se seraient côtoyés que sept mois mais cela a suffi à nouer entre eux des liens forts. Un enquêteur précise :

A Fleury-Mérogis, Coulibaly faisait partie de la petite cour réunie autour de Djamel Beghal, le terroriste qui faisait alors fonction ‘d’émir’ pour les islamistes de la prison.”

Coulibaly est en effet incarcéré dans le même bâtiment que celui qui purge une peine de dix ans de prison pour son séjour dans un camp d’Al Qaida en Afghanistan au début des années 2.000. Cette rencontre marque-t-elle le début de sa radicalisation religieuse ?

Reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy

De prime abord, il n’en laisse rien paraître. A sa sortie de prison, il décroche un contrat de professionnalisation dans l’usine de Coca-Cola à Grigny. Il y travaille sur la chaîne de production et donne entière satisfaction à ses supérieurs. Un de ses anciens collègues se souvient :

Je l’ai reconnu quand j’ai découvert son visage sur l’écran de télé. J’étais scié. C’était un type très souriant, travailleur. Il n’y a jamais eu le moindre problème avec lui, ni sautes d’humeur ni positions fondamentalistes.”

Figurant parmi les bons éléments de l’entreprise, il est même choisi par celle-ci pour rencontrer Nicolas Sarkozy à l’Elysée en juillet 2009 au milieu de cinq cents autres jeunes en formation en alternance. Une visite qui lui vaut les honneurs d’un article avec sa photo dans l’édition du “Parisien de l’Essonne” : “A Grigny, nous n’avons pas l’habitude d’aller souvent à l’Élysée. Les réceptions, je ne connais pas. En plus, dans les cités, auprès des jeunes, Sarkozy n’est pas vraiment très populaire. Mais cela n’a rien de personnel. En fait, c’est le cas de la majorité des politiques”, y déclare Coulibaly. Avant d’ajouter : “Le rencontrer en vrai, c’est impressionnant. Qu’on l’aime ou pas, c’est quand même le président”. Comme un gosse, il mitraille Nicolas Sarkozy avec son portable.

Hayat Boumeddiene, un peu paumée comme lui

C’est à cette période qu’Amedy Coulibaly se marie religieusement avec Hayat Boumeddiene et emménage avec elle à Bagneux. Deux ans plus tôt, il a rencontré cette jeune fille de 19 ans, un peu paumée comme lui. “On s’est connus grâce à des amis qu’on avait en commun, à savoir une fille, Kasso, et son petit ami Pea, des connaissances du lycée”, dira-t-elle plus tard. Stéphane H., un braqueur de Trappes converti à l’islam radical qui fut marié à une sœur d’Hayat, a peut-être aussi joué les entremetteurs.

Originaires d’Oran, en Algérie, les parents Boumeddiene se sont installés à Villiers-sur-Marne à la fin des années 1980. Le père, Mohamed, est livreur à Rungis. Halima, la mère, élève ses six enfants dans cette ville du Val-de-Marne, calme et pavillonnaire, en apparence loin des extrémistes. “C’était une famille modeste, courageuse, travailleuse. Les enfants semblaient heureux”, se souvient avec émotion Ali Oumari, le président de l’association Al-Islah qui gère la mosquée de Villiers-sur-Marne réputée modérée et tolérante où viennent prier les Boumeddiene.

Cette harmonie familiale explose au moment du décès brutal de la maman en 1996. L’aînée est tout juste majeure. Le petit dernier a 2 ans. Hayat, elle, a 8 ans. Le père se retrouve avec six enfants à élever alors qu’il part très tôt le matin pour son travail. “C’est devenu peu à peu ingérable”, raconte Abdelkader, un proche de la famille.

Mohamed n’était pas là de la journée et les enfants parfois n’allaient même pas à l’école”.

