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Alioune Nouhoum Diallo déclare: «Le 22 mars 2012 n’effacera jamais le 26 mars 1991»

L’occasion de l’anniversaire du 26 mars 1991, le premier président de l’Assemblée nationale du Mali démocratique s’est exprimé sur l’avènement de la démocratie dans notre pays, sur l’actualité socio-politique et surtout sur les évènements du 22 mars 2012. En tant que militant de première heure de la lutte pour la démocratie, M. Diallo n’a pas reconnu le coup d’Etat qui a évincé le général-président Amadou Toumani Touré du pouvoir. Il était l’invité de la semaine sur l’Ortm. Lisez le contenu !

Aly  Nouhou Diallo

Aly Nouhou Diallo

Quel souvenir gardez-vous de la  soif  de démocratie en mars 1991 ?

C’est la détermination et l’engagement, mais surtout le courage, la témérité des hommes qui dirigeaient clandestinement et semi-clandestinement ce mouvement. Cette audace et cette témérité faisaient penser à une fameuse phrase de Karl Max.

Comme haut acteur du mouvement, c’était un couronnement ?

Le 26 mars 1991, c’est une étape très importante, parce qu’il s’agit de la conquête de la liberté démocratique, de l’ancrage des libertés démocratiques. Donc, l’instauration d’une tradition de vie démocratique faisant suite à une tradition de lutte démocratique qui est antérieure. Et instaurer une vie démocratique, ça demande des étapes.

 Le 26 mars 1991 continue d’être une date importante pour vous ?

Absolument. Mais, une étape et non un couronnement. Parce que, qui dit couronnement, dit une fin.

 Vous avez parlé de cette soif en son temps. Pouvez-vous nous rappeler l’idéal du 26 mars 1991 ? 

Je crois que c’était un idéal qui avait des rêves, des aspirations et des expériences. C’est sûr, l’idéal était un Mali grand, un Mali prospère, un Mali de justice sociale, un Mali de liberté d’expression. Comme j’allais dire, il n’y a plus difficile que de geler la liberté. Un de nos problèmes essentiels, a été que nous avons réclamé un multipartisme intégral ici et maintenant. Nous avons réclamé la liberté d’expression, tous azimuts. On n’avait pas mesuré jusqu’à quel point  la marmite est assez bouillante.

 22 ans de parcours déjà, vous qui étiez là au départ et vous savez  quelle était la démocratie qu’on voulait construire. Est-ce que c’est cette démocratie qu’on voulait en mars 1991?

Je pense qu’on a réussi largement, à telle enseigne que toutes les difficultés étaient de maîtriser ces forces qu’on a libérées. Toute la difficulté était là. Il n’était pas possible pour le président Alpha Oumar Konaré, pour le Premier ministre Ibrahim Boubacar Kéïta, pour le président de l’Assemblée nationale, Alioune Nouhoum Diallo qui se sont mobilisés pour la liberté. Ce n’était pas du tout aisé, pour faire comprendre au moins qu’il y a un Etat. Il a fallu toute l’énergie d’Ibrahim Boubacar Kéïta, soutenu par son président de la République et le président de l’Assemblée nationale et tous les députés Adéma-Pasj, largement majoritaires à l’époque. Aussi, soutenu par le parti et les forces démocratiques de l’époque pour qu’on montre qu’un Etat existe. Vous vous souvenez de tous les cris, quand un Zarawana se trouvait en prison ; et quand mon frère feu Mamadou Lamine Traoré ou Mountaga Tall, Seydou Badian Kouyaté ou doyen Sylla se sont retrouvés en prison. Ce n’était pas aisé d’expliquer qu’il y a des moments où l’Etat doit s’exprimer, malgré la démocratie.

 Quelle appréciation globale faites-vous de ce parcours ?

Je crois que dans l’ensemble, nous avons avancé en matière de démocratie, contrairement à tout ce que j’entends. Démocratie de façade, ceci, cela. Je peux dire que c’est triste que nous commémorons le 26 mars 1991, alors que Boukary Daou, Directeur de publication du journal Le Républicain, acteur du 26 mars comme beaucoup de jeunes journalistes de l’époque, est en prison. Un Boukary Daou, malgré qu’il soit un symbole aujourd’hui soit en prison, avant la commémoration du 26 mars 1991, je crois qu’il y a quelque part une douleur pour moi en tant que démocrate. Je suis sûr que le Procureur Daniel et le président de la République Dioncounda Traoré, ancien Directeur du journal Alternance (Alliance pour la démocratie au Mali), à mon amble avis, seraient mieux inspirés pour nous permettre de le voir libre.

 Selon vous, quelle serait l’avancée de la démocratie ? Sur quels points avons-nous vraiment réussi ? 

Je pense que c’est dans le domaine de la presse, quelle soit parlée, écrite ou audiovisuelle. Incontestablement, il y a eu des efforts qui ont été faits par ceux qui sont les porte-paroles du Mouvement démocratique. C’est une avancé considérable.  Que le président Alpha Oumar Konaré ait lui-même accepté toutes les caricatures faites sur lui et sur les hommes de la démocratie  pendant une longue période, signifie que ceux qui étaient venus aux affaires comprenaient parfaitement que la liberté de la presse ne doit pas être muselée. Donc,  pour moi, ce sont des avancées sérieuses. Une autre avancée : un coup d’Etat s’est produit le 22 mars 2012, mais immédiatement, tous ceux qui se sont battus pour l’instauration de la démocratie, ont automatiquement dit que c’était un crime imprescriptible. Même l’Assemblée nationale a été obligée de requalifier l’acte pour pouvoir amnistier les auteurs du putsch. On ne parle plus alors de coup d’Etat, mais d’une mutinerie, de pillages, de vols. Ça veut dire que les forces démocratiques, mêmes silencieuses mais si puissantes, pouvaient considérer qu’un coup d’Etat militaire est un acte salutaire, un acte qui fait avancer. Parce que le Mali comptait de vraies forces démocratiques. Toutes ces forces ont montré qu’il faut obligatoirement retourner à l’ordre constitutionnel. C’est une avancée terrible. Les Maliens n’ont pas compris que la majorité était silencieuse pour éviter la guerre civile, un affrontement. Nous, nous savons que des hommes qui n’ont jamais eu  peur  de la mort, ont tout d’un coup refusé de prendre la rue, refusé l’affrontement. L’Assemblée nationale a été assiégée pendant deux mois, mais les hommes étaient déterminés.

