L’audience sur le fond de l’affaire assemblée nationale Figaro Mali a débuté, hier mercredi, au tribunal de la commune I du District de Bamako. Alors que les parties plaignantes souhaitaient aller à l’essentiel, la défense s’agrippait sur les exceptions de nullité de la procédure. En tout cas, un grand pas dans la recherche de vérité dans cette affaire a été déjà franchi. Le prévenu, notre confère du journal Figaro Mali, auteur de l’articule qui incrimine le président de l’Assemblée nationale d’adultère, a déclaré lors de ce 2e jour de procès qu’il était prêt à prouver ce qu’il a dit. Aussi, il dit avoir la confirmation de ses témoins et de sa source principale qui ont décidé de venir témoigner devant le tribunal. Toute chose que les avocats des plaignants disent saluer tant qu’ils contribueront à connaître la vérité. Dans tous les cas, pour les avocats des plaignants, le président du tribunal ne doit pas perdre de vue sur le terme de flagrant délit d’adultère qui doit être prouvé par tous les moyens.
Nous vous proposons le film de cette journée d’audience.
9 h 8 : Le président du tribunal a fait son entrée dans une salle archicomble. Il a commencé à faire la lecture du rôle des audiences du jour. Après il a informé les avocats de la défense que tous les plaignants ont payé leur consignation le 17 mars auprès du Greffe du tribunal de la commune I conformément à l’audience du 15 mars. Ainsi, l’Assemblée nationale a payé ses 2 millions de FCFA, M. Issiaka SIDIBE a payé son 1 million de FCFA et la dame, Mme KONATE Djénébou COULIBALY, ses 200 000 FCFA. Ensuite, il a remis le reçu de paiement des consignations aux avocats de la défense.
9 h 12 : Me DIOP, avocat de la défense, a pris la parole pour faire des observations sur la procédure du payement de la consignation par les plaignants. En matière de la citation directe, le payement de la consignation par les plaignants doit être notifié à la défense. Ce n’est pas au jour de l’audience que le président du tribunal nous informe du payement de la consignation. Qu’est-ce qui nous prouve que le reçu est authentique ? Nous devons être informés bien avant aujourd’hui (mercredi 22 mars) pour vérifier le document. À défaut de cette notification, nous estimons qu’il n’y a pas eu de payement de consignation.
9 h 15 : Le président du tribunal rappelle aux journalistes présents dans la salle qu’il est interdit d’enregistrer les débats et de filmer le procès. Mais exceptionnel, il peut autoriser la presse d’État à filmer le procès. L’ORTM n’étant pas présente à l’audience aucune autre presse n’a été autorisée à filmer.
9 h 16 : Pour Me DIOP, cette décision d’autoriser seulement l’ORTM à filmer le procès n’est pas normale. C’est avec l’ensemble des conseils et le ministère public que telle décision doit être prise.
9 h 18 : Le président du tribunal réagit, il est du rôle de Me DIOP d’interférer dans la conduite de l’audience. C’est lui qui décide de ça.
9 h 19 : Après ces clarifications, le président du tribunal appelle le prévenu à la barre pour lui faire la lecture des faits qui lui sont reprochés par les plaignants. Ces faits reprochés à M. CISSE sont réprimés par la loi : l’article 38 de la Loi 00-046 AN-RM du 7 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse qui dispose : « Toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes du discours, des cris, menaces, écrits ou imprimés. Toute expression outrageante en termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Donc, l’infraction dont est accusé M. CISSE est punissable de peine d’emprisonnement et d’amendes, a notifié le président.
9 h 25 : le ministère public intervient suite à la lecture des faits au prévenu pour demander, sinon suggérer la poursuite des débats en huis clos parce que l’affaire met en cause l’honneur et la dignité des plaignants. Dans cette affaire, on touche à l’honneur et à la dignité de la personne humaine.
9 h 28 : La défense, à travers Me DIOP, rejette cette proposition du ministère public. Il n’y a rien qui nécessite que l’affaire se poursuive à huis clos, a-t-il martelé. Rien ne présage à cela. Nous estimons qu’il faut continuer le débat contradictoire en public, a-t-il plaidé.
9 h 30 : La défense soulève plusieurs exceptions de nullité de la procédure dans cette affaire. D’abord, conformément à l’article 377 du code procédure civile, il y a nullité au motif de fait de non-recevoir.