Deux ans plus tard, le père épouse une lointaine cousine qu’il fait venir d’Algérie. Ils ont ensemble une petite fille. Mais les frères et les sœurs du premier lit n’acceptent pas ce remariage trop rapide à leurs yeux. “Une fois, je suis allé chez eux pour essayer de réconcilier les enfants avec le papa et la belle-mère”, raconte Ali Oumari, le patriarche de la communauté musulmane de Villiers-sur-Marne, mais il n’y avait rien à faire”. Mohamed semble dépassé par la fracture au sein de sa propre famille.

Une adolescente mal dans sa peau, turbulente, parfois agressive

“Les trois aînés ont quitté le foyer en premier”, raconte Abdelkader. Pour Hayat, être séparée de sa sœur aînée, avec qui elle s’entendait très bien, est une déchirure. Elle-même est placée dans un foyer à l’âge de 12 ans. Elle devient une adolescente mal dans sa peau, turbulente, parfois agressive. Elle change plusieurs fois de foyer en un an. A l’âge de 13 ans, elle se bat avec un éducateur et finit en garde à vue au commissariat où elle a un nouveau problème avec une fonctionnaire.

Pendant un moment, Hayat trouve une certaine stabilité dans une famille d’accueil à Emerainville (Seine-et-Marne). Elle fréquente le lycée Langevin-Wallon à Champigny-sur-Marne où elle prépare un bac STG (gestion) qu’elle n’obtiendra jamais. Malgré tout, elle trouve un emploi comme caissière dans un magasin de la chaîne Boulanger. Elle a alors coupé les ponts avec son père, mais continue de voir ses amies d’enfance. “On se voyait de temps en temps pour manger ensemble entre amies”, se souviennent Leila et Nadia (les prénoms ont été changés), jointes par téléphone. “Elle était douce, généreuse, accueillante, toujours pleine d’amour pour les autres. Elle nous appelait ses sœurs…”, raconte Leila, des sanglots dans la voix.

Du bikini au niqab

Tout bascule après la rencontre avec Amedy Coulibaly. Les jeunes gens mènent au début la vie normale d’un jeune couple. Ils partent en vacances sur les plages ensoleillées de Crète. Prennent des selfies d’amoureux dans l’avion. Elle se fait photographier en bikini, lui fait du ski nautique. C’est ensemble qu’ils vont progressivement se tourner vers la religion.

Un déclic de couple”, dit-elle à ses proches.

Jusque-là croyante mais peu pratiquante, Hayat s’enfonce dans l’islam le plus rigoriste. Plus tard, elle confiera aux policiers qui enquêtent sur le couple :

C’est quelque chose qui m’apaise. J’ai eu un passé difficile, et cette religion a répondu à toutes mes questions.”

En mai 2009, Hayat décide de porter le niqab, même si cela l’oblige à quitter son emploi chez Boulanger. “Depuis, je sors beaucoup moins. Quelquefois c’est dur pour moi, même si c’est un choix personnel”, assume-t-elle.

Elle tente de proposer ses services de couturière à domicile pour gagner sa vie et décide de s’unir avec Amedy. C’est la seule fois où Hayat retourne voir son père pour obtenir son assentiment. Le mariage a lieu à Grigny, le 5 juillet 2009, chez ses parents à lui, avec un imam choisi par le père d’Amedy. “Moi, je ne l’ai pas vu car, en islam, la femme n’est pas obligée d’être présente. En l’occurrence, là, c’est mon père qui m’a représentée”, confiera-t-elle aux enquêteurs.

“Sous l’emprise de Djamel Beghal”

Cette radicalisation correspond au moment où Amedy Coulibaly renoue des contacts réguliers avec Djamel Beghal qui vient de sortir de prison. C’est l’un des lieutenants de ce dernier qui l’a recontacté. “L’émir de Fleury-Mérogis” est assigné en résidence à Murat, dans le Cantal. A partir de la mi-2009, Amedy Coulibaly lui rend visite toutes les trois semaines, parfois en compagnie de Chérif Kouachi. Selon un rapport de police de 2010 :

Il apparaissait comme étant sous l’emprise de Djamel Beghal qui le conseillait au quotidien et l’encourageait pour certains aspects de sa pratique religieuse.”

