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Agence nationale de la sécurité routière (ANASER) : Plus de 625 millions Fcfa d’irrégularités financières décelées de 2016 à 2019

Suite à une saisine et conformément à ses pouvoirs n°030/2019/BVG du 20 septembre 2019 et en vertu des dispositions des articles 2 et 12 de la Loi n°2012-009 du 8 février 2012 abrogeant et remplaçant la Loi n°03-030 du 25 août 2003 l’instituant, le Vérificateur général a initié la vérification afin de s’assurer de la régularité et de la sincérité de la gestion de l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser) au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (31 août). A l’issue de la mission, il ressort que toutes les recettes n’ont pas pu être reconstituées à cause de l’inaccessibilité aux pièces comptables des Régisseurs, l’absence de statistiques fournies par la Direction nationale des transports terrestres maritimes et fluviaux et des différents changements de responsables à l’Anaser. Aussi, la mission de vérification indique que le montant total des irrégularités financières constatées s’élève à 626 371 448 Fcfa. 

S’agissant de la pertinence de la mission, le rapport de vérification rappelle que l’Anaser a pour mission de promouvoir et renforcer la sécurité routière et de contribuer à l’amélioration des conditions d’exploitation du réseau routier. Selon le rapport, entre 2015 et 2019, 2 685 personnes ont perdu la vie sur les routes maliennes. Ces décès sont repartis ainsi qu’il suit 2015 (569 décès), 2016 (541 décès), 2017 (410 décès), 2018 (502 décès) et 2019 (663 décès). Aussi, la tranche d’âge la plus touchée est de 16-25 ans.

Et de poursuivre que de 2009 à 2018, l’Agence nationale de la sécurité routière a enregistré 71 383 cas d’accidents ayant occasionné 85 568 blessés. Ainsi, le problème de l’insécurité routière a pris ces dernières années des proportions inquiétantes devenant une préoccupation majeure en termes de pertes en vies humaines et de dégâts matériels. Pour un changement positif de comportement, l’Agence en collaboration avec les structures partenaires, mène des actions de sensibilisation et de formation des usagers de la route.

A en croire le rapport, suivant le compte de gestion de l’Anaser, les recettes recouvrées sur la période de 2016, 2017, 2018 s’élèvent à 4 254 948 006 Fcfa pour des dépenses de 4 002 169 240 Fcfa. Et lors du passage de la mission, toutes les données de l’année 2019 n’étaient pas encore disponibles. Donc, vu l’importance des problèmes liés à l’insécurité routière et à la suite d’une saisine anonyme, en date du 19 août 2019, relative à la mauvaise gestion financière de l’Anaser, le Vérificateur général a jugé opportun de lever une mission de vérification financière à l’effet de contrôler la régularité et la sincérité des opérations de recettes et de dépenses effectuées par l’Anaser au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (31 août). Aussi, il convient de souligner que l’Anaser n’a encore fait l’objet d’aucune vérification initiée par le Vérificateur général.

Cumul des fonctions

 incompatibles 

En ce concerne les constatations et recommandations, celles-ci sont relatives aux irrégularités administratives et financières. Et d’ajouter que les irrégularités administratives relèvent des dysfonctionnements du contrôle interne, notamment le non renouvellement du mandat des membres du Conseil d’administration de l’Anaser qui a expiré depuis 2016, le non-respect du cadre organique, le cumul des fonctions incompatibles par le directeur général de l’Anaser, l’absence d’expressions de besoins écrites a conduit à des achats importants de produits qui ne correspondaient pas à des besoins réels de l’Anaser, l’attribution des marchés à des titulaires qui ne respectent pas les critères de qualifications des données particulières de l’Appel d’offres.

La mission de vérification a également constaté que l’Agent comptable ne conserve pas des pièces justificatives. En effet, il ressort que le chef du Service administratif et financier ne tient pas correctement le registre d’enregistrement des offres. Ainsi, la non tenue du registre ne permet pas une traçabilité de l’enregistrement chronologique des offres et constitue une violation du principe de transparence des procédures de passation de marchés. Aussi, le chef du Service administratif et financier procède à des simulations de mise en concurrence. Alors que le non-respect de la mise en concurrence des fournisseurs peut affecter l’économie et l’efficacité dans les procédures d’acquisitions.

La mission a également décelé que le Régisseur d’avances a payé des factures non certifiées par le comptable-matières, la non certification des factures par le comptable-matières peut affecter la réalité des dépenses effectuées. Aussi, le comptable-matières n’a pas procédé à la codification de tout le matériel, l’absence de la codification ne permet pas d’identifier à tout moment les biens meubles et immeubles, l’absence de statistique est une limite au contrôle et au suivi de l’exhaustivité des recettes de l’Anaser recouvrées par l’Agent-comptable, le non reversement régulier des redevances prive l’Anaser de l’exhaustivité des recettes à temps opportun et peut compromettre l’atteinte des objectifs.

