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Afrique : Macron, ambassadeur de trop bonne volonté ?

Après une visite en Tunisie, le chef de l’Etat participe ce vendredi à un sommet sur l’éducation au Sénégal. Favorisé par une absence de leadership en Europe, le Président se sent pousser des ailes sur la scène internationale, au risque d’agacer.

Il parlait ce jeudi en Tunisie, il parlera encore samedi au Sénégal : au pas de charge, sur tous les continents, Emmanuel Macron ne se lasse pas de prononcer de (trop) longs discours qui se veulent souvent fondateurs. Partout, il se pose en héraut d’un nouvel ordre mondial régi par un multilatéralisme bien tempéré, une diplomatie équilibrée, une planète à préserver. Le plus souvent bien accueilli, il incarne depuis huit mois, aux yeux des élites reconnaissantes, le refus des tentations protectionnistes, xénophobes et nationalistes qui ont rendu possible l’élection de leaders populistes, à l’image de Trump.

L’Afrique, où «se joue l’avenir du monde», se veut son horizon quasi messianique, le premier lieu hors des frontières où, élu, il a posé les pieds, «où se télescopent tous les enjeux contemporains» : «[Ce] n’est pas seulement le continent des migrations et des crises, c’est un continent d’avenir […] que nous ne pouvons pas laisser seul face à ses défis démographiques, climatiques, politiques», disait-il aux ambassadeurs fin août.

«Priorité absolue»

Devant le Parlement tunisien (lire ci-contre), Macron a vanté la démocratie, «ce combat permanent», chancelant à Tunis, et appelé «à transformer le printemps culturel et démocratique en un printemps politique, économique et social». Devant un parterre de chefs d’Etat à Dakar, au chevet d’un Partenariat mondial pour l’éducation créé en 2002, mais en quête de cash, il se fera vendredi l’avocat indéfectible de l’enseignement (lire page 3), «priorité absolue», avait-il martelé à Ouagadougou. Devant les habitants de Saint-Louis, à l’embouchure du fleuve Sénégal, il appellera samedi au réveil contre les ravages du changement climatique qui frappent les plus vulnérables (lire page 5).

Façon secrétaire général de l’ONU, Macron multiplie ainsi les occasions de s’adresser aux peuples du monde. Il y prend manifestement beaucoup de plaisir et semble ne pas douter de l’intérêt qu’éveillent ses paroles. De l’Acropole d’Athènes à l’université de Ouagadougou, du palais de Xi’an, vieille cité impériale chinoise, au Forum économique de Davos, ou encore à l’assemblée générale des Nations unies de New York, le Président déroule son show planétaire, le plus souvent à guichet fermé. Toujours perçu comme une figure neuve et originale sur la scène politique mondiale, il est l’objet d’une curiosité encore bienveillante. Sans doute conscient que cela ne va pas durer, il en profite pour conforter ce qu’il appelle lui-même son «leadership international». Il s’y consacre avec d’autant plus d’ardeur que les Français semblent s’en satisfaire. C’est en grande partie à cette stature internationale tant cultivée que Macron doit sa remontée inédite dans les enquêtes d’opinion. Il n’a évidemment pas été insensible à la une de l’hebdomadaire The Economist qui a pu le montrer en «sauveur de l’Europe» marchant sur l’eau.

«Nébuleux»

Il a apprécié que plusieurs médias américains lui prêtent la faculté de calmer le volcanique Trump, peut-être même de le faire changer d’avis. Et rien ne pouvait lui faire plus plaisir, après son récent voyage en Chine, que de se voir comparé par plusieurs éditorialistes européens au général de Gaulle, au motif qu’il serait parvenu à faire entendre une voix originale, sans craindre de contrarier les grandes puissances.

Macron a intégré son ambition planétaire. «Le rôle que la France a aujourd’hui, ce sont les Français qui l’ont choisi. En décidant d’élire un président de 39 ans venant de nulle part […], la France a stupéfait l’Europe et le monde en faisant ce choix», déclarait-il en décembre sur France 2. Les marques d’intérêt ont vocation à s’émousser. Faute de résultats et de calendriers concrets, de promesses tenues sur des ambitions martelées (doper l’aide au développement de 6 milliards d’euros par exemple), il ne pourra pas se reposer sur ses lauriers de pourfendeur de la vague populiste. Ou de promoteur d’un «new deal» planétaire.

Les premiers signes d’agacement. «Merkel a été claire et précise. Macron a été nébuleux», a torpillé le quotidien Die Welt, pas vraiment séduit par son plaidoyer régulationniste des échanges internationaux. A priori très bien disposés à l’égard du président français, décideurs et sociétés civiles commencent à s’inquiéter un peu de son goût immodéré pour les belles paroles.

Alain Auffray

Liberation

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