« Ensuite, en droit, il n’y a pas de plainte collective et surtout en matière diffamation et délit de presse. Or, c’est ce que les plaignants, dans cette affaire, ont fait. En la matière, chaque plaignant doit faire seul sa plainte. Après, il revient au juge de demander ou de faire la jonction des plaintes s’il le juge nécessaire. La preuve, lors des audiences, on dit toujours le plaignant et non les plaignants », a-t-elle martelé.
Enfin, il y a eu, selon la défense, une violation de l’article 62 de la loi sur le régime de presse et délit de presse qui dit : « Le délai entre la citation et la comparution sera de 20 jours francs outre un jour de plus par cent kilomètres. Toutefois, en cas de diffamation ou d’injure pendant la campagne électorale contre un candidat à une fonction électorale, ce délai sera réduit à 24 heures. En outre, le délai de distance et les dispositions de l’article 63 ne seront pas applicables ».
Selon la défense, ce délai de 20 jours francs a été dépassé. En effet, dit M. DIOP, ils ont reçu le 20 février à 14 h 10 min la notification de l’affaire et c’est le 15 mars 2017 qu’il y a eu lieu la première audience. En appliquant les principes de l’article 62, le délai de 20 jours francs est décalé d’au moins de 2 jours.
Dans la même logique, a plaidé la défense, en matière de délit de presse, la loi a prévu la plainte et non une citation directe. Donc, la citation directe au cas d’espèce n’est pas légale. Le ministère public devrait être saisi pour ouvrir une enquête. Les plaignants ont voulu la citation directe pour échapper à cette enquête. Sur ces notes, est intervenue, une petite pose.
9 h 35 : Après une brève interruption, la défense poursuit son réquisitoire en ajoutant que l’Assemblée nationale n’a pas qualité de porter plainte dans cette affaire. Il y a lieu de faire une distinction entre la personne de Issiaka SIDIBE et l’Assemblée nationale, en tant qu’une institution de la république, poursuit-elle.
« En aucun moment, le journaliste n’a désigné l’Assemblée nationale. Le supposé fait ne porte ni atteinte à la dignité ni à l’honneur de l’Assemblée nationale. À cet effet, une plainte de l’Assemblée nationale doit être déclarée nulle parce qu’elle n’a aucun intérêt à porter plainte. Nous estimons qu’au regard de toutes ces exceptions de nullité, il y a lieu pour le président du tribunal d’annuler entièrement la procédure », a relevé la partie défense.
9 h 50 : La défense précise que l’auteur de l’article est un journaliste qui est protégé par la loi du régime de la presse de même que ses sources d’information. À cet égard, dans cette affaire, des plaignants ont manqué d’observer des préalables à une action en justice à savoir en vue de faire la rectification et le droit de réponse auprès du journaliste comme il est prévu dans l’article 26 à l’article 30 de la loi sur le régime de la presse et de délit de presse.
9 h 55 : La défense informe le tribunal que seule le secrétaire, Mme KONATE Djénébou COULIBALY, a fait un droit de réponse. Un coupon de cet article publié dans le journal « Figaro Mali » a été remis au président du tribunal de la commune I. À la suite de ces exceptions soulevées, le président décide de donner des clarifications.
10 h : Le président du tribunal intervient pour demander à la défense d’aller à l’essentiel et laisser les commentaires avant d’inviter les avocats des plaignants pour leurs observations.
10 h 2 : Pour les avocats des plaignants, la défense fait du bruit pour ne rien dire. Ce n’est pas le moment de soulever toutes ces exceptions de nullité dans la procédure alors qu’ils sont dans le vif du sujet de la procédure sur le fond. Ces observations devraient se faire bien avant ce 2e jour de l’audience de cette affaire. Il faut avancer avec le reste de la procédure, sinon les exceptions de nullité soulevées par la défense arrivent trop tard. « Mais nous tenons également à inviter nos collègues de la défense à aller vérifier leur copie sur la procédure. Nous sommes outrés quand la défense dit que l’Assemblée nationale n’est pas habilitée à porter plainte dans cette affaire. En plus de l’Assemblée nationale soit une personne morale disposant de personnalité juridique, elle a été visée dans l’article du prévenu », précise la partie plaignante.