Non renouvellement du mandat des membres du CA

Au chapitre des recommandations, la mission de vérification recommande au ministre chargé des Transports à veiller au renouvellement du mandat des membres du CA, au directeur général de l’Anaser à pourvoir le poste d’Auditeur interne, veiller au principe de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable, effectuer des achats sur la base de besoins formalisés, s’assurer du respect des critères de qualifications des données particulières de l’Appel d’offres dans le choix des fournisseurs, faire exécuter uniquement les marchés par les attributaires respectant toutes les formalités exigées.

Les vérificateurs ont également demandé à l’Agent-comptable de l’Anaser d’assurer un suivi régulier des recettes de l’Anaser et une conservation des pièces justificatives conformément à la réglementation en vigueur. Et au chef du Service administratif et financier à faire figurer, dans le registre d’enregistrement des offres, toutes informations permettant d’assurer la traçabilité du dépôt des offres ; veiller au respect du principe de la mise en concurrence dans le cadre de l’exécution de la commande publique.

Quant au Régisseur d’avances de l’Anaser, il lui est demandé de faire certifier toutes les factures par le comptable-matières, procéder à la codification de tout le matériel de l’Anaser et porter les codes sur lesdits matériels. La mission de vérification estime que les directeurs régionaux des transports terrestres et fluviaux doivent fournir mensuellement à l’Anaser les documents de suivi exigés et les Régisseurs de recettes des Directions régionales et subdivisions des transports terrestres et fluviaux doivent procéder régulièrement au reversement journalier des recettes de l’Anaser.

Au titre des irrégularités financières, il ressort du rapport que le montant total de celles-ci s’élève à 626 371 448 Fcfa. Ainsi, il ressort que le Régisseur d’avances de l’Anaser a transféré des fonds sans exiger les pièces justificatives des dépenses effectuées sur des fonds transférés pour un montant total de l’irrégularité s’élevant à 655 700 Fcfa.

Frais de mission non justifiés

Le rapport indique que l’Agent-comptable de l’Anaser a payé des contrats de marchés non revêtus de la preuve de liquidation de la redevance pour un montant desdites redevances non payées qui s’élève à 837 472 Fcfa. Aussi, la mission a constaté que l’Agent-comptable de l’Anaser a irrégulièrement justifié des indemnités de déplacement et de mission relatives à des missions à Kayes du 25 au 27 mai 2017 et à Sikasso du 06 au 07 janvier 2018 dont les reliquats n’ont pas été justifiés pour un montant de 214 740 Fcfa. En effet, les ordres de mission n°4296, n°4536, n°42, n°876, et n°1853 relatifs à des missions à l’intérieur et à l’extérieur du pays n’ont été visés ni à l’arrivée, ni au départ par les autorités habilitées pour un montant de 5 213 750 Fcfa.

Par ailleurs, le Régisseur d’avances n’a pas justifié des frais de mission. Elle a constaté que pour des missions effectuées à l’intérieur du pays en 2016, le Régisseur d’avances a payé des avances qui n’ont pas été justifiées par les agents de l’Anaser. En effet, les avances à justifier figurant sur les budgets de mission appuyées par les bordereaux d’émission n°5 et n°27 n’ont pas été justifiées pour un montant de 704 744 Fcfa.

Le rapport souligne que le Régisseur d’avances et l’Agent-comptable ont payé des fournisseurs qui ont présenté des NIF non conformes. Ainsi, pour s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a examiné les factures payées par le Régisseur d’avances et par l’Agent-comptable. La mission a aussi vérifié l’existence des NIF portés sur lesdites factures dans la base des contribuables donnée par la Direction générale des impôts (Dgi). Elle a aussi constaté que des factures portant des NIF non conformes ont été payées par le Régisseur d’avances et l’Agent-comptable de l’Anaser. En effet, il s’agit des fournisseurs dont les factures comportaient les NIF qui ne figurent pas dans la base des contribuables donnée par la Dgi, des fournisseurs qui ont utilisé le NIF d’autres fournisseurs sur leurs factures dont le montant de ces irrégularités s’élève à 15 607 300 Fcfa.

Les vérificateurs ont également décelé que le directeur général effectue des attributions irrégulières de dotations en carburant. En effet, il a octroyé des dotations en carburant à des personnes ne faisant pas partie de l’effectif de l’Anaser. Il s’agit, notamment, du Délégué du contrôle financier et d’un administrateur du CA pour un montant total de l’irrégularité s’élevant à 723 592 Fcfa.

