L’incident du 22 juillet à l’Ambassade du Mali à Rabat, pouvait ne pas atterrir devant les tribunaux comme c’est le cas actuellement. Cela n’honore pas du tout le Mali et l’on sait que des différends entre représentants diplomatiques du Mali à l’étranger, il y en a souvent, mais on parvient à les gérer selon les règles discrétionnaires qui caractérisent le métier de diplomatie. En s’intéressant aux dessous de cette affaire de l’Ambassade du Mali à Rabat, qui suscite maintenant polémique et déballage, beaucoup de questions se posent et qui font oublier l’altercation elle-même. Il y a, alors, de la part de l’Etat, de quoi donc revoir de fond en comble le fonctionnement des représentations diplomatiques.
Deux femmes diplomates qui se bagarrent au sein de l’Ambassade du Mali à Rabat, c’est la triste image que les Maliens retiennent de cette altercation physique survenue le 22 juillet 2020. Ce n’est que l’aboutissement d’une guéguerre entre deux diplomates. Il s’agit de la Troisième conseillère de l’Ambassade du Mali à Rabat, Madame Coulibaly Binta Thiandé Traoré et l’Agent Comptable, Mme Maïga Fadimata Mahamane Dicko qui en sont venues aux mains.
La première question qui se pose : comment et pourquoi n’y a-t-il pas eu une réaction vigoureuse des autorités pour mettre fin à la tension entre les protagonistes avant l’affrontement physique ? L’autorité de l’ambassadeur qui les a entendues en présence d’une partie du personnel de la représentation diplomatique n’aura servi à rien parce que la rencontre fut transformée en une séance d’invectives et d’accusations mutuelles.
Selon une source que nous avons approchée pour en savoir davantage, cet incident met à nu les problèmes de fonctionnement interne des représentations diplomatiques et il y a donc lieu d’en tirer des enseignements pour éviter que pareilles situations ne se reproduisent. La bagarre entre les deux femmes ne doit d’ailleurs pas occulter les problèmes de fond qui ont dû provoquer entre les deux diplomates une atmosphère à la senteur de souffre.
Selon toujours notre interlocuteur, qui nous a livré des détails croustillants que nous nous gardons de publier maintenant pour ne pas gêner le déroulement du dossier désormais entre les mains de la justice, “en s’intéressant aux causes de cette altercation, nous, au niveau du corps diplomatique, nous n’aurions pas souhaité que cela se déroule comme c’est le cas actuellement parce que nous voulions éviter le déballage. Nous avions d’ailleurs espéré un règlement à l’amiable comme ce fut tenté, mais tout le monde a été surpris de la tournure prise par cette affaire, lorsque nous avons appris que le ministre des Affaires étrangères a demandé la mise en route sur Bamako de la Troisième conseillère, pour déférer à une convocation de la justice”.
Effectivement, c’est par lettre n°0079 MAECI-SG du 29 janvier 2021 que le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a instruit à l’Ambassadeur du Mali à Rabat de “mettre en route pour Bamako Madame Coulibaly Binta Thiandé Traoré, Troisième conseiller en service sous vos ordres afin de répondre à une convocation du Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la commune IV du district de Bamako.”
Dans cette même, on peut lire que “les frais pour cette mise en route sont à la charge de l’Ambassade” donc à la charge du contribuable malien pour un conflit qui pouvait être évité, surtout pour des gens qui se retrouvent à un certain rang dans la diplomatie.
Il nous revient que des problèmes d’achat d’équipements ont rendu les relations sulfureuses entre la Troisième Conseillère et l’Agent-comptable et la situation allant de Charybde en Scylla, il y a eu cette affaire de paiement de salaire qui a provoqué l’explosion de la marmite qui était en train de trop bouillir. Qui a raison et qui a tort dans cette affaire d’équipements ? Nous donnons notre langue au chat, tout en restant très avide de la savoir. Ce qui ne se fera pas par la justice qui se limitera à se pencher sur la séance de pugilat.
Il faut préciser que, “frustrée par une absence d’équipements à son domicile après huit (8) mois passés à Rabat, en plus de la situation relative au blocage de l’allocation de son conjoint resté finalement à Bamako”, comme l’a déclarée Mme la Troisième conseillère à la hiérarchie et à l’Inspection des Services diplomatiques, elle est sortie de ses gonds pour aller jusque dans le bureau de l’Agent-comptable afin de l’interpeller vigoureusement. Devait-elle le faire ? En tout cas, ce qui devait arriver, arriva.
Et nous apprenons qu’elle a tenté de se rebiffer en présentant en demandant à se faire pardonner. Mais ses excuses n’ont pas été acceptées, comme en témoigne la plainte déposée contre elle et qui lui a valu une mise en route sur Bamako pour déférer à une convocation de justice.