Quant aux préalables de la rectification et le droit de réponse dont fait allusion la défense, le conseil des plaignants rétorque que leurs clients ne sont pas tenus de respecter ces préalables. Ce n’est une obligation pour personne de demander une rectification à un journaliste ou de lui faire par un droit de réponse concernant un article de presse. « C’est vraiment facultatif, pour cette raison il était inutile pour la défense de faire du dilatoire en nous évoquant ces points comme motifs de nullité de la procédure », affirme un avocat.
« Quelqu’un qui dit assumer les faits qu’il a posés ne doit plus avoir peur d’aller au fond dans cette affaire. Nous pensons qu’il faut qu’on aille au fond », a invité la partie plaignante.
10 h 20 : le ministère public pense aussi que les nullités soulevées par la défense ne sont plus tenables.
10 h 24 : La défense rétorque en déclarant que le ministère public et les avocats des plaignants sont en train de mettre les gens en erreur. Ce procès est un cas d’école dans notre pays et est suivi par des étudiants, des chercheurs. Donc, ils doivent faire en sorte que ceux-ci ne partent pas avec des fausses informations. Aussi, la défense se demande pourquoi le ministère public se lève pour dire que les exceptions de nullité sont inopportunes, s’interroge un avocat de la défense ? À ce qu’elle sache, cette affaire n’est pas celle du ministère public parce qu’il a été mis à l’écart. Donc, il revient au conseil des plaignants de prouver que nos exceptions de nullité ne sont pas légales, plaide-t-il.
10 h 30 : Le conseil des plaignants répond qu’il n’y aura pas de manie pour bloquer la procédure. « La défense a peur d’aller au débat, c’est pourquoi elle est en train de jouer au dilatoire », dénonce le conseil des plaignants. Dans tous les cas, elle aura l’opportunité et l’obligation de s’exprimer sur cette affaire, insiste-t-il.
10 h 35 : Le président du tribunal tranche en confirmant avoir pris note des observations de la défense et que celles-ci seront jointes au fond pour les débats.
10 h 37 : Le président appelle de nouveau à la barre le prévenu, notre confrère du journal « Figaro Mali » :
-est-ce que vous savez ce qu’on vous reproche ?
10 h 38 : – je veux savoir !
10 h 38 : Le président du tribunal invite alors le conseil des plaignants de venir dire à M. CISSE ce que leurs clients lui reprochent.
10 h 39 : Le conseil des plaignants va alors rappeler les faits qu’ils reprochent à notre confrère.
10 h 42 : Le prévenu, après le réquisitoire du conseil des avocats, répète qu’il assume ce qu’il a écrit dans son journal. Mieux, il dit être pressé qu’on lui donne l’opportunité de prouver ce qu’il a dit dans son article de presse. Ses témoins et sa source sont déjà disposés à témoigner dans cette affaire, précise-t-il. Aussi, pour un débat contradictoire, il souhaite également la comparution du président de l’Assemblée nationale, Issiaka SIDIBE devant le juge. En plus de ce que ses témoins et sa source vont dire, le prévenu affirme également avoir des preuves de ce qu’il a avancé.
10 h 45 : Pendant que M. CISSE parle de ses preuves, le président du tribunal invite M. DIOP de la défense de venir prendre note des propos de son client.
10 h 52 : Le conseil des plaignants dit qu’ils sont d’accord que le prévenu apporte la preuve de ce qu’il dit. Mais il ne souhaite pas que la présentation de cette preuve soit encore une manière à tuer le temps. Il dit attirer également l’attention du président du tribunal sur la nature du flagrant délit d’adultère qui doit être prouvé à tous les moyens. Pour le conseil des plaignants, s’il peut prouver un flagrant délit d’adultère, il a tout le temps de le faire.
10 h 54 : Le président du tribunal dit qu’il n’y aura pas de dilatoire en ce que le prévenu et ses avocats ont un délai d’un mois pour apporter la preuve de ce que M. CISSE avançait. Aussi, le président du tribunal a rappelé que la preuve à laquelle fait allusion le prévenu doit être également notifiée aux plaignants. C’est sur cette note que le président a renvoyé la suite de l’audience 29 mars prochain.
Par Sikou BAH
Source: info-matin