Mis en cause dans l’Affaire Petro-Tim, relancée début juin par une enquête de la BBC, qui le soupçonne d’avoir touché un pot-de-vin dans l’attribution de deux blocs gaziers, Aliou Sall a démissionné ce lundi de son poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
« Il est de mon devoir de laver mon honneur sali, de protéger les miens, qui sont aujourd’hui encore plus touchés que moi dans leur chair et dans leur esprit. C’est à la fois un problème de justice, de dignité mais aussi de responsabilité », a justifié Aliou Sall à travers une lettre consultée par Jeune Afrique et dont l’authenticité a été confirmée par l’intéressé. Dans cette lettre ouverte, implicitement adressée au chef de l’État, son frère aîné, Aliou Sall annonce sa démission de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), où il avait été nommé en septembre 2017.
« Une entreprise de déstabilisation »
Une décision qui intervient trois semaines après la diffusion d’une enquête de la BBC qui l’accusait notamment d’avoir reçu 250 000 dollars de la part de Frank Timis, à travers une SARL dont il est l’actionnaire, Agritrans. Des accusations qu’Aliou Sall avait niées en bloc : « Je n’ai jamais reçu, directement ou indirectement, un quelconque paiement de la part de Timis Corporation à travers Agritrans », martelait-il en conférence de presse, le 3 juin, au sujet de ce que la BBC qualifiait de « paiement [ayant] tout l’air d’un pot-de-vin ».
« C’est une campagne visant à me déshumaniser, [qui me présente] comme le méchant face aux bons, celui qui s’abreuve du sang et de la sueur du peuple sénégalais, le personnage sans foi ni loi qui nargue un peuple exsangue », se défend l’intéressé dans sa lettre.
Une « entreprise de déstabilisation » face à laquelle il a décidé de « poser des actes », non sans lyrisme : « Fort de la conviction profonde que demain il fera jour et que la lumière finira d’avoir raison des ténèbres, je prends ici devant vous la décision de donner ma démission de la tête de la Caisse des Dépôts et Consignations à compter de ce jour. »
Les partisans d’Aliou Sall empêchent la conférence de presse
Des propos que le frère de Macky Sall avait prévu de lire publiquement ce lundi, en milieu d’après-midi, depuis les jardins de l’hôtel de ville de Guédiawaye, en périphérie de Dakar, où il a été élu maire en juillet 2014. Mais les supporters de l’édile en ont décidé autrement.
Dès 15 heures, et pendant plus de deux heures, les partisans d’Aliou Sall se sont en effet évertués à empêcher la tenue de la conférence de presse afin de ne pas voir l’élu quitter ses fonctions à la mairie, n’hésitant pas à chahuter la presse et à remballer les installations mises en place. « Démissionner, c’est trahir Guédiawaye ! » ou encore « Guédiawaye fier de son maire », pouvait-on lire sur les pancartes agitées par des dizaines supporters échauffés, scandant « Laissez-le travailler ! »
Une inquiétude immédiatement contredite par le courrier d’Aliou Sall, qui fait « seulement » état d’une démission de la CDC, et qu’il signe : « Aliou Sall, maire de Guédiawaye ». « Des gens malhonnêtes veulent pousser Aliou Sall à démissionner parce qu’il y a des élections locales à venir. Nous, le pétrole et le gaz, ça ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c’est notre maire patriote qui a fait un excellent travail pour Guédiawaye », s’excite une supportrice d’Aliou Sall.
« Nous ne croyons pas un mot des allégations de la BBC », tranche un autre.
Par Manon Laplace – à Dakar
Source: Jeune Afrique