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Affaire des poissons : malédiction ou scandale ?

’affaire des poissons morts, pollués ou avariés, semble avoir de beaux jours devant elle. En effet, le retard pris dans la communication officielle a donné lieu à toutes les supputations et le communiqué du ministère de l’Elevage et de pêche au lieu d’apaiser semble ajouter à la controverse et à la polémique. Quelle est la cause réelle de cette hécatombe des poissons ? Pollution accidentelle ou malédiction ? Les poissons recueillis et mis en vente depuis des jours sont-ils vraiment propres à la consommation ? 

Et depuis des lustres, l’éternel Djoliba n’est plus autant généreuse pour les bonnes prises. Alors la question logique est : comment subitement le fleuve charrie-t-il du poisson à profusion, tel un cadeau tombé du ciel.Puisque les poissons ne tombent pas du ciel, qu’avons-nous fait pour mériter cette générosité du fleuve ? Le fatalisme ancré et partagé dans notre culture veut y voir un signe du ciel. Un signe de bénédiction ou de malédiction ?

En absence de toute explication scientifique ou raisonnable faut-il croire à un des signes du ciel pour ne pas parler de malédiction ?

Notre Maliba est à des millénaires de l’Égypte pharaonique. Pour autant, l’épisode des poissons morts dans le fleuve n’est pas sans rappeler la première plaie d’Égypte, telle que décrite dans l’Exode (chapitre 7, versets 14 à 25).

En effet, dans le livre de l’Exode qui raconte l’exode hors d’Égypte des Hébreux sous la conduite de Moïse, on peut lire : « Ainsi, a dit l’Éternel : À ceci, tu sauras que je suis l’Éternel : Voici, je vais frapper de la verge qui est dans ma main, les eaux qui sont dans le fleuve, et elles seront changées en sang.

Et le poisson qui est dans le fleuve mourra, et le fleuve se corrompra, et les Égyptiens éprouveront du dégoût à boire des eaux du fleuve.

Puis l’Éternel dit à Moïse : Dis à Aaron : Prends ta verge, et étends ta main sur les eaux des Égyptiens, sur leurs rivières, sur leurs fleuves, et sur leurs étangs, et sur tous leurs amas d’eaux, et qu’elles deviennent du sang ; et il y aura du sang par tout dans le pays d’Égypte, et dans les vases de bois et dans les vases de pierre.

Moïse et Aaron firent donc ainsi, comme l’Éternel l’avait commandé. Et Aaron leva la verge, et frappa les eaux qui étaient dans le fleuve, aux yeux de Pharaon et aux yeux de ses serviteurs ; et toutes les eaux qui étaient dans le fleuve furent changées en sang.

Et le poisson qui était dans le fleuve mourut, et le fleuve se corrompit, et les Égyptiens ne purent boire des eaux du fleuve ; et le sang fut par tout le pays d’Égypte » (Exode, 7, 17-21).

Le président IBK n’est pas Pharaon et le Mali n’est l’Égypte. Aussi, faudrait-il chercher en dehors des saintes Écritures l’explication des poissons, pollués ou frelatés, dont certains ont déjà fini dansl’assiette de bien de Bamakois.

Selon plusieurs observateurs, l’explication des poissons morts dans le fleuve Niger qui n’a rien d’une malédiction peut se trouver dans un enchainement de facteurs et causalités, climatiques, chimiques et environnementaux.

En plus de la chaleur excessive enregistrée cette année, on raconte à Bamako que la société SOMAPEP a procédé, le mercredi 15 mai 2019, à une lâchée d’eau. Cette opération de lâchée d’eau chlorée consistait à désinfecter les conduites en vue d’augmenter la fourniture d’eau à Bamako. A cette occasion, Somapep a fait un communiqué pour demander aux parents d’éloigner les enfants des installations où ces lâchées d’eaux sont constatées. Parce que ces eaux chlorées sont impropres à la consommation. Or, à Sabalibougou, raconte un témoin, les enfants et les femmes se ruent vers cette chute d’eau que forme la lâchée d’eau : les enfants pour se baigner et les femmes pour les usages domestiques (lessive et vaisselles) ! Et un gamin serait décédé suite à une chute.

