L’Afrique a un gap de 100 milliards de dollars annuel pour financer le besoin en infrastructures. La palette d’experts et d’acteurs qui gravitent autour du secteur a, durant les deux jours d’échanges de la 4ème Conférence des BTP et des infrastructures en Afrique, tenue les 14 et 15 décembre 2017 à Dakar, indiqué la voie à suivre pour résorber le gap qui devrait permettre au continent de disposer d’infrastructures vecteur de croissance économique et de développement.
« L’Afrique est le continent le moins doté en infrastructures et cela constitue un grand frein à l’émergence ». Ce constat est du ministre délégué chargé du développement du réseau ferroviaire du Sénégal, M. Abdou Ndéné Sall. C’était à l’ouverture de la 4èmeConférence organisée par cabinet Kaizene sur la « Croissance économique face aux enjeux infrastructurels en Afrique ».
Le besoin en financement des infrastructures est énorme en Afrique. Il est estimé à plus de 100 milliards de dollars annuel pour doter le continent d’outils devant lui permettre de réaliser les taux de croissance attendus et booster le développement économique. La Banque Africaine de Développement (Bad) dans le chapitre infrastructure de ses cinq priorités l’a toujours rappelé.
Un tableau qui confère une place centrale à la question du financement des infrastructures.
Le président directeur général d’Atlantic Financial Group Central and East Africa, Léon Koffi estime que les Etats africains doivent faire avancer l’agenda de la cash économique pour donner plus d’efficacité en matière de mobilisation des ressources surtout en élargissant l’assiette fiscale.
Pour lui, la lancinante question du financement oblige à développer la collaboration entre le secteur privé et le secteur public. Ce qui, à son avis, permettrait d’orienter les politiques publiques en matière d’infrastructures.
Ainsi, face à la rareté des ressources, M. Koffi pense qu’il faut rationaliser les dépenses mais surtout lutter contre les flux financiers illicites qui sont estimés à plus de 50 milliards de dollars annuels en Afrique.
Dans cette dynamique, il invite à faire un focus sur l’entretien des infrastructures mises en place pour éviter des dépenses à répétition et à la limite inutiles. A l’en croire, la dégradation des infrastructures entraine des pertes en termes de PIB. Il confie que : « un dollar dépensé dans l’entretien permet d’économiser 400 milliards de dollars sur le continent ».
Amoindrir la domination étrangère dans les investissements
Cette facette de la question remet au goût du jour la part des investissements publics dans l’édification des infrastructures. M. Moustapha Sow, fondateur et CEO SF CAPITAL sur 60 milliards de dollars, de volume d’investissement consacré dans les infrastructures, 29% sont assurés par les institutions internationales.
Un état de fait qu’il juge problématique du moment qu’il y a de plus en plus de contraintes d’endettement qui empêchent les Etats africains de trouver des garanties pour mobiliser des ressources. Face à cette situation, M. Sow pense que l’Etat africain doit se désengager sur tout ce qui est entretien des infrastructures et développer un civisme auprès des populations.
Une situation qui, pour Falilou Fall, Senior Economist OECD, est loin d’être dramatique du moment que l’Etat c’est encore 60% des investissements des infrastructures en Afrique. Il s’est réjoui d’une certaine volonté politique qui commence à s’afficher avec la part plus en plus importante des infrastructures dans le budget de nos Etats. Avant déplorer, le fait que l’investissement soit encore en majorité assuré par l’étranger ou les organismes internationaux.
Prospecter les nouveaux véhicules de financement
Le ministre sénégalais de la promotion des investissements, Mme Khoudia Mbaye considère qu’aujourd’hui, l’Afrique offre une vision prometteuse en termes de croissance économique et en termes d’attractivité.
Un constat qui serait la résultante d’un volontarisme affiché et une dynamique communautaire pour le développement des infrastructures. Ce qui lui fait dire que les pouvoirs publics ont financé l’amorçage des projets maintenant il convient d’attirer le financement privé.
C’est sur cette lancée que M. Paul-Harry Aithnard, Directeur Groupe Marchés de capitaux et gestion d’actifs d’Ecobank replace les fonds d’investissements qui, à son avis, jouent un rôle de plus en plus important dans le financement des entreprises. Une option qui s’avère pertinente du moment que l’ensemble des marchés de capitaux en Afrique sud saharienne fait 1000 milliards, sans oublier les 400 milliards de dollars disponibles auprès des fonds de pensions.
M. Aithnard considère qu’« on est arrivé à une version 2.0 qui fait la part belle aux fonds d’investissements et fonds de pensions pour financer les infrastructures ». Sur cette lancée, il prône la création de produits et d’offres adaptés aux besoins africains pour générer des investissements dans le secteur des infrastructures.
M. Aithnard pense qu’il faut également donner une liberté fiscale aux collectivités en leur permettant d’utiliser l’assiette foncière pour lever des fonds sur les marchés des capitaux.
Même son de cloche pour Mme Liz Agbor Tabi, Directrice associée du Rockefeller Centre USA. Selon elle, pour régler le problème du financement dans les infrastructures, il faut faire preuve d’innovation.
Des services sociaux de base pour les populations
M. Amadou Thiam, Directeur des Grands Projets AGPBE, rappelle que l’objectif principal pour l’Afrique c’est d’offrir aux populations des services sociaux de base du moment qu’on est dans l’ère des villes intelligentes dont le défi principal c’est d’être dans le triptyque économie, social et environnement.
C’est pour cela que M. Didier Aphing-Kouassi, DG DAK Consulting pense que les Petites et moyennes entreprises (Pme) qui représentent 90% du tissu économique dans les pays africains ne peuvent pas être occultées dans la réalisation des infrastructures. Pour cela, il a décrié l’attitude des banques qui, selon lui, ne se soucient pas des Pme.
M. Kouassi qui milite pour les nouveaux véhicules de financement redoute pour autant les Eurobonds qui, d’après lui, sont très dangereux pour nos Etats.
M. Moustapha Ly, Directeur de l’Investissement du Sénégal met le doigt sur la faible maturation des projets en matière de ville intelligente en Afrique. A son avis, la ville du futur en Afrique réside dans la Zone Economique Spéciale (Zes).
M. Ibrahima Touré de BNETD, pour sa part, jette son dévolu dans le Partenariat public-privé (Ppp).
Le Directeur scientifique du Next Einstein Forum (Nef), M. Youssef Travaly quant à lui soulève un chainon manquant qu’est l’approche chaine de valeur. Pour lui, il faut avoir une approche très stratégique et intelligence de chaque problème qu’on veut résoudre dans le domaine des infrastructures.
Le secrétaire général du Syndicat des BTP et administrateurs MARS Sénégal, M. Mbareck Diop pense que le défi pour les pays africains reste l’énergie au moment où le barrage d’Inga qui se trouve en RD Congo peut alimenter une bonne partie de l’Afrique. Face à cette contradiction, M. Diop estime que les Etats doivent associer le secteur privé dans la conception des projets d’infrastructures pour qu’elles puissent bien assurer la maintenance.
M. Stanislas Zeze, PDG de Bloomfield Investlent Corporation, pour sa part, pense que la décentralisation des infrastructures permet de créer des pôles économiques autour de chaque ville. Par ailleurs, a-t-il averti, « On peut envisager tous les plans d’émergence possible mais sans discipline on ne parviendra à rien ». Avant d’ajouter : « Il faut qu’on ait des modèles africains pensés par des Africains ».
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