Regroupés depuis le 16 septembre 2023 au sein de l’Alliance des Etats du Sahel, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont, dans un communiqué conjoint diffusé simultanément, décidé, le dimanche 28 janvier 2024, de quitter la Cédéao.
Pour certains observateurs et analystes politiques, c’est une décision politique prise non mûrie et contreproductive pour l’économie et les populations de l’Aes. Pour d’autres en revanche, elle répond bel et bien à un objectif politique mûri par les trois pays. Lesquels aspirent plus que jamais à affirmer leur souveraineté politique, économique et monétaire !
Ces pays avaient-ils le choix alors que les faucons de la Cédéao tenaient mordicus à les maintenir sous leur coupe réglée, avec la menace des sanctions et de la guerre? Dans l’affirmative, l’Aes peut-elle surseoir à sa décision de retrait de la Cédéao si elle procédait à la relecture de certaines de ses clauses ?
Une chose est certaine : l’annonce du retrait est tombée comme un coup de massue sur le syndicat des chefs d’Etats de la Cédéao. Le message est bien passé, selon toute vraisemblance. Car, à en croire des sources bien introduites, ces faucons auraient abandonné la hache de guerre contre les pays «récalcitrants» pour une «solution de compromis». Ce qui pourrait faciliter la sortie de l’impasse qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer au sein de l’organisation sous-régionale.
Mais, à supposer ces informations avérées, sur quoi pourraient donc porter les compromis éventuels ? Les engagements pris par chacun des Etats par rapport au retour à l’ordre constitutionnel exclusivement ? Une relecture intégrale des textes communautaires afin que l’organisation sous-régionale ouest africaine cesse d’être le syndicat des Chefs d’Etat et le lobby financier des multinationales occidentales pour ne défendre que les seuls intérêts des populations de l’espace ? Difficile de prédire quoi que ça soit !
Pour les observateurs et analystes proches de l’Aes, la coalition politique des trois pays, bien qu’elle soit spontanément créée à partir d’une volonté d’assistance mutuelle et de défense collective, suite aux menaces de guerre des faucons de la Cédéao, est consciente des conséquences de son retrait. Ainsi, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, déclare qu’ils «restent membres de l’Uemoa pour le moment, donc bénéficient de la liberté de circulation» au sein de tous les pays de cette Union. Mais ne faut-il pas ‘’bémoliser’’ cet optimisme dès lors que le président de la Transition du Faso, Capitaine Ibrahim Traoré, interrogé par notre confrère Alain Foka, a déjà admis la création d’une monnaie des pays? Si cela advenait, qu’en serait-il de la libre circulation des personnes et des biens des trois Etats sahéliens, alors obligés de se retirer de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ?
Composée de huit pays membres, l’Uémoa est un sous-ensemble de la Cédéao. Des «saisies illégales» des avoirs financiers des États membres de l’Aes par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bcéao), sur instruction de certains Chefs d’État de l’Uémoa, ont fréquemment lieu. Ces pratiques perturbent leurs économies. Au cas où l’Aes déciderait de se retirer de l’Uémoa, cette dernière serait-elle aussi prête à revoir ses textes afin de les garder en son sein?
Gaoussou M Traoré