 Donc, il faut considérer ça comme une victoire démocratique ?

Absolument. Je peux dire que les forces démocratiques, bien avant le 22 mars 2012,  ont eu l’intelligence du terrain. Le MP22 est venu dans la rue ce jour-là pour effacer la mémoire du 26 mars 1991. Le 22 mars 2012 n’effacera jamais le 26 mars 1991.

 Aujourd’hui, on parle d’effritement total de l’Etat, d’incivisme général, d’autres maux, comme si la démocratie devait nous amener tout ça et qu’il ne faudrait pas un régime dictatorial. Qu’est-ce que vous en pensez ?

La démocratie ne peut être si parfaite, mais c’est le moins mauvais des systèmes que l’homme ait inventé pour pouvoir faire avancer la société humaine. Donc, dictature éclairée, etc. Moi, je pense que le contrôle démocratique par les populations elles-mêmes et par la classe politique, viendra progressivement.

 La question électorale, on sait que c’est important en démocratie. On sait que dans le pays, il n’y a jamais eu de taux de participation satisfaisants aux élections. Cela ne déteint pas aussi quelque part la démocratie ?

Il y a beaucoup de facteurs, à mon avis, qui la faiblissent. Un des facteurs est la baisse du niveau de culture politique et démocratique des populations maliennes. Le deuxième facteur est lié à cette faiblesse de la culture ou à cette absence de la culture démocratique. Parce que, pendant longtemps, dans ce pays, les chefs de famille ont voté pour toute la famille, les chefs de famille ont parfois voté pour tout le village. Donc, la culture démocratie, elle-même, n’est pas là. Bien sûr, on va pointer un doigt accusateur sur les partis politiques, sur la société civile et sur le gouvernement.

Est-ce à dire que, globalement, tout le monde n’a pas pris ses responsabilités ou seulement  le gouvernement ?

Je ne vais jamais pointer un doigt sur une seule partie, parce qu’il faut prendre ça ensemble. Nous avons eu aussi la liberté pendant cette période. Donc, puisque le vote n’est pas obligatoire, pourquoi je vais voter. À mon avis, c’est le stade du développement politique et social de notre société qui est en cause. L’école, ce mot d’ordre, avait été lancé par Alpha Oumar Konaré : «Un village, une école». Mais, pour que cela soit une réalité, il faut que notre peuple soit d’abord alphabétisé et instruit.

 Donc, ça veut dire que ce sont des questions qu’on va résoudre, mais à long terme ?

Absolument.

 Dans le contexte actuel, pensez-vous que les élections sont faisables aux dates prévues ?

Je dis déjà que je suis très sceptique. Aujourd’hui, on ne sait où en sommes-nous avec la conception du fichier électoral. On ne sait pas d’abord si le financement est acquis. Aujourd’hui encore, le pays n’est pas totalement libéré, loin s’en faut. Parce que tous les malheurs sont venus de cette zone où se trouvent uniquement les forces françaises et tchadiennes, les forces militaires maliennes étant absentes.  Il est évident que si ce n’est pas possible et que tout le monde sent que ce n’est pas possible, il faut reporter ces élections. Maintenant, il appartiendra au ministère de l’Administration territoriale, au ministère de la Justice, toutes les forces vives de la Nation et toutes les parties prenantes aux élections de déterminer les dates, avec beaucoup plus de réalisme. Désormais, avec la Cédéao, l’Union africaine, le Conseil de sécurité de l’Onu, il faut voir quelle est la meilleure période. En ce qui me concerne, je l’ai dit plusieurs fois, j’aurais préféré que nous attendions même mars 2014, après que les conseillers municipaux ont fini leur mandat et après modification de la loi électorale. Les élections municipales seront faites d’abord, puis les législatives et enfin les présidentielles, comme nous l’avons fait en 1992. Pour moi, cela est plus démocratique. Il est plus démocratique que les conseillers municipaux déterminent l’élection des députés. Et qu’ensemble, les conseillers municipaux et députés déterminent l’élection du président de la République, plutôt que l’inverse.

 On parle de vieillissement au niveau des hommes politiques. Vous êtes pour le changement, pour de nouvelles têtes, de nouvelles idées ou pour l’expérience des anciens ?

Je ne suis ni pour l’expérience, ni pour un renouvellement. J’estime  qu’un parti est un organisme vivant qui doit analyser et voir, à chaque fois, l’homme du moment, l’homme qu’il faut. À mon avis, il y a un faux problème. Être jeune, n’est pas forcément un critère de politique et n’est pas forcément une preuve de retenue dans l’appétit politique. Il y a des jeunes qui ont des dents très longues.  Et, vice-versa.

Votre mot pour la fin ?

Que Boukary Daou soit libéré, car il ne faut jamais enfermer un homme parce qu’il a exprimé  ses opinions.

Propos transcrits par Oumou DIAKITE

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