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Amadou Koné : La poésie dans la peau

Ce handicapé moteur monnaie son talent de poète en vendant ses œuvres dans les rues de la Cité des Balanzans. Mais les visiteurs se faisant rares dans la ville actuellement à cause de l’insécurité, il a vu ses gains diminuer

 

À peine le soleil se lève sur Ségou, Amadou Koné, la voix suave, berce déjà les résidents des auberges installées le long des berges du fleuve Niger. Assis au loin dans son fauteuil roulant de couleur rouge, celui qui aime se faire appeler «poète» déclame ses poèmes aussi croustillants les uns que les autres. Ce handicapé moteur vit de son talent de poète depuis plus de 20 ans.

Amadou Koné est né un 10 avril 1979 à Ségou au quartier de «Sokalakono» où il réside. Il avait 2 ans quand il perdait l’usage de ses deux jambes à cause de la poliomyélite. Mais, l’audace, l’opiniâtreté et la capacité de persuasion et son ingéniosité vont vite l’aider à découvrir et forger un talent de poète. L’amour et la mélancolie l’inspirent dans ses œuvres. Et à force de fréquenter les berges du Niger, il a pris goût à l’écriture. Amadou Koné a plusieurs poèmes à son actif, le premier remonte à 2001. Parmi ses œuvres, figurent : «Les Feux de l’Amour».

Publié en juin 2006, ce recueil contient des titres comme : «Si j’étais toi», «Aveux d’amour», «Mise en rose», «Ma passion», «Renaissance», etc. Aux étrangers qu’il rencontre pour la première fois, il fait l’éloge de ses poèmes qu’il tient à la main, imprimés sur une feuille volante. Une manière pour lui de les inciter à acheter son recueil de poèmes. Cette activité qu’il mène toute la journée, est devenue son gagne-pain. Mince et petit de taille, son sourire éclatant laisse apparaître des dents jaunâtres comme celles d’un croqueur de colas. Son regard vif et sincère séduit au premier coût d’œil. Cet orphelin de père et de mère habite la maison paternelle. Aîné d’une fratrie de sept, dont trois filles (toutes mariées) le «poète» est célibataire sans enfant. «Faute de moyens», s’empresse-t-il d’ajouter.

Le poète a fait un cursus scolaire normal. Il a décroché le Diplôme d’études fondamentales (DEF) en 1999 à l’école Bandjougou Bouaré. Ce sésame en poche, l’enfant de la ménagère feue Nbaye Traoré est orienté à l’École secondaire polytechnique Danzié Maïga de Ségou où il obtient son Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) en 2003 en Secrétariat de direction. Le fils aîné de feu Bala Koné, employé au Conseil de cercle de Ségou, officie durant une année à la direction régionale de l’Urbanisme au compte du contingent 2019 du programme de stage de l’Agence pour l’emploi des jeunes (Apej).

Depuis, la vente des recueils de poème lui permet de subvenir à ses petits besoins et gagner dignement sa vie. «Certaines personnes qualifient les handicapés de mendiants et d’autres nous jettent toute sorte de mots à la figure. Pour me mettre à l’abri de ces clichés, mes parents m’ont inscrit à l’école et, dès lors, je me bats jour et nuit pour renforcer mes capacités», sourit le poète qui se dit éternellement reconnaissant à ses parents. Amadou Koné rêve de suivre les traces des grands écrivains comme Amadou Hampaté Bâ, Victor Hugo, Sembène Ousmane et Seydou Badian Kouyaté. Mais, avant il souhaite fonder un foyer, trouver un emploi salarié stable.

Le bonhomme sort très tôt le matin et rentre à 15 heures. Souvent, il peut vendre cinq à six recueils de poèmes par jour. Pas de prix fixe. Il se contente «de ce que les clients lui donnent». Les touristes étrangers, eux, les achètent 2.000 Fcfa l’unité, sans en discuter le prix. C’est ainsi qu’Amadou Koné a pu s’acheter deux chaises roulantes pour pouvoir se déplacer facilement.

Mais les temps ont changé. «C’est la période des vaches maigres. Depuis l’avènement de la crise sécuritaire en 2012, les visiteurs se font rares dans la ville. Seules quelques grandes personnalités résidant dans les hôtels, achètent mes recueils», se plaint-il. Son frère enseignant, Bakary Koné, loue le courage de son grand frère. «Amadou se débrouille pour vendre ses poèmes et il contribue aux petites dépenses de la famille».
Son ami d’enfance, Kader Diarra, n’est pas surpris de le voir écrire des poèmes. Et il se dit convaincu que son copain sera, un jour, un grand poète. N’est-ce pas là le rêve du poète Amadou Koné ?


F. C.

Source : L’ESSOR

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