Coulibaly se met à désavouer ses parents en raison de leurs “actes de kouffars (mécréants)” et refuse d’aider financièrement ses sœurs car elles “n’élèvent pas leurs enfants dans la religion”. A plusieurs reprises en 2010, Hayat Boumeddiene l’accompagne dans le Cantal. Si elle ne peut rencontrer l’émir, elle peut néanmoins lui poser des questions relatives à la pratique religieuse depuis une pièce voisine. Lors de ces séjours, elle s’exerce au tir à l’arbalète vêtue de pied en cap de son niqab.

Apprenti-terroriste

En mai 2010, Amedy Coulibaly est arrêté par les services antiterroristes. Il est soupçonné d’avoir participé à un projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem. Sur écoute, un des conjurés fait d’ailleurs état de la confiance dont bénéficie Coulibaly dit “le petit Noir” auprès de Djamel Beghal, dit Abou Hamza, le cerveau de la tentative d’évasion :

Moi, Abou Hamza, il m’a dit, c’est un bon”, dit-il en parlant de Coulibaly.

Lors d’une perquisition à son domicile, en 2010, les enquêteurs retrouveront 240 cartouches pour Kalachnikov. Il affirme les avoir achetées 1 euro pièce et vouloir les revendre 3 euros dans la rue. Sont également retrouvés cinq clichés pédo-pornographiques, un courrier en arabe de Djamel Beghal sollicitant auprès d’Omar Bouallouche, l’un des chefs d’un réseau Takfir en Europe, des faux documents administratifs pour “des impératifs d’une très grande importance qui dépassent mes intérêts personnels”. Chez Coulibaly, il y a aussi une machine à compter les billets, pièce incontournable de la panoplie du parfait malfaiteur.

“Une religion de façade”

Fréquentant les islamistes, Coulibaly pratique, pourtant, selon la justice, “une religion de façade”. Sa femme Hayat contribue à donner cette impression :

Amedy n’est pas vraiment très religieux, il aime bien s’amuser, tout ça, il travaille chez Coca-Cola, il n’est pas du genre à se balader tout le temps en kamis, la tenue traditionnelle”, témoigne-t-elle sur procès-verbal.

Interrogé par le juge d’instruction antiterroriste, Thierry Fragnoli, sur les dissensions entre les chiites et les sunnites, Coulibaly répond : “Je ne sais rien. Je ne me casse pas la tête avec cela, c’est de la perte de temps”. Par contre, le magistrat remarque son intérêt prononcé pour un seul aspect de l’islam : la possibilité de prendre une seconde femme, une question qui nourrit ses échanges avec son émir Djamel Beghal. “Cet intérêt, très circonscrit et pour ne pas dire utilitariste de la religion musulmane, laissait dubitatif sur la sincérité et la réalité de son engagement spirituel”, note le magistrat instructeur.

J’essaie de pratiquer le minimum obligatoire comme la prière, le ramadan, etc. mais j’y vais doucement”, minimise alors l’apprenti-terroriste.

Adepte de la Taqyia, l’art de la dissimulation

La réalité est bien plus complexe. Il semble être un adepte de la Taqyia, cet art de la dissimulation qu’enseignent les islamistes les plus radicaux pour mieux abuser “les mécréants”. Une conversation interceptée entre Coulibaly et “l’émir” Beghal aurait dû attirer l’attention des enquêteurs. L’apprenti terroriste demande :

Tu sais, quand on dit que quand tu décèdes il faut pas laisser de dettes ?”, débute-t-il. “Est-ce qu’il y a des circonstances où on peut partir avec des dettes ?”