Puisque le vin est tiré, il ne reste qu’à le boire jusqu’à la lie : il appartient donc à la justice de trancher. Mais Dame justice s’en tiendra certainement aux faits de violence, disons à la bagarre. Il appartient donc à l’Etat d’aller au-delà de l’altercation physique, pour analyser les causes et motivations de l’une comme de l’autre afin de prendre des mesures pour que cela ne se renouvelle dans une autre Ambassade car, comme nous le confie un ancien diplomate : “Vous ne pouvez savoir combien de membres du corps diplomatique souffrent stoïquement de dysfonctionnements administratifs et d’incongruités financières imposés par un système qui se nourrit de l’omerta.”
Amadou Bamba NIANG
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UN CADRE DU MINISTèRE DES AFFAIRES éTRANGèRES RéAGIT à NOTRE ARTICLE
“Le DRH Broulaye Traoré a été accusé à tort. Il n’a ni pouvoir ni compétence de nommer quelqu’un dans une ambassade”
Dans notre dernière parution, nous avions titré “Mauvais comportement des diplomates maliens à l’Etrangers, le Directeur des ressources humaines (DRH) du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale Broulaye Traoré indexé”. Aussitôt après la publication de cet article, nous avons été approchés par un cadre du département des Affaires étrangères qui dit être surpris du fait que Broulaye Traoré soit cité dans l’article de presse comme étant celui qui a “une main mise au niveau du ministère sur les mouvements dans les représentations diplomatiques maliennes à l’étranger”.
“Broulaye Traoré a été accusé à tort, il n’a aucun pouvoir de nommer quelqu’un dans une ambassade. La nomination d’un ambassadeur est une tâche qui relève du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat. Même pour les conseillers au niveau des ambassades, ils sont nommés aussi par décret pris en conseil des ministres”, a expliqué notre source. Pour lui, la tâche du DRH lors du processus de nomination se limite seulement à faire la situation du personnel. “S’il y a un mouvement en vue on demande au DRH de faire la situation du personnel. Il s’agit de dresser un tableau avec les noms et prénoms, expériences professionnelles et profil…. Ces informations sont transmises au Secrétariat général du département qui travaille sur le dossier avec le Cabinet du ministère avant de le remettre au ministre” a-t-il expliqué. Ce n’est pas tout, le ministre à son tour soumet le dossier à l’appréciation du Premier ministre, qui le transmet au président de la République. “A ce stade, les services spécialisés de la Présidence de la République peuvent mener leur propre enquête sur la personne proposée. C’est au terme de tout cela que le dossier est introduit en conseil des ministres pour approbation. Juste pour vous dire que, dans ce cheminement, le directeur des ressources humaines ne peut rien imposer. Et en plus de cela, le syndicat veille sur les nominations comme du lait sur le feu”, soutient notre interlocuteur.
S’agissant de l’altercation entre les deux diplomates à Rabat, notre source de poursuivre qu’évidemment, comme nous l’avons écrit, une mission d’inspection composée du DRH et de l’inspecteur en chef des services diplomatiques s’est rendue au mois de décembre 2020 dans le Royaume chérifien pour écouter les protagonistes. “Au retour de cette mission des recommandations fortes ont été faites et allaient être appliquées. Mais celle qui a porté plainte contre sa collaboratrice n’a pas été patiente”, a fait savoir le cadre du département.
S’agissant toujours du processus de nomination au niveau des ambassades, l’intéressé de compléter que les noms des secrétaires agent-comptables et des porteurs d’uniforme sont proposés respectivement par le ministère de l’Economie et des finances, les ministères de la Défense, de la Sécurité, ce, conformément au décret fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement des missions diplomatiques et consulaires. “En somme le DRH Broulaye Traoré, à l’instar des autres DRH au Mali, n’a pas encore le pouvoir de nomination dans les départements”, conclut la même source.
Kassoum THERA
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L’AFFAIRE DE DEUX FEMMES DIPLOMATES DEVANT LA JUSTICE :
Le délibéré pour la mise en liberté de Mme Coulibaly Binta attendu ce mardi
L’affaire de deux femmes diplomates qui se bagarrent au sein de l’Ambassade du Mali à Rabat se retrouve finalement devant la justice puisque la 3ème Conseillère, Mme Coulibaly Binta Thiandé Traoré, se trouve en prison pour femmes de Bollé. Suite à une plainte de l’Agent Comptable, Mme Maïga Fadimata Mahamane Dicko, elle a été placée sous mandat de dépôt du Procureur.
Mercredi dernier, s’est tenue devant le tribunal de la Commune 4 l’audience pour la demande de mise en liberté. Malheureusement, le juge a mis en délibéré pour le 2 mars prochain.
Source: Aujourd’hui-Mali