Les pluies torrentielles tombées sur Bamako le jeudi 16 mai, outre les 16 morts enregistrés, a eu pour conséquence de drainer toutes les ordures, détritus et autres déchets industriels entassés sur les voies d’évacuation dans le fleuve. Or, il est établi que ces déchets industriels sont pour la plupart toxiques. Ceci a-t-il eu pour effet de polluer l’eau et d’étouffer les poissons provoquant le premier grand scandale écologique de l’ère IBK. Les experts officiels le disent à demi-mot pour ne pas froisser ou mettre à l’index les pollueurs du fleuve, responsable de ce scandale écologique.

Toujours est-il que les poissons ont commencé à trépasser dès le lendemain vendredi 17 mai, et pêcher comme un cadeau du fleuve et vendu à moindre coût par les pêcheurs. Face à cette « promo exceptionnelle poisson », les services d’investigations ont lancé l’alerte.

Sous la pression des réseaux sociaux, une mission conjointe composée de la Direction Nationale de la Pêche et de la Direction Nationale des Services Vétérinaires (DNSV) s’est rendue sur les lieux, le samedi 18 mai 2019, pour faire des prélèvements d’échantillons de poissons et d’eau pour des fins d’analyse aux laboratoires afin de situer les causes de cette forte mortalité de poissons.

Faute de compétences et de technologie appropriée pour procéder à ces analyses, les échantillons auraient été expédiés, selon des sources généralement bien informées, relayées par un confrère, au Maroc, en France et au Sénégal pour procéder auxdites analyses.

Avant même « les résultats des analyses d’échantillons envoyés aux laboratoires », le ministère, dans un déni scientifique sans précédent, tente de rassurer les populations sur l’empirisme légendaire et la religion des pêcheurs. Dans un communiqué publié ce lundi 20 mai, le ministère de l’Élevage et de la pêche, estime que « ce type de pollution est habituel en début d’hivernage après chaque grande pluie. Cependant, la forte mortalité de poissons observée cette année serait probablement due à l’effet conjugué de la baisse du niveau des eaux, la quantité importante de déchets drainés par la pluie, impactant une forte turbidité de l’eau qui a provoqué l’asphyxie des espèces de poissons très sensibles au manque d’oxygène de l’eau ». Avant de tirer la gravissime conclusion « que c’est un cas mineur circonscrit et passager et qu’il n’y a pas de risque de drame écologique ! » Cependant, elle déconseille la consommation et la commercialisation desdits produits avant les résultats des analyses d’échantillons envoyés aux laboratoires.

Comme on le voit à travers les difficiles explications fournies, les experts officiels et le ministère de l’Élevage et de la pêche pataugent dans une totale incertitude. Ils ne savent pas comment et pourquoi les poissons sont morts. Ils ne savent pas si les populations doivent ou non consommer ces poissons. Pire, il aura fallu au ministère de l’Élevage et de pêche 48 heures pour déconseiller aux populations (qui ont déjà fait la fête) la consommation et la commercialisation desdits produits en attendant les résultats des analyses d’échantillons. Le ministère aurait fait preuve de responsabilité, en conseillant aussi aux populations qui ont déjà consommé cesdits poissons pollués ou frelatés de se faire consulter. Autrement, si le « cas mineur » devenait un gros drame sanitaire, l’État pourrait voir sa responsabilité engagée suivant le principe de non-assistance à personnes en danger.

C’est cela aussi le scandale que ceux qui sont chargés d’informer et de protéger les populations ne savent pas, et font dans la sorcellerie arrosée de Coca-Cola.

Affaire à suivre

Par Abdoulaye OUATTARA

Source: info-matin.

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