A cette date, Coulibaly envisage-t-il déjà de mener une attaque-suicide ? Les policiers ne jugent pas nécessaire de creuser cette piste.

Lors de son procès en octobre 2013, il est condamné à cinq ans de prison. “Personnalité immature et psychopathique”, décrivent les experts psychiatres et psychologues relevant la “pauvreté de ses capacités d’introspection”, “le caractère très rudimentaire de la motivation de ses actes”, “son sens moral très déficient”, “s’inscrivant au travers de ses actes dans la recherche de puissance”. Un proche du dossier qui l’a côtoyé à cette époque-là ajoute : “Seul garçon élevé au milieu des filles, il cherchait toujours quelque chose pour affirmer son ascendant.” A Bagneux, dans l’appartement du couple, les policiers ont découvert en mai 2010 une pièce dédiée à la musculation.

Couple modèle ?

Prisonnier modèle lors de sa détention à Villepinte, Amedy Coulibaly passe son brevet de secourisme, n’écopant que d’une légère peine pour détention de portable. Gravement malade, le père de Coulibaly décède durant la dernière détention de son fils. Avec toutes les peines du monde, son avocate de l’époque obtient auprès du juge d’instruction le droit pour le fils d’aller faire une dernière visite à l’hôpital mais pas d’assister à l’enterrement. Bénéficiant d’une remise de peine, Amedy Coulibaly sort en mars 2014. Il est toutefois tenu de porter un bracelet électronique jusqu’en mai de la même année. Avec sa femme, il quitte Bagneux pour emménager dans un immeuble propret du centre-ville de Fontenay-aux-Roses, à deux pas du RER. Au milieu des retraités et des cadres moyens, le couple ne fait aucune vague.

Ces derniers temps, selon ses proches, Hayat Boumeddiene avait abandonné le niqab pour revenir au foulard. Elle semblait plus sereine depuis son retour de La Mecque à l’automne 2014. Le couple s’est également rendu au Mali pour se recueillir sur la tombe du père. Amedy Coulibaly se rend régulièrement à Grigny pour rendre notamment visite à sa mère diabétique. Aux copains qu’il croise alors, il dit chercher du travail.

500 appels avec Chérif Kouachi en 2014

Pourtant, dans la même période, les contacts avec Chérif Kouachi, son ancien codétenu de l’époque de Fleury-Mérogis, s’intensifient. Sur l’année 2014, les enquêteurs ont dénombré plus de 500 appels entre les deux portables enregistrés au nom de leur compagne et régulièrement utilisés par leurs maris. Dans sa vidéo de revendication de ses attentats, Amedy Coulibaly, alias Abou Bassir Abdallah al-Ifriqi, son nom de guerre, affirme avoir donné quelques milliers d’euros aux frères Kouachi pour financer l’attaque de “Charlie Hebdo”. D’où venait cet argent qui a entre autres permis d’acheter l’arsenal de guerre retrouvé dans l’une de ses planques à Gentilly ?

Dès samedi, la mère et les sœurs d’Amedy Coulibaly ont condamné publiquement les actes sanglants perpétrés par leur fils et frère. La famille d’Hayat Boumeddiene ne s’est pas encore exprimée mais elle est tout aussi choquée. “Ses frères et sœurs sont anéantis. Ils sont français, ils travaillent, ils ne comprennent pas comment le nom de leur famille peut être mêlé à tout ça”, témoigne une proche amie de l’une des sœurs. “Quand j’ai vu son visage apparaître sur toutes les télés vendredi, je me suis mise à trembler et j’arrivais plus à m’arrêter”, raconte Leila, son amie d’enfance.

Je pense qu’elle s’est fait ‘engrener’ par son mari”, veut croire Nadia.

Leila et Nadia, l’estomac noué, le cœur en vrac, ont participé à la marche républicaine dimanche après-midi à Paris.

Source: tempsreel.nouvelobs.com

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