Un même véhicule bénéficie deux fois des frais d’entretien

et réparation à la même date

 et par le même fournisseur

Les vérifications ont révélé que l’Agent-comptable de l’Anaser a payé des dépenses irrégulières après avoir constaté qu’un même véhicule a bénéficié deux fois des frais d’entretien et réparation à la même date et par le même fournisseur. En effet, précise le rapport, l’Agent-comptable a payé la même prestation et les mêmes produits d’entretien deux fois pour l’entretien et la réparation du même véhicule BB1763MD. Et les paiements sont matérialisés par les mandats n°526 et n°467, les factures n°22 et n°07 toutes du 22 mars 2019 pour des montants respectifs de 772 000 Fcfa et de 395 300 Fcfa et les attestations de service fait, portant la même date du 31 juillet 2019 dont le montant total de la prestation s’élève à 1 167 300 Fcfa. En outre, le rapport note que l’Agent-comptable n’exige pas le reversement de toutes les recettes dues à l’Anaser car l’équipe de vérification a constaté que les recettes issues de la redevance à l’occasion du contrôle technique des véhicules ne sont pas totalement reversées à l’Anaser parce que sur 1 575 000 000 Fcfa représentant le montant total des redevances collectées pendant la période sous revue, 1 301 674 250 Fcfa seulement a été versé d’où un écart de 273 325 750 Fcfa.

Le rapport indique que le Régisseur de recettes de la rive droite de l’ONT n’a pas reversé l’intégralité des recettes de l’Anaser. En effet, l’équipe de vérification a constaté que sur 1170 quittances examinées et saisies par l’équipe de vérification, 119 n’ont pas été arrêtées par la RGD. Et de poursuivre que la réponse à la lettre n°707/2019/BVG du 20 novembre 2019 confirme le non reversement des recettes par le Régisseur de recettes de la rive droite allant de juillet à décembre 2018 et celles de janvier et février 2019 pour un montant des redevances recouvrées non versées  à hauteur de 146 776 000 Fcfa.

Le document de vérification nous révèle que les faits dénoncés et transmis au président de la Section des comptes de la Cour suprême et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, sont relatifs aux décaissements de fonds non justifiés pour un montant de 655 700 Fcfa, à la redevance de régulation non recouvré pour un montant de 837 472 Fcfa, aux frais de mission non justifiés pour un montant de 5 533 234 Fcfa, aux paiements de fournisseurs ayant présenté des factures avec des NIF non conformes pour un montant de 15 607 300 Fcfa, aux achats irréguliers de carburant pour un montant de 723 592 Fcfa ; au non reversement des produits issus de la vente de DAO pour un montant de 112 000 Fcfa ; au paiement des dépenses irrégulières pour un montant de 1 167 300 Fcfa ; au non recouvrement par l’Agent-comptable de l’intégralité des redevances de la sécurité routière de Mts pour un montant de 454 958 850 Fcfa ; au non reversement de l’intégralité des redevances par le Régisseur rive droite de l’ONT pour un montant de 146 958 850 Fcfa.

Non maitrise de l’exhaustivité du reversement des recettes

En conclusion, la vérification de la régularité et de la sincérité des recettes et des dépenses de l’Anaser a relevé des insuffisances et lacunes, notamment l’absence d’un suivi rigoureux et régulier du recouvrement des redevances.

Les recettes de l’Anaser sont collectées au niveau de la Police, du Groupement mobile de sécurité, de la Brigade des motocyclistes, de la Direction régionale des transports terrestres et fluviaux et de Mali Technic System (Mts) qui font des reversements sur les comptes bancaires de l’Anaser. Cependant, il ressort que l’Anaser ne maitrise pas l’exhaustivité du reversement de ses recettes par ces différentes structures, ce qui s’explique a priori par un manque de suivi rigoureux du reversement et par l’inaccessibilité aux documents comptables des Régisseurs de recettes qui doivent prouver le reversement.

Ensuite, il ressort que la RGD ne joue pas pleinement son rôle car les quittances sont délivrées aux Régisseurs sans la justification des recettes recouvrées antérieurement. Cette situation engendre un risque de non reversement de la totalité des redevances. Au regard de la diversité des acteurs intervenant dans la chaîne de la sécurité routière, une synergie d’actions entre lesdits acteurs reste une dimension importante dans la réalisation d’actions de l’Anaser.

Aussi, l’Agence n’ayant pas accès aux quittances, se contente des états nominatifs fournis pas ces différents Régisseurs. Cela ne permet pas à l’Agent-comptable d’effectuer un contrôle adéquat. Enfin, les recettes recouvrées par l’Anaser sont destinées essentiellement à la sensibilisation et à la formation des cibles, notamment le port des casques, l’aménagement des voies publiques, le contrôle routier. Malgré toutes ces campagnes de sensibilisation, l’insécurité routière demeure et reste un problème crucial pour la population malienne. Par ailleurs, l’équipe de vérification a noté l’absence d’étude d’impact ou de performance des activités de l’Anaser sur le comportement de la population. A ce titre, la conduite d’une étude s’avère une nécessité. A cet effet, l’Anaser doit initier des mécanismes, en rapport avec les juridictions, pour le recouvrement des amendes issues des jugements rendus en matière de délits et de contraventions de grandes voiries.

     Synthèse de Boubacar PAÏTAO

Source: Aujourd’hui